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Étude de cas. Le pont Simone-Veil à Bordeaux, les mobilités au cœur de la métropolisation

Publié le 09/09/2024
Auteur(s) : Victor Piganiol, professeur d'histoire et géographie, docteur en géographie du tourisme - université Bordeaux Montaigne

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L’inauguration en 2024 d’un nouveau franchissement de la Garonne dans le sud de la métropole bordelaise, le pont Simone-Veil, est l’occasion d’aborder la question des mobilités dans les métropoles régionales françaises. À travers les mobilités, les décisions politiques d’aménagement urbain, la recherche d’attractivité posant des questions de justice sociale, il s’agit d’un bon exemple du processus de métropolisation en fonctionnement.

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Document 1. Les ponts sur la Garonne à Bordeaux

Ponts à Bordeaux

Le nouveau pont Simone-Veil ((Il devait initialement s’appelait « pont Jean-Jacques Bosc », avant d’être renommé Simone-Veil à la mort de Simone Veil, pendant l’été 2017, alors que le pont était en construction.)) a été inauguré le samedi 6 juillet 2024, après sept années de construction, avec une interruption des travaux de 2018 à 2020, constituant dès lors un nouveau franchissement urbain pour Bordeaux, le sixième dans Bordeaux intra-muros ((Si l’on exclut du compte les deux ponts tournants des Bassins à flots, à proximité de la Cité du Vin.)) (document 1) et, synchroniquement, un nouvel espace public sur l’eau.

1. Un pont représentatif d'un chantier urbain plus vaste

Ce pont relie les deux rives de la Garonne en s’établissant sur trois communes de Bordeaux Métropole : Bordeaux, Bègles et Floirac. Il s’agit du deuxième pont inauguré en dix ans après le pont Jacques Chaban-Delmas, le plus haut pont levant d’Europe, alors qu’il n’y avait eu aucune construction de pont depuis vingt ans (document 1). À Bordeaux, la rareté des franchissements peut s’expliquer par la largeur du fleuve, plus de 500 m, avec des coûts importants liés aux travaux nécessaires à leur construction. Le statut maritime et portuaire de la ville ajoute une contrainte supplémentaire sur la construction des ponts, puisque de nombreux navires ont remonté et remontent encore l’estuaire de la Gironde puis la Garonne.

Il s’agit d’un pont mixte mêlant différents usages et usagers : franchissement de la Garonne, récréation avec la possibilité d’organiser des évènements musicaux ou sportifs, espaces dédiés au repos et à la contemplation, etc. Avec sa structure acier-béton, il possède une taille relativement importante, 549 m de long et 44 m de large. Le zonage du pont est le suivant, hors bordures : 18 m d’espace piéton, 4 m de piste cyclable bidirectionnelle, deux voies centrales de 2 m chacune dédiées aux bus en site propre et 14 m pour les véhicules particuliers répartis sur 2 × 2 voies. Les aménagements extérieurs situés aux emprises du pont sont végétalisés. Sur les deux rives, le pont Simone-Veil est progressivement raccordé aux quais de la Garonne, dessinant des voies sur berges piétonnes et cyclistes jusqu’au centre-ville.

Ce grand équipement métropolitain s’intègre dans l’OIN (Opération d’intérêt national) Bordeaux Euratlantique créée en 2009. Partant de la rive gauche, désignée comme un territoire qui faisait jusque-là figure de repoussoir et de lieu de la vie nocturne, elle a été présentée comme la plus grande opération d’aménagement de France (738 ha, soit la superficie de la commune d’Arcachon), hors région parisienne. Le processus de désenclavement, de démarginilisation et de recherche d’attractivité reflète une métropolisation volontaire décidée et portée par les acteurs de la Métropole. Le projet peut être comparé à celui de Lyon Confluence (150 ha) ou à l’opération de rénovation urbaine Euroméditerranée à Marseille (480 ha).

Document 2. Le périmètre de l’opération d’intérêt national Bordeaux Euratlantique

OIN Bordeaux Euratlantique Plan

Source : Cour des comptes (2020), reprenant un document de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique.

