Front pionnier
L’expression « front pionnier » désigne un type de frontière intérieure à un État, séparant deux types d'usages du sol radicalement différents, l'un des deux cédant le pas face à l'avancée du second. Il est un lieu de rencontre mais surtout, le plus souvent, d'affrontement, dans lequel deux logiques inconciliables se font face, dans des espaces de marge où le pouvoir central ne joue que lointainement le rôle d'arbitre qui lui serait normalement dévolu. Parmi les oppositions binaires pouvant se jouer et se cumuler sur un front pionnier, citons par exemple nomadisme/sédentarité ; forêts/espaces ouverts ; autochtonie/peuplement exogène ; pastoralisme/agriculture ou chasse et cueillette/agriculture.
En 1893, Frederick Jakson Turner théorise le premier la notion de Frontier, front pionnier de la conquête de l’Ouest américain et modèle de la construction du territoire des États-Unis, par opposition aux termes classiques désignant la frontière administrative : boundary, border. La géographie a longtemps célébré ces fronts comme le symbole de l'avancée de la civilisation sur ce qui relèvait du sauvage, la figure du pionnier évoquant pour elle une vie nouvelle écrite sur une page blanche, comme en témoigne cette citation d'Albert Demangeon (1932) :
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Le front pionnier renvoie à un processus d’aménagement du territoire qui peut être décomposé en plusieurs étapes :
- une valorisation du territoire par une spéculation foncière et une légalisation des terres appropriées sans réelle transformation ;
- un peuplement progressif accompagné d’un contrôle du territoire le long d’axes routiers ;
- une organisation spatiale de la région pionnière fondée sur la connexion de quelques pôles urbains en croissance par de grands axes de transports en voie de consolidation.
La progression du front pionnier se déroule très rarement de manière linéaire et s’apparente davantage à une frange d’épaisseur variable. Ainsi, il procède davantage de sauts discontinus le long d’axes privilégiés, en laissant derrière lui des îlots non transformés, et conduit à la création d’un territoire en archipel.
(ST) 2009. Dernière modification (JBB) novembre 2021.
Références
- Demangeon, Albert (1932), « Pionniers et fronts de colonisation », Annales de géographie, année 1932, 234, p. 631-636
- Turner, Frederick Jackson (1893). The frontier in American history. Hold Rinehart and Winston, 201 p. Ouvrage disponible en ligne.
Pour compléter
- Yvette Vaguet, « Fronts et frontières en Arctique, quelle singularité ? », Géoconfluences, décembre 2021.
- Hervé Théry, « Histoire d'un pionnier brésilien en Amazonie », Géoconfluences, septembre 2016.
- Marie-Françoise Fleury, « Les dynamiques des fronts pionniers amazoniens », Géoconfluences, mai 2009.
- Pierre Gautreau, Sylviane Tabarly, « Identifier et analyser les marqueurs spatiaux des fronts pionniers brésiliens », Géoconfluences, mai 2009.
- Laetitia Perrier-Bruslé, « La Bolivie à la conquête de l'Est. Flux migratoires et intégration territoriale des marges orientales », Géoconfluences, novembre 2004.
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