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Agricultures sous tension, terres agricoles en extension : des transactions sans frontières

Publié le 23/06/2011
Auteur(s) : Sylviane Tabarly, professeure agrégée de géographie, responsable éditoriale de Géoconfluences de 2002 à 2012 - Dgesco et École normale supérieure de Lyon

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Les récentes flambées des prix de produits agricoles, en 2008 et en 2011, et leur médiatisation révèlent des tensions sur les approvisionnements et laissent présager une période où la maîtrise des terres cultivables va devenir un enjeu essentiel.

La sécurité alimentaire, dans un contexte de poursuite de la croissance démographique, constitue un défi majeur de ce siècle, au cœur des droits de l'homme élémentaires (cf. encadré ci-dessous + [2]). Les vingt-cinq dernières années de politiques économiques dans les PED ont conduit à un développement du secteur agricole remarquable dans le cas de pays tels que la Chine ou l'Inde. Mais, contrairement à l'Asie, l'Afrique ne parvient pas, depuis 1990, à réduire la population de ses sous-alimentés, que ce soit en valeur absolue ou en valeur relative [3].

La sous-alimentation dans le monde et son évolution

Source : FAO

Par ailleurs la croissance rapide des pays émergents fait apparaître de nouveaux besoins, de nouveaux modes d'alimentation, poussant à la consommation croissante de produits carnés par exemple, ce qui amplifie la pression sur les ressources. Face à ces défis, les terres agricoles peuvent faire l'objet de transactions multiples et sans frontières, les fronts pionniers se multiplient et s'intensifient, sans que leurs objectifs soient uniquement alimentaires d'ailleurs. Pour de nombreux pays confrontés au manque de ressources foncières la recherche de nouvelles stratégies de sécurité alimentaire s'impose comme une priorité d'action politique et économique et l'acquisition ou l'extension de terres agricoles peut devenir un enjeu majeur.

À partir de documents récents [4], cette page se propose de faire le point sur la situation internationale. Quelles sont les disponibilités en terres cultivables à l'échelle mondiale ? Quelles sont les stratégies spatiales des investisseurs, publics ou privés qui s'intéressent aux terres agricoles "disponibles", en particulier celles des pays du Sud et des pays émergents ?

Terres cultivées et terres cultivables

Qu'en est-il du potentiel des terres exploitables par l'agriculture à travers le monde ? Sur quelles connaissances et sur quelles projections peut-on s'appuyer pour envisager l'avenir ?

Une étude récente d'Agreste (2010) repose sur l'analyse de trois bases de données (encadré ci-dessous) relatives à l'étendue des terres à usage agricole, que cet usage soit effectif ou potentiel, dans le monde et dans les grandes régions. Malgré leurs différences et leurs incertitudes inévitables, ces bases indiquent que les superficies de terres utilisables en culture pluviale (sans besoin d'irriguer) et non encore cultivées sont très étendues à l'échelle du monde, en particulier en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne. En revanche, cette ressource apparaît rare, voire épuisée, au Moyen-Orient et en Asie. À l'échelle du monde, les superficies des terres utilisables en culture pluviale seraient largement supérieures aux superficies nécessaires pour assurer tout à la fois des conditions de sécurité alimentaire satisfaisantes pour l'ensemble de l'humanité et un certain développement des cultures pour les agrocarburants.

Bases de données sur les usages agricoles des terres à l'échelle mondiale : questions méthodologiques (document en pop-up)

Il existe trois grands types de bases de données sur les usages agricoles, réels ou potentiels, des terres à l'échelle mondiale : des bases statistiques, des bases d'images relatives à la couverture et/ou à l'usage des terres issues de données satellitaires, et des bases qui combinent à la fois des données statistiques et des données d'origine satellitaire. La distinction entre couverture et usage des terres est importante : la couverture fait référence aux éléments biotiques ou abiotiques présents à la surface de la terre, avec trois catégories principales : végétation, infrastructures humaines, surfaces nues (roche, sol, eau…) ; l'usage fait référence aux activités que les humains entreprennent afin d'en tirer des avantages matériels ou immatériels. Les trois bases de données les plus importantes et accessibles sont :

  • la base de données statistiques de la FAO, FAOSTAT ;
  • deux bases qui combinent des informations d'origines statistique et satellitaire : la base de l'étude Global Agro-Ecological  Zones (GAEZ) de l'International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA) et de la FAO ;
  • la base du Center for Sustainability And the Global Environment (SAGE) de l'Université du Wisconsin, qui est reprise dans certains travaux du Global Trade Analysis Project (GTAP).