D’après la présentation du projet et les premières réalisations, le projet vise la mixité fonctionnelle tout en ressemblant aux projets urbains mis en œuvre dans toutes les métropoles comparables. Les espaces résidentiels doivent accueillir 20 000 à 30 000 habitants supplémentaires dans différents quartiers (Garonne-Eiffel, Saint-Jean-Belcier, Bordeaux Belvédère, Armagnac, Saint-Germain...). Le centre d’affaires ambitionne un rayonnement international avec 500 000 m2 de bureaux et des hôtels. La fonction de loisirs est au centre du projet avec des lieux culturels (la MÉCA, le Frac et les agences régionales dédiées à la culture, la Cité numérique, la salle de concert Arkéa Arena…) et des surfaces commerciales dont la halle Boca, lieu de restauration qui réunit des cuisines du monde sur le modèle du Time Out Market à Lisbonne. Le projet implique également la rue piétonne Canopia, des équipements publics et des espaces verts.

2. Les mobilités au service de la métropolisation

L’ouverture du pont prend place dans une logique de réagencement des transports et des mobilités bordelais. Il s’agit notamment du prolongement du réseau de tramway, du développement de l’offre TER. Le projet Bordeaux Euratlantique a été favorisé par l’arrivée de la LGV Océane en juillet 2017, puis par le réfection complète de la gare Saint-Jean à partir de la rénovation de la grande verrière métallique de 21 000 m2 et le remplacement de la vieille passerelle Eiffel par un pont adapté au futur trafic (le pont Garonne, l’un des huit franchissements du fleuve). La gare a ainsi été dédoublée pour être connectée à un pôle multimodal.

La création de cet outil territorial s’insère dans le phénomène de métropolisation de Bordeaux, renvoyant aux politiques de mobilité et d’attractivité déployées par les acteurs métropolitains, comme dans d’autres espaces (Nantes, Lyon, Marseille, Toulouse, etc.). Ici, ce franchissement a été réalisé afin de répondre à plusieurs objectifs :

  • Rééquilibrer les déplacements sur les deux rives/quais ;
  • Améliorer le lien entre les deux rives du fleuve et compléter le réseau de voirie (notamment après la fermeture définitive du pont de pierre aux véhicules motorisés) ;
  • Poursuivre les itinéraires associant tous les modes de déplacement (piétons, cycles, transports en commun, véhicules particuliers, etc.) ;
  • Accompagner le développement de la gare de Saint-Jean avec l’arrivée de la LGV ;
  • Participer à la desserte des territoires en cours de mutation et favoriser les échanges entre les différents pôles d’activité de part et d’autre du fleuve (Euratlantique, Zac des quais de Floirac, Bordeaux Métropole Arena) ;
  • Mettre en valeur les berges du fleuve et de favoriser leur réappropriation et maintenir les navigations fluviales.

Ce type de pont et de projet urbain relève, comme d’autres motifs paysagers (la friche industrielle réhabilitée, le front d’eau, le quartier historique gentrifié, le mall, le grand équipement culturel…), d’un modèle métropolitain reproduit dans des milliers de métropoles françaises, européennes et mondiales, de toutes tailles. Si chaque ouvrage est singulier et vise à individualiser une silhouette urbaine, ils obéissent tous aux mêmes stratégies et procèdent des mêmes objectifs.


Pour aller plus loin

 

Victor PIGANIOL

Professeur d'histoire et géographie, doctorant en géographie, Université Bordeaux Montaigne, UMR PASSAGES 5319

 

Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron

Pour citer cet article :  

Victor Piganiol, « Étude de cas. Le pont Simone-Veil à Bordeaux, les mobilités au cœur de la métropolisation », Géoconfluences, septembre 2024.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/la-france-des-territoires-en-mutation/etudes-de-cas/le-nouveau-pont-simone-veil-a-bordeaux-illustre-comment-les-mobilites-sont-au-coeur-de-la-metropolisation