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Financiarisation

Publié le 22/03/2024
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Au sens strict, la financiarisation est le passage d’une économie fondée sur un financement par les banques traditionnelles à une économie fondée sur les marchés financiers. Plus généralement, la financiarisation désigne la place croissante de la finance de marché dans l’ensemble des secteurs économiques.

Depuis la décennie 1980, à plusieurs échelons, sous l’impulsion d’institutions internationales comme le FMI, la Banque mondiale, le GATT (aujourd’hui OMC), et d’États (les États-Unis de Ronald Reagan ou le Royaume-Uni de Margaret Thatcher), la financiarisation des économies développées a été encouragée pour répondre aux crises du capitalisme et à la désindustrialisation. Les auteurs de la page Wikipédia « financiarisation », dans la même ligne, recensent une série de bienfaits imputables à la financiarisation (au sens strict) de l’économie, plus résiliente aux crises que l’économie bancaire traditionnelle (sans préciser toutefois que cette résilience est surtout liée à l’injection massive d’argent public dans le système financier).

L’exemple de l’agriculture est révélateur. Le modèle d’exploitation traditionnelle (propriété privée associée au fermage et au métayage, main d’œuvre familiale, autofinancement), n’avait pas été fondamentalement remis en question par le recours aux banques : les entreprises agricoles ont changé d’échelle, l’exploitant devenait un entrepreneur subordonné aux prêts bancaires, mais ces derniers étaient en partie négociés à l’échelle supérieure par de puissants syndicats. Dans une agriculture financiarisée, l’exploitant est un opérateur obéissant aux commandes d’un grand groupe avec lequel il est sous contrat, lequel groupe a des exigences de rentabilité imposées par ses actionnaires (>>> voir agrobusiness).

Le sport, la culture, l’art, la santé… Aucun secteur n’échappe à ce mouvement. Dans l’éducation par exemple, le désengagement des États dans le secteur public, dans le Nord global comme dans le Sud global, s’accompagne d’une croissance forte du secteur privé, dont une partie s’est fortement financiarisée (Delage et al., 2023). Des groupes multinationaux de l’edubusiness ouvrent ainsi en Afrique des écoles « low cost » où l’enseignant est un exécutant peu diplômé qui applique le programme fourni quotidiennement par l’entreprise (ibid.).

Les études urbaines ont produit une littérature abondante sur la ville franchisée et la financiarisation de la ville. Antoine Guironnet (2020) rappelle, en citant l’exemple de l’urbanisme haussmannien à Paris, que celle-ci n’est pas nouvelle, mais avec la généralisation des grands projets public-privé et de la ville néolibérale, elle est le phénomène majeur de la production urbaine du XXIe siècle.

La financiarisation de l’économie fait l'objet de nombreuses critiques. D’une part, alors qu’elle aurait pu se limiter aux secteurs de l’économie productive relevant de l’initiative entrepreneuriale, elle s’est accompagnée de privatisations et d’une dérégulation entraînant le recul des services publics dans de nombreux États. D’autre part, alors qu’une financiarisation régulée aurait pu fluidifier les rapports économiques et permettre à un grand nombre de petits acteurs économiques de profiter des retombées de la croissance, dans les faits, elle s’est faite au profit d’une concentration croissante des capitaux entre les mains de groupes toujours plus grands, et toujours plus capables d’influencer les pouvoirs politiques en faveur de leurs intérêts. Malgré les promesses, souvent non tenues, de la finance verte, l'objectif de rentabilité rapide est presque toujours en contradiction avec l’impératif de mettre en œuvre des solutions, écologiques et justes, à court comme à long terme, aux problèmes contemporains.

En outre, les économies financiarisées sont sujettes à la surchauffe et aux bulles spéculatives, qui certes sont un moyen de détruire l’excès de capital produit trop rapidement et non redistribué, mais qui entraînent des dépenses considérables pour les États et les contribuables sollicités lorsque survient la crise.

(JBB), février 2024.


Références citées
  • Delage Aurélie, Giband David, Mary Kevin, Nafaa Nora, Géographie de l'éducation. Concepts, enjeux et territoires. Armand Colin (Dunod), 2023, 240 p.
  • Guironnet Antoine, « Financiarisation : Quand la finance capitalise sur la ville », in Matthieu Adam et Émeline Comby (dir.), Le capital dans la cité. Une encyclopédie critique de la ville, 2020, p. 161–172.
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