Carte sensible
Une carte sensible est une image utilisant une partie des règles de la sémiologie graphique pour représenter une information relevant du sensible ou de l’émotionnel. Se plaçant plutôt du côté des méthodes dite qualitatives, la carte sensible prend acte des limites des outils traditionnels de représentation de l’espace pour refléter certains aspects du réel, notamment l’espace vécu par les acteurs (et en particulier les acteurs peu dotés en capital spatial et culturel).
Une carte sonore peut ainsi représenter ainsi des sons entendus à Miami (Jolivet, 2015) ou à Shanghai (Defoin-Merlin, 2021). Une carte sensible peut aussi représenter des émotions. Par exemple, dans les travaux de Chrystel Oloukoi (2016) sur la marche nocturne, la carte sert à objectiver les espaces ressentis comme rassurants ou inquiétants dans les quartiers traversés à pied par une femme, à Johannesbourg, une ville où les violences urbaines, notamment à l’égard des femmes, sont courantes.
La carte elle-même peut être sensible par l’intermédiaire des matériaux choisis. Pour faire s’exprimer des groupes sociaux peu familiarisés avec les codes de la cartographie, on peut passer par le collage, le dessin figuratif ou encore par le tissage. La carte est alors participative. Dans ce cas, c’est la carte elle-même, qui peut être l’objet à toucher. Dans sa thèse, Élise Olmedo (2015) a ainsi proposé à ses enquêtées de produire des cartes tissées, afin d’accéder à l’espace vécu par des femmes de milieu populaire dans les quartiers défavorisés de Marrakech. Sarah Mekdjian utilise aussi la carte pour formaliser le discours de personnes exilées sur leur propre trajectoire migratoire (Amilhat Szary et Mekdjian, 2015). La carte sensible est alors aussi une carte mentale, qui reflète la perception de l’espace par l’individu.
La cartographie sensible peut poursuivre plusieurs objectifs : support et partie d’un discours scientifique (en complément d’autres approches, pour saisir les dimensions non visuelles d’un paysage par exemple) ; technique d’enquête (au même titre que le questionnaire ou l’entretien) ; support heuristique ou pédagogique (la carte utilisée en classe ou « hors la classe », pour faciliter l’acquisition par l’apprenant d’un savoir ou d’un savoir-faire).
(JBB) décembre 2023
Références citées
- Amilhat Szary Anne-Laure et Mekdjian Sarah, « Carte à la une : les frontières vues du sol et du ciel, navigation dans un itinéraire migratoire », Géoconfluences, mars 2015.
- Defoin-Merlin Sarah (2021), « Chanter en Chine pendant la pandémie de Covid-19 », Géoconfluences, mars 2021.
- Jolivet Violaine (2015), « Carte à la une : Miami ville sonore », Géoconfluences, juin 2015.
- Olmedo Élise (2015). Cartographie sensible. Tracer une géographie du vécu par la recherche-création. Thèse de doctorat en géographie, Université Paris 1.
- Oloukoi Chrystel (2016), « La marche urbaine : un outil pour appréhender les émotions a Johannesburg ? », Carnets de géographes [En ligne], 9 | 2016.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Des formes variées de représentations cartographiques dans la rubrique « carte à la une »
- Florian Pons, « Penser la ville de demain en sixième : un exemple de démarche prospective au cycle 3 (quartier Valmy, Lyon) », Géoconfluences, janvier 2021.
- Anne Lascaux et Les étudiants du master MEMED de l'université Lyon 3, promotion 2019-2020., « Carte à la une. Comment les jeunes géographes ressentent-ils le monde contemporain ? Un exercice de cartographie des émotions », Géoconfluences, mai 2020.
- Fabien Pontagnier, « Carte à la une : territoires métropoliStains », Géoconfluences, juillet 2016.