     

Ces bases, outre les marges d'erreur habituelles sur les données statistiques mêmes, comportent des incertitudes qui proviennent de l'imprécision des définitions, ou de leur marge d'utilisation et d'interprétation. ... la suite en pop-up...

La FAO estime la superficie des terres cultivées à 1 525 millions d'ha (le SAGE à 1 805 millions d'ha en 1992). S'agissant des différents types de cultures occupant les terres cultivées de la planète, on peut constater que les céréales en occupent de loin la plus grande partie (55%), ce qui est cohérent avec le fait que ce groupe d'aliments apporte environ la moitié de l'énergie et des protéines alimentaires de l'humanité. En ce qui concerne la superficie des pâturages permanents du monde, la FAO l'estime à 3 370 millions d'ha et le SAGE à 3 272 millions d'ha en 1992, soit 3% de moins que la FAO.

Couvertures et occupations du sol des terres émergées

Le SAGE estime les superficies cultivables de la planète à 4 022 millions d'ha, un chiffre légèrement inférieur (de 3%) à celui de l'étude GAEZ (4 152 millions d'ha). Seules 38% des terres cultivables en mode pluvial dans le monde sont cultivées : 1 563 millions d'ha sur 4 152 millions (GAEZ et FAO 2005). Cette proportion est particulièrement faible en Amérique du Sud (12%) et en Afrique subsaharienne (20%). Elle est faible aussi en Amérique du Nord, en Russie et en Europe (autour de la moitié). En revanche, elle est très élevée au Moyen-Orient et en Asie de l'Est (95%), en Asie centrale aussi (85%). En Asie du Sud, les terres cultivées excèderaient même les terres jugées cultivables (GAEZ), sans doute parce que la possibilité de terrasser les pentes n'est pas prise en compte. La même comparaison indique que les pays ayant les plus fortes disponibilités en terres cultivables non cultivées sont le Brésil (plusieurs centaines de millions d'ha), les États-Unis, la Russie et le Zaïre (plus de 100 millions d'ha) (cf. graphique ci-dessous à gauche).

Terres cultivées, terres cultivables

Terres cultivables et terres cultivées en 2005 dans 25 pays

Source : Agreste, 2010

La mise en culture des terres doit aussi prendre en compte leur accessibilité (document ci-contre).

Disponibilité potentielle des terres non cultivées selon leur accessibilité

Source : Fischer et Shah - "Rising Global Interest in Farmland: Can It Yield Sustainable and Equitable Benefits ?", Banque mondiale, septembre 2010, http://go.worldbank.org/J7BL2T8WK0 ou http://reliefweb.int/node/25522

Il faut relativiser cette disponibilité apparente des terres en notant que, outre les incertitudes et les limites des bases de données, ces résultats expriment des extensions possibles de superficies cultivées qui auraient lieu principalement dans des zones actuellement classées comme "herbeuses" ou "arbustives" ou comme "prairies et pâturages permanents" et qui pourraient se faire au détriment de zones protégées. Ces éléments tendent à surestimer les possibilités d'extension des terres cultivées ainsi calculées. Mais d'autres éléments tendent à les sous-estimer : l'étude GAEZ considère comme non convenables à la culture les terres à faible rendement, et n'envisage pas les nombreux aménagements susceptibles de rendre des terres cultivables.

Terres agricoles, cultivées, cultivables, convenables, disponibles : préciser les notions

Les terres agricoles se rapportent aux terres relatives à l'agriculture. Selon la FAO et la plupart des organismes de recensements agricoles, on compte dans les terres agricoles : les terres mises en culture ; les prairies et les pâturages permanents.

