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Industrie

Publié le 26/05/2023
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L'industrie regroupe l'ensemble des activités économiques qui ont pour objet de transformer des ressources naturelles en vue de produire des biens matériels. Elle constituait le secteur secondaire dans la division classique en grands secteurs, une classification conçue en 1947 par l’économiste britannique Colin Clark (1905-1989). L’étymologie du terme provient du latin industria, « activité », « art », mais aussi « l’habileté à faire quelque chose » (CNRTL), ce qui explique des acceptions extensives comme dans « industrie touristique » ou « industrie culturelle ».

Au XIXe siècle, le développement de l’économie et de la géographie, notamment de la géographie économique, en tant que disciplines universitaires, est contemporain de l’essor de l’industrie (les deux « âges industriels »). Les géographes anglophones et germanophones ont logiquement fait de l’industrie un objet géographique privilégié (Benko, 2008). A contrario, en France, ces préoccupations sont restées relativement secondaires jusqu’aux années 1930 voire 1950.

Plusieurs champs d’étude ont été privilégiés. Dès le XIXe siècle, la question de la localisation des industries a été très précocement étudiée, parfois de façon empirique – soit en lien avec le milieu, soit avec l’urbanisation –, parfois de façon plus théorique. L'économiste allemand Alfred Weber (1868-1958) fut l’auteur dès 1909 de la Théorie de la localisation des industries, dite aussi modèle de Weber, un modèle qui fut largement repris par les géographes. Weber montra que dans un espace hétérogène, les entreprises, dans leur quête d'un optimum de localisation ou d’une situation idéale, sont contraintes d'opérer des choix en combinant plusieurs impératifs (Baud et al., 2022, p. 177). Dans les années 1920-1930, aux États-Unis, les travaux de l’École de Chicago aboutirent à plusieurs modèles (Burgess, Hoyt) de localisation des industries en milieu urbain.

De nos jours, la question des facteurs de localisation préférentielle des industries reste vive et l’on recense de très nombreux travaux sur les avantages comparatifs, sur les délocalisations et leurs effets, sur les conséquences territoriales de la mondialisation, ou encore sur les parcs technologiques (technopôles, districts industriels, clusters).

Les descriptions de paysages industriels ont été un autre objet de la géographie de l’industrie. Elle a notamment concerné les grands bassins textiles, houillers, ou sidérurgiques européens, qui ont fait l’objet de thèses d’État avant la Seconde Guerre mondiale. Ces recherches ont, dès cette période, très souvent mobilisé la notion de « paysage économique » qui montrait que l’industrie n’était qu’un des éléments d’un paysage plus complexe, également marqué par les transports, l’urbanisation et un secteur tertiaire induit par l’industrialisation. De telles analyses, réalisées notamment en Allemagne dès les années 1920 (Benko, 2008), préfiguraient par certains aspects les notions d’espace productif et de système productif.

Dans le cadre d’une géographie classique soucieuse d’établir des typologies, les classifications industrielles, souvent formalisées par les économistes, ont été utilisées par les géographes : division en fonction de leur place dans la chaîne de production (de l’industrie lourde produisant des biens de production à l’industrie légère fournissant des biens de consommation), de leur secteur de production (industries agroalimentaires, automobiles…) ou de leur niveau de technicité (industries de pointe ou de haute technologie…).

Enfin, dès les années 1960 et en lien avec le contexte de décolonisation, l’industrie a été pensée, dans les stratégies de développement, comme ayant un effet d'entraînement sur les autres secteurs, notamment le secteur extractif, l'agriculture et les services. Ces stratégies (ou « voies de développement ») se sont donc toutes posées la question de la place de l’industrie : « industrialisation par substitution aux importations », « par promotion d’exportations », « stratégie des industries industrialisantes »… Enfin, le niveau d’industrialisation est encore parfois un indicateur classique du développement d'un État : on a longtemps parlé de pays industrialisés pour qualifier les pays du « Nord ». Cette conception est désormais datée : dans la plupart de ces pays le développement économique s'est accompagné d'une réduction du poids de l'industrie dans les emplois (désindustrialisation), du développement d’économies post-industrielles et d’une tertiarisation de l'économie. Dans ces pays, la désindustrialisation n’a cependant pas été générale ; l’Allemagne et le Japon par exemple sont restés plus industrialisés que la France. Certaines régions sont aussi plus touchées que d’autres, comme la « Rust Belt » étatsunienne. Par ailleurs, la perte d’emploi relative ne signifie pas le déclin de l’industrie, en valeur absolue, en raison d’importants gains de productivité. De plus, on observe actuellement, en Europe comme en Amérique du Nord, une volonté de réindustrialisation pour gagner en indépendance notamment face à la Chine, mouvement qui peut contribuer à une certaine démondialisation.

(SB et CB) mai 2023. Dernière modification (JBB), mai 2023.


Références citées
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