Zone intertropicale
La zone intertropicale désigne la bande de la Terre située de part et d’autre de l’équateur, entre le tropique du Capricorne (23°27’ S) et le tropique du Cancer (23°27’ N). Il s’agit la portion d’espace terrestre où le soleil est au moins une fois par an à la verticale du sol, en raison de l’inclinaison de la Terre de 23°27’ par rapport au plan de l’écliptique. Les caractéristiques de cette zone, pour peu qu’elle puisse en avoir de communes à l’ensemble de ce vaste espace, sont appelées la tropicalité.
Cette zone a longtemps fait l’objet d’un discours géographique spécifique, la géographie tropicale, avatar de la géographie coloniale, dont elle prit le relais de 1945 au milieu des années 1960. Il s’agissait d’une approche zonale des régions intertropicales, régions supposées avoir des spécificités propres à leur localisation. Elle présentait une approche naturaliste – le facteur clé étant le climat – et expliquait notamment la faiblesse du développement de ces régions par la pauvreté supposée des sols, ceci dans un contexte d’activité agricole dominante.
Historiquement, la zone intertropicale correspond à beaucoup de territoires qui ont été colonisés et exploités par les Européens entre le XVe et le XXe siècle, en particulier pour y cultiver des plantes qui ne poussent pas en Europe (canne à sucre, café, cacao, coton, thé, poivre, vanille…) Pour des raisons idéologiques (religieuses, raciales…), la colonisation y a pris des formes particulièrement brutales qu’on peut regrouper sous l’expression de « système plantationnaire », qui englobe aussi le commerce triangulaire et l’esclavage. Elle s’est poursuivie au-delà des indépendances politique par des formes d’assujettissement économique ou d’ingérence. On a pu voir une malédiction historique, voire d’origine naturelle, dans la situation économique précaire de nombreux pays de la zone intertropicale, alors que cette situation n’est souvent que la perpétuation de mécanismes politiques délibérés (extractivisme, colonialisme vert, néocolonialisme…). La notion de Tiers-Monde, lorsqu’elle était en usage, coïncidait peu ou prou à la zone intertropicale.
Sur le plan climatique, la zone intertropicale est caractérisée par une température moyenne élevée, autour de 27° près de l’Équateur, une faible amplitude thermique annuelle (mais localement, parfois une importante amplitude diurne, notamment dans les déserts). Les cycles jour-nuit sont d’environ 12 heures toute l’année. La saisonnalité est surtout caractérisée par le régime des pluies, souvent à deux saisons principales (saison sèche et saison des pluies) avec deux intersaisons plus ou moins marquées.
La principale variable différenciant les climats de la zone intertropicale est la quantité et la répartition annuelle des pluies. Elles distinguent les climats équatoriaux humides à très humides, et une gamme de climats tropicaux allant du climat de mousson à l’hyperaride. La topographie a une importance et l’altitude joue un rôle majeur : Quito, capitale de l’Équateur située à 0°14’ S et à 2 800 mètres d’altitude, a tous les jours de l’année une température qui oscille de 9° le matin à 20° l’après-midi.
Dans les climats tropicaux humides, l’association chaleur et pluie favorise un développement de la végétation supérieur à tous les autres climats, et cette végétation offre un support à une chaîne trophique élaborée. Les forêts de la zone intertropicale comptent parmi les biomes les plus riches en biodiversité et les milieux produisant le plus de biomasse. La diversité de la zone s’observe aussi par la variété des milieux : mangroves, zones humides, forêts claires, forêts-galeries ou forêts d’altitude, tous les types de savane, et les milieux arides, des steppes aux déserts. Les sols intertropicaux, sont souvent fragiles et sont résultat d’une très longue co-construction avec la végétation : en raison de la puissance du lessivage, un défrichement peut réduire la fertilité du sol rapidement et fortement. En montagne et sur les volcans, les processus érosifs sont puissants. Le record mondial mesuré est à La Réunion : –1cm/m² dans le cirque de Cilaos (Gaillardet 2023). Dans les plaines et les plateaux, la formation de cuirasses latéritiques est une autre contrainte.
Mais envisager les milieux tropicaux sous l’angle des contraintes relève souvent de l’européocentrisme, de même que parler d’un climat « tempéré » pour désigner le climat européen. À bien des égards, les climats de la zone intertropicale pourraient être considérés comme optimaux pour les sociétés humaines, et celle-ci compte d’ailleurs les plus fortes densités de population rurales au monde (en Asie du Sud et du Sud-Est notamment).
(JBB) septembre 2025.
Références citées
- Gaillardet Jérôme (2023), La Terre habitable ou l'épopée de la zone critique, La Découverte, 256 pages. Compte-rendu de Vincent Capdepuy dans NonFiction (2024).
Pour compléter avec Géoconfluences
- Jonathan Fieschi, « Les sargasses, un défi pour la Caraïbe », Géoconfluences, février 2025.
- Henri Girard, « Image à la une. Le bocage, une réponse à la désertification du Sahel ? », Géoconfluences, novembre 2024.
- Virginie Duvat, « La crise climatique crée-t-elle une situation d’urgence dans les atolls ? », Géoconfluences, mai 2024.
- Vincent Capdepuy, « La ligne Nord-Sud, permanence d’un clivage ancien et durable », Géoconfluences, janvier 2024.
- Arthur Guérin-Turcq, « Les forêts dans le monde, des milieux anthropisés : un état des lieux », Géoconfluences, septembre 2023.
- Antoine Gardel, « Bancs de vase, mangroves et plages en mouvement le long du littoral de Guyane », Géoconfluences, septembre 2021.
- Christine Cabasset, « Aménager les zones côtières à la hauteur des risques et des enjeux environnementaux : le cas du Timor oriental », Géoconfluences, mars 2021.
- Jean-Daniel Cesaro, « Transformation des agricultures en Asie du Sud-Est : la paysannerie face aux défis de la mondialisation », Géoconfluences, septembre 2020.
- Bernadette Mérenne-Schoumaker, « Les migrations environnementales : un nouvel objet d’enseignement », Géoconfluences, juillet 2020.
- Judicaëlle Dietrich, « Politiques de l’eau et lutte contre la pauvreté à Jakarta, un rendez-vous manqué », Géoconfluences, juin 2020.
- Manuelle Franck, « Une géographie de l’Asie du Sud-Est », Géoconfluences, juin 2020.
- Édouard de Bélizal, « Le volcan Merapi (Indonésie) : espaces et temporalités du risque sur un volcan indonésien singulier », Géoconfluences, septembre 2019.
- Alain Gascon, « L'Afrique orientale : des civilisations de l’hinterland face à la maritimisation », Géoconfluences, janvier 2017.
- Esméralda Longépée, « Les atolls, des territoires menacés par le changement climatique global ? L’exemple de Kiribati (Pacifique Sud) », Géoconfluences, avril 2015.