Selon la FAO, les terres cultivées sont les "terres dont au moins 30% de la superficie est soumis à l'agriculture ou à la production animale" (voir la carte ci-dessous). La notion de "terre cultivable" (assez proche du terme "arable" retenu par la FAO) peut apparaître assez floue, ouvrant la porte à des évaluations des gisements de terres agricoles approximatives. Le terme "cultivable" se rapporte à la qualité d'une terre : qui peut être cultivable, labourable, qui peut produire des récoltes (Larousse ou Le Robert). La définition de la FAO pour les terres arables est la suivante : "Terres affectées à des cultures temporaires (les zones de polyculture ne sont comptées qu'une fois), prairies temporaires à faucher ou à pâturer, cultures maraîchères et jardins potagers, et jachères temporaires (moins de cinq ans). Les terres abandonnées du fait de la culture itinérante n'entrent pas dans cette catégorie. Les données correspondant à "Terres arables" ne sont pas censées inclure les surfaces potentiellement cultivables." La notion de terres "convenables" provient de la méthode GAEZ d'estimation des terres cultivables et des rendements accessibles. Elle évalue l'aptitude des terres à la culture de 154 variétés végétales et relève d'une analyse essentiellement agro-écologique. Considérer qu'une terre est "disponible" pour l'agriculture c'est envisager qu'elle est vierge d'usage agricole au moment de son évaluation. La disponibilité ne prend pas nécessairement en compte le statut juridique de la terre considérée. De vastes superficies de terres peuvent être dites disponibles sans que le statut qui règlemente leur usage ne permette leur exploitation. La notion de disponibilité ne recoupe pas nécessairement celle de "cultivabilité" ou d'"arabilité" : des terres peuvent être disponibles, mais infertiles, ou inaccessibles. Par ailleurs, la disponibilité peut ne pas prendre en compte les usages informels de ces superficies : pâturage extensif par exemple.

Référence : le glossaire de la FAO, http://faostat.fao.org/site/375/default.aspx

Les terres cultivées dans le monde

Source : Millennium Ecosystem Assessment (MEA / Évaluation des écosystèmes pour le millénaire), www.millenniumassessment.org

Graphic resources : www.millenniumassessment.org/en/GraphicResources.html

Les régions du monde qui disposeraient des plus grandes superficies en terres sans contraintes (climat trop froid, trop sec, terres trop pentues ou aux sols inaptes) sont l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud (plus de 80 millions d'ha dans chaque cas), l'Asie du Sud, l'Europe de l'Est et l'Afrique de l'Est (plus de 30 millions d'ha dans chaque cas). Les régions qui comprennent les plus fortes proportions de terres très convenables et convenables à l'agriculture par rapport à leur superficie totale sont l'Europe de l'Ouest, l'Europe de l'Est, les Caraïbes, l'Afrique centrale (plus de 40%), et aussi l'Afrique de l'Est, l'Amérique du Sud (autour de 35%). Une autre étude, de l'Ocde et de la FAO (Ocde/FAO, 2009), a estimé les différences entre superficies "convenables" et superficies cultivées en excluant de ces superficies "convenables" les zones de forêts, ou d'infrastructures urbaines, ou protégées, ce qui aboutit au calcul de "différences nettes" (Net Land Balances) : selon cette évaluation, à l'échelle mondiale, 547 millions d'ha serait la superficie "nette" encore disponible pour l'agriculture, en dehors des zones protégées qui couvrent 481 millions d'ha (Fischer, 2009).

Les impacts de l'irrigation sur la production agricole sont importants dans la mesure où elle permet non seulement d'étendre la superficie cultivée mais aussi d'accroître les rendements et le nombre de récoltes par an éventuellement. À l'échelle du monde, les superficies "convenables" à la culture de céréales pourraient être accrues de 8%, et la production de 40% par rapport à son niveau de 1994/1996, dans l'hypothèse d'une extension maximum de l'irrigation (GAEZ). Ces effets seraient plus importants dans les pays développés (13% et 46% respectivement) que dans les pays en développement (7% et 38%). Les effets sont particulièrement élevés (25% et plus de 100% respectivement) en Asie centrale, au Moyen-Orient, en Océanie, en Afrique australe et du Nord.
Contributions potentielles de l'irrigation

Or, l'Asie centrale et le Moyen-Orient sont des régions où les marges d'extension de la culture pluviale sont inexistantes : le développement de l'irrigation apparaît donc là comme la seule possibilité d'abonder les superficies cultivables, si la ressource en eau est disponible et si les terres sont aptes à leur mise en culture.

