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Modèle, modélisation spatiale

Publié le 21/02/2024
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La modélisation spatiale désigne la production de modèles spatiaux. En géographie, un modèle spatial est une généralisation, souvent sous forme d’un schéma visuel, d’une forme d’organisation de l’espace : il s’agit de passer de la diversité des cas particulier à une forme généralisable, de l'idiographique au nomothétique. La modélisation peut servir à comprendre le réel, en tant que démarche de connaissance scientifique, avec des applications opérationnelles dans le champ de l'action, ou à transmettre des connaissances déjà stabilisées, comme outil heuristique. Elle peut être les deux à la fois, par exemple avec les chorèmes.

La modélisation n’est pas une généralisation a posteriori d’un phénomène qu’on postule, mais au contraire le résultat de la confrontation du plus grand nombre possible d’observations du réel, dont la compilation permet de dégager des invariants qui permettent de produire le modèle. Un retour aux cas particuliers est ensuite indispensable, pour observer toutes les situations qui s’écartent du modèle général, et qu’on appelle les résidus du modèle. Ces résidus, ou écarts au modèle, permettent d’identifier et d’étudier plus précisément des situations locales ou atypiques, et in fine de consolider le modèle. Pour prendre un cas d'école, la loi rang-taille (loi de Zipf) permet d'identifier une situation de macrocéphalie urbaine observable par un écart au modèle général, par exemple dans le cas français. 

La modélisation est aussi ancienne que la discipline elle-même : ainsi les blocs diagrammes géomorphologiques présentant la cuesta ou le modelé karstique, sont-ils des modèles. Après que les essais de modélisation comme ceux de Von Thünen (1783–1850) ou de Christaller (1893–1969) ont été critiqués, oubliés puis redécouverts, la modélisation spatiale a connu un temps fort dans les années 1970-1980, à une époque de profond renouveau de la discipline. Par effet de balancier, ce qui avait été rejeté au nom de la diversité des cas fut à nouveau l’objet de recherches, mais cette fois avec un effort approfondi d’appareillage théorique. Deux grands types de modélisation se dégagent alors. D’une part, des modèles fondés sur la collecte de données chiffrées standardisés et permis par la puissance de calcul de l’informatique alors naissante. C’est l’analyse spatiale, une branche de la géographie empruntant les méthodes de la statistique, fortement en lien avec l’essor de la géomatique. D’autre part, certains modèles sont empiriques, fondés sur la connaissance personnelle, par le chercheur ou la chercheuse, voire souvent par un collectif, d’un très grand nombre de cas particuliers permettant de relever des récurrences, de les synthétiser et de compléter en observant les écarts au modèle. C’est notamment l’effort entrepris par le GIP Reclus, un collectif fondé par Roger Brunet, et dont l’esprit est bien visible dans des publications comme la Géographie universelle (1990–1996), Les Mots de la géographie (1992) ou un Atlas de France en 14 volumes (1995–2007).

Les critiques formulées à l’égard de la modélisation spatiale témoignent de la tension inévitable entre la nuance permise par le cas particulier et le cadre réflexif offert par la généralisation. Cette tension n’est ni nouvelle, ni propre à la géographie, comme le rappelle Christian Grataloup (1996) :

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« Le couple conceptuel antinomique particulier/général n’est pas l’apanage de la géographie. Avec des variations de proportions, cette contradiction est structurelle dans toute démarche scientifique puisqu’il s’agit toujours de s’efforcer de mettre intellectuellement de la clarté dans la diversité d’un aspect du réel. […] De ce fait, la tension est aussi inévitable que dialogue est nécessaire. Dans toutes les sciences, l’analyse du particulier ne peut aller sans la recherche du général et réciproquement. »

Christian Grataloup, « Introduction », in « Modélisation spatiale » no. spécial de Travaux de l'Institut de Géographie de Reims. Année 1996, 95–96, p. 3-8.

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La modélisation spatiale a en partie disparu, en ce qui concerne son versant pédagogique : le reflux de la chorématique, parfois caricaturée (la banane bleue), et les nouvelles approches didactiques développées à partir des années 2000 (voir géographie scolaire) et 2010, en particulier l’étude de cas, ayant eu raison de ce qui a pu sembler n’être qu’une « mode » des programmes. En fait, la modélisation reste un outil opérationnel dans de nombreuses branches de la géographie : analyse de réseaux et de mobilités, géographie quantitative, modèles gravitaires en géographie urbaine ou économique. Les travaux menés par et autour de géographes comme Denise Pumain jusqu'à aujourd'hui montrent l'actualité de ces méthodes. Surtout, rares sont les thèses de géographie actuelles ou récentes, même résolument ancrées dans les méthodes qualitatives, qui ne passent pas par un exercice de montée en généralité pour construire un modèle, ne serait-ce que pour théoriser un fonctionnement systémique à l’aide d’un diagramme sagittal.

(ST) 2008, entièrement réécrit (JBB) en octobre 2022.


Références citées
  • Christian Grataloup, « Introduction », in « Modélisation spatiale » no. spécial de Travaux de l'Institut de Géographie de Reims. Année 1996, 95-96, p. 3-8.
Exemples de modèles dans les articles de Géoconfluences
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