Écoquartier
Un écoquartier est un quartier conçu pour respecter les principes du développement durable. On parle aussi de quartier durable. C’est l’une des modalités de la transition vers des villes durables. Il peut s’agir d’une création ex nihilo ou bien, le plus souvent, d’une reconversion fonctionnelle d’une friche urbaine, industrielle, ou portuaire. L’emprise des friches portuaires (fluviales ou maritimes) explique la localisation courante des écoquartiers sur les fronts d’eau. En France, le statut d’écoquartier correspond aussi à un label décerné par le ministère en charge de l’écologie.
La plupart des écoquartiers réunissent les critères suivants, au moins en partie :
- Recherche de mixité sociale (mélange d’habitat en propriété et d’habitat locatif, présence de logements sociaux), de mixité générationnelle, et de mixité fonctionnelle (le quartier doit associer des logements, des lieux de loisirs, des commerces, et des bureaux).
- Autonomie énergétique, fondée en partie sur la sobriété énergétique (bonnes performances, par exemple en matière d’isolation, bâtiments autonomes), en partie sur des solutions techniques (photovoltaïque, batteries, réseaux « intelligents »).
- Place importante des questions environnementales dans la gestion quotidienne du quartier avec une place accordée au jardinage urbain, à la gestion des déchets par le recyclage, la récupération et le compostage, la gestion de l’écoulement des eaux de pluies, et une politique fondée sur les mobilités douces ou, au minimum, moins « hostile au piéton » (Curien, 2016).
Derrière les bonnes intentions, les écoquartiers ont fait l’objet de critiques nombreuses et variées de la part des géographes, par exemple dans la thèse de Matthieu Adam (2016). On peut regrouper ces critiques en trois grands thèmes :
- Des quartiers ou des vitrines ? En servant l’image des autorités municipales, les écoquartiers peuvent servir de paravent à des politiques non durables à l’échelle de l’agglomération. C’est une question d’échelle : les écoquartiers sont souvent anecdotiques par rapport au reste de la ville. Ainsi, le quartier Bo01 à Västar Hamnen, dans le centre de Malmö (Suède), ne représente que 800 logements, soit environ 2 000 habitants, dans une agglomération de 300 000 habitants (Tommasi et Boyer, 2018). Tout se passe parfois comme si l’attention portée aux écoquartiers évitait de repenser globalement la place des énergies fossiles, le gaspillage des ressources, et l’attention portée au vivant, dans l’ensemble de la société. L’argument de la vitrine repose aussi sur la difficulté de ces quartiers à recruter des habitants : beaucoup d’entre eux, comme Masdar city, restent en partie des coquilles vides, ce qui rappelle les déboires des villes nouvelles à leurs origines, et plus généralement de toute forme d’urbanisme planifié ex nihilo.
- Une politique compatible avec le capitalisme et l’autoritarisme urbains. Même s’ils sont vertueux dans la gestion de l’énergie, des déchets et des mobilités, les écoquartiers peuvent servir des projets politiques qui ne remettent pas question les causes fondamentales des injustices environnementales et sociales. Les écoquartiers peuvent même servir de masque à des politiques urbaines violentes visant à évincer des populations jugées indésirables par les autorités urbaines. On trouve ainsi des écoquartiers dans des dictatures comme les Émirats arabes unis (Sustainable city à Doubaï, Masdar à Abou Dabi) ou la Chine (éco-cité de Tianjin étudiée par Rémi Curien, 2016). Ils sont dans tous les cas compatibles avec l’urbanisme de projet de la ville néolibérale, qui entérine le transfert des politiques urbaines des élus et du public vers une nébuleuse de décisionnaires privés.
- Les possibles effets pervers. Les écoquartiers peuvent même avoir des effets inverses de ceux escomptés : censés promouvoir la mixité sociale, ils peuvent encourager des formes de gentrification ex nihilo (Benali, 2012) ; théoriquement fondés sur la démocratie participative, ils résultent souvent de montages complexes dans lesquels les décisions importantes restent prises verticalement ; supposés écologiquement vertueux, ils promeuvent souvent une version techniciste de la transition énergétique qui s’avère parfois gourmande en ressources comme les « terres rares ». Dans le cas de créations ex nihilo, la construction d’un écoquartier peut aggraver l’étalement urbain, l’artificialisation des sols, ainsi que le recul des terres agricoles et des zones humides.
Toutefois ces critiques, nécessaires, ne doivent pas remettre en question tous les projets d’écoquartiers, à condition de garder un regard critique sur les conditions de leur réalisation, et de distinguer les expériences positives, qui peuvent ensuite être généralisées à l’ensemble de la société, des opérations purement financières qui s’apparentent à du greenwashing.
(JBB), janvier 2023. Dernière modification : mars 2024.
Références citées
- Adam Matthieu, 2016, La production de l’urbain durable. L’enrôlement des concepteurs et des habitants par l’intégration des contradictions, thèse de doctorat, Université de Tours, 534 p.
- Benali, K. (2012). « La reconversion des friches industrielles en quartiers durables : aperçu théorique ». Cahiers de géographie du Québec, 56(158), 297–312.
- Curien Rémi, « L’éco-cité de Tianjin : innovations et limites d’une conception sino-singapourienne d’une ville durable », Métropolitiques, 30 mars 2016.
- Tommasi Chloé et Boyer Anne-Lise, « Notion en débat : la ville durable », Géoconfluences, novembre 2018.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Matthieu Adam, « Confluence, vitrine et arrière-boutique de la métropolisation lyonnaise », Géoconfluences, novembre 2020.
Liens externes
- Ministère de la Transition écologique, « La démarche ÉcoQuartier »