Wilderness
La wilderness, née en Amérique du Nord, désigne l’ « état sauvage », ou plus spécifiquement la « nature sauvage », cette traduction justifiant l’usage du féminin en français. Julien Delord (2005) a proposé pour la traduire un mot de vieux français : la sauvageté, le terme n'ayant pas la connotation péjorative de la sauvagerie. Certains auteurs canadiens écrivent aussi le Wilderness au masculin et avec majuscule.
Au Canada et aux États-Unis, la wilderness est imprégnée de « religiosité et de spiritualité » (Laslaz, 2012), par la confrontation de l’individu solitaire avec les paysages grandioses, comme on la retrouve dans les textes de Henry David Thoreau (Walden ou la Vie dans les bois, 1854) ou de John Muir, fondateur du Sierra Club, la plus ancienne association de protection de la nature. La valeur positive attribuée à la wilderness est récente, comme la montré l’historien américain William Cronon : jusqu’au XIXe siècle, le terme renvoyait à « un lieu désert, indompté, désolé ou aride » et « ses connotations étaient tout sauf positives » (Cronon, 2016, p. 135, cité par Lamy, 2023, p. 306).
La wilderness a aussi été utilisée en Afrique du Sud « pour réécrire une histoire environnementale fallacieuse du pays » (Laslaz, 2012), laissant entendre l’existence d’une nature sauvage inviolée, niant l’existence des sociétés précoloniales africaines. Aux États-Unis, le terme, et ce qu’il recouvre, sont également un héritage de la société coloniale anglo-saxonne. Le Wilderness Act de 1964 affirme que « si la nature est à préserver, c’est qu’elle est extérieure à l’homme et doit le rester ». En tant que nature sauvage, la wilderness est donc « extérieure au social » (Veyret, 2012).
Le terme est par essence peu applicable à la nature européenne, mais il existe également en islandais (viðerni) où il a une application légale en tant qu’espace naturel à préserver, défini par le ministère de l’environnement islandais en 1998 puis dans la loi sur la conservation de la nature de 1999. (Laslaz, 2016).
(JBB), septembre 2016. Dernières modifications en janvier 2020 et février 2024.
Références citées
- Cronon William (2016), Nature et récits. Essais d’histoire environnementale, Éditions Dehors, Bellevaux.
- Lamy Jérôme, « La nature, constructions historiques et techniques », in Philippe Boursier et Clémence Guimont (dir.), Écologies. Le vivant et le social. Paris, La Découverte, « Hors collection Sciences Humaines », 2023, p. 223–230.
- Laslaz Lionel, « Image à la une : Kárahnjúkar, le diable dans l’éden. Hydroélectricité et espaces protégés en Islande », Géoconfluences, 2016.
- Delord Julien, « La « sauvageté » : un principe de réconciliation entre l'homme et la biosphère », Natures Sciences Sociétés, 2005/3 (Vol. 13), p. 316-320.
- Laslaz Lionel (dir.), Atlas mondial des espaces protégés. Autrement, 2012. Cartographie d’Alexandre Nicolas, p.92
- Veyret Yvette (dir.), Dictionnaire de l’Environnement. Armand Colin, p.373.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Anne-Lise Boyer et Marine Bobin, « (P)réserver l’environnement aux États-Unis, géohistoire du rapport ambigu d’une société à son territoire », Géoconfluences, juin 2024.
- Fabienne Joliet et Laine Chanteloup, « Le prisme des représentations paysagères arctiques des Inuits et des Qallunaat : l’exemple du Nunavik (Canada) », Géoconfluences, janvier 2020.
- Stéphane Héritier, « Protéger un animal pour protéger un territoire : l'ours kermode, animal phare de la protection de l’environnement en Colombie britannique », Géoconfluences, avril 2019.