Mégaprojet, grand projet, grand projet urbain
>>> Ne pas confondre avec les grands projets urbains en France, voir : politique de la ville en France.
Les mégaprojets sont des projets d’aménagement à vaste échelle impliquant à la fois des constructions d’infrastructures (voirie, terminaux portuaires, canaux, gares…), et du bâti (industriel, commercial, résidentiel, touristique, de bureaux, de loisirs…). Les mégaprojets peuvent se penser soit à l’échelle intra-urbaine (complexe touristique, industrialo-portuaire, ville nouvelle), soit à l’échelle interurbaine (corridor de transport). Le mot peut s'appliquer à des projets de nature industrielle, minière, portuaire, ou encore énergétique, mais aussi à des projets liés aux services (tourisme et hôtellerie, centres commerciaux, parcs d'attraction, grands musées...), avec comme dénominateur commun le gigantisme et les conséquences importantes, positives et négatives. Dans le cas des mégaprojets culturels et notamment des grands musées, l'une des motivations explicite ou non peut être de rechercher un « effet Bilbao », qui n'est pas toujours au rendez-vous à l'arrivée. Dans les pays précaires, ces grands projets peuvent être synonymes d'accès à un confort nécessaire. Toutefois, ils ont très souvent des conséquences négatives, environnementales d'abord en raison des émissions de GES engengrées par les travaux, de l'artificialisation des sols et de la destruction d'habitats, mais aussi sociales et politiques lorsqu'ils servent de prétexte pour expulser des populations jugées indésirables.
L’impulsion de départ est presque toujours publique, le plus souvent étatique, plus rarement régionale, en raison de la planification nécessaire, des éventuelles expropriations à prévoir, et de la longueur des échéances temporelles. Mais dans le contexte de la ville néolibérale et de l’urbanisme de projet, et contrairement aux grands projets publics du XXe siècle (grands barrages, aéroports, nouveaux réseaux à grande vitesse, villes nouvelles), les mégraprojets du XXIe siècle sont presque toujours des montages public-privé, le lien étant fort entre les pouvoirs publics et les grandes entreprises, en particulier les multinationales du bâtiment et des travaux publics. Dans certains pays, l’intrication entre pouvoir politique et économique est telle qu’on parle d’un « capitalisme de connivence ».
Les mégaprojets caractérisent particulièrement aujourd’hui les pays émergents et les pays en situation de précarité, souvent en partenariat avec la Chine, notamment dans le cadre des nouvelles routes de la soie, jalonnées de nombreux chantiers de ce type. Ces pays réunissent souvent les conditions à leur multiplication : nécessité de rattraper ce qui est perçu comme un retard de développement, capacité à attirer les investissements étrangers dans le contexte de fortes perspectives de croissance économique, et régimes autoritaires s’embarrassant peu des oppositions locales. On retrouve des exemples de ce types de projets en Afrique orientale (D’Alessandro, 2017), aux Émirats arabes unis (Semple, 2017) ou encore au Vietnam (Tran, 2021).
Là où l'expression d'un débat public est possible, les mégaprojets rencontrent fréquemment des oppositions locales structurées, en particulier en raison de leurs conséquences environnementales telles que l’artificialisation des sols ou la destructions d’habitats écologiques. Surnommés en France « grands projets inutiles » par leurs opposants, ils peuvent cristalliser les oppositions sous forme d’une « zone à défendre ». Les grands projets sont donc souvent à l'origine de conflits environnementaux, opposant classiquement les arguments économiques (croissance et emplois) aux arguments environnementaux et sociaux (défense d'un autre projet de société).
(JBB) octobre 2021. Dernières modifications : mars 2022, octobre 2022, novembre 2023.
Références citées
- Gellert, Paul K, et Barbara D. Lynch. « Les mégaprojets, sources de déplacements », Revue internationale des sciences sociales, vol. 175, no. 1, 2003, p. 17-28.
- Les autres références sont listées ci-après.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Chantiers liés aux projets de métro, de ligne TGV... Noé Parot, « Regard géographique. Paysages en chantiers de l’urbanisation dans le Sud global », Géoconfluences, mars 2024.
- Malls et mégaprojets commerciaux : Cynthia Ghorra-Gobin, « Le "mall" ou la circulation mondiale d’un objet urbain "made in USA" », Géoconfluences, novembre 2023.
- Barrage hydroélectrique : Marion Benassaya, « Paix Territoriale et intégration d’une zone rouge de la violence armée en Colombie par des projets de développement : le cas du barrage d’Ituango », Géoconfluences, novembre 2022.
- Mégaprojet agricole : Delphine Acloque, « Frontière désertique, front pionnier et territorialisation. Approche à partir du cas égyptien », Géoconfluences, juin 2022.
- Mégaprojet minier : Fabrice Clerfeuille, « Le conflit autour du projet minier « Montagne d’or » en Guyane au prisme de la géopolitique locale », Géoconfluences, mars 2022.
- Mégaprojets d'infrastructures : D'Alessandro, Cristina, 2017, « Géographies accélérées du pétrole et du gaz en Afrique orientale », Géoconfluences, 9 janvier 2017.
- Mégaprojets urbains
- Le Caire : Karine Bennafla et Hala Bayoumi, « Démonstration de puissance ou aveu d’impuissance ? La nouvelle capitale administrative de l’Égypte », Géoconfluences, mars 2023.
- Vietnam : Yves Duchère, « L'État-parti et la ville. Le moment post-moderne de l'urbanisation vietnamienne », Géoconfluences, janvier 2023.
- Doubaï : Laure Semple, « Le mégaprojet du Dubai Water Canal : fabrique d’une ville mondiale à travers la construction d’un réseau touristique », Géoconfluences, 2017.
- Hô Chi Minh Ville : Khac Minh TRAN, « La métropolisation de la région de Hô Chi Minh Ville : industrialisation globalisée, urbanisme de projet et concurrence intra-régionale », Géoconfluences, octobre 2021.
Liens externes
- Sur le blog Cartographie(s) numérique(s) : « Comment la Chine finance des méga-projets dans le monde », janvier 2020