Concurrences et tensions pour l'accès à l'eau au Proche et Moyen-Orient, en Afrique du Nord

"L'aridité est une constante régionale au Proche et Moyen-Orient, tout comme la prédominance de cultures fortement dépendantes des systèmes d'irrigation (au-delà du bassin du Nil égyptien, 50% de la production céréalière et 90% de la culture horticole libyennes sont issus de l'agriculture irriguée), deux déterminants qui expliquent l'importance stratégique de l'eau. En forte hausse, la demande des consommateurs urbains accroît la pression sur les ressources hydriques, accélère le pompage des nappes phréatiques sahariennes et entre  directement en concurrence avec la demande du secteur agricole. Dans certaines régions  libyennes (plaine de Jifarah), la demande des villes devrait d'ici à 2025 rejoindre le volume d'eau utilisé pour l'agriculture. De manière générale, les prévisions renvoient des perspectives de pénurie : aux Émirats, où la consommation annuelle atteint d'ores et déjà 26 fois le montant des ressources renouvelables disponibles, les réserves hydriques fossiles pourraient s'épuiser d'ici à 2050. En Égypte, la contestation actuelle des accords du bassin du Nil par la majorité des pays signataires pourrait limiter à court terme l'accès aux ressources en eau (ci-contre)."

Sources : - Centre d'analyse stratégique (CAS), "Les cessions d'actifs agricoles dans les pays en développement", Rapports et documents, n°29, 2010 - Carte de la Documentation photographique, 2000 : www.ladocumentationfrancaise.fr/carto...nil-2000.shtml
Ressources : - Jacques Bethemont - "Le Nil, l'Égypte et les autres", VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, décembre 2003, http://vertigo.revues.org/3727 - "Partage des eaux du Nil : l'Egypte refuse toute négociation", Good morning Afrika, mai 2010 http://goodmorningafrika/.../eaux-du-nil/....html - Initiative pour le bassin du Nil (Nile Basin Initiative / NBI) : http://nilebasin.org/newsite

En mai 2010, au bout de dix ans de négociations auxquelles l'Egypte a refusé de participer, quatre pays africains riverains du Nil ont conclu un accord sur la gestion des eaux du Nil : l'Éthiopie, le Rwanda, la Tanzanie et l'Ouganda ont créé une commission chargée de gérer les projets d'irrigation, canaux ou barrages, sur la totalité des 6 700 km du Nil. Elle aura droit de veto sur toute infrastructure concernant le Nil,

Le traité de partage des eaux en cours date de 1959 : il réserve  55 milliards de m³ à l'Egypte et 18,5 milliards de m³ au Soudan ce qui représente 87% de l'eau du Nil pour les deux pays.

L'Éthiopie, d'où proviennent 85% des eaux du Nil projette, au-delà des besoins de son agriculture, de devenir un exportateur régional d'électricité et la Chine y finance déjà de nombreux chantiers de nature hydraulique.

La production agricole de demain : quelles prévisions  ?

Les études prévisionnelles sur la demande alimentaire de demain se succèdent. Une récente analyse du Centre d'études et de prospective d'Agreste constate une fourchette très large d'estimations de la demande alimentaire future, notamment en produits animaux. Ces divergences proviennent d'hypothèses contrastées sur les variables majeures que sont la démographie, la croissance économique et l'évolution des régimes alimentaires (Agreste, février 2011).

On assisterait à une décélération de la croissance de la demande de produits agricoles pour l'alimentation à l'échelle mondiale, entre 2000 et 2050, par rapport à la période 1960-2000, selon un scénario de la FAO (FAO, 2006, 2009). Elle serait surtout due à une moindre croissance de la population et à l'atteinte de niveaux de consommation alimentaire relativement élevés dans des pays de plus en plus nombreux. En conséquence, la croissance de la production agricole mondiale décélèrerait également.

Pour autant, la production agricole mondiale devrait tout de même presque doubler entre 2000 et 2050 : 90% de cette augmentation proviendrait d'un accroissement des rendements et de l'intensité culturale (nombre de récoltes par an sur une même superficie), tandis que 10% seulement viendraient de l'extension des superficies cultivées évaluée à 70 millions d'ha (FAO). Cela se traduirait par un taux d'accroissement annuel des rendements de 0,8% entre 2000 et 2050, contre 1,7% entre 1960 et 2000 et par une superficie de 70 millions d'ha cultivés supplémentaires. Ce scénario prévoit une diminution de la sous-alimentation chronique dans les pays en développement – à la fois en proportion de la population totale (de 17% à 3,9%) et en nombre absolu (de 810 millions à 290 millions) – mais une persistance de cette sous-alimentation dans les pays où elle sévit sévèrement actuellement, où la croissance démographique est forte et les ressources agricoles limitées.

L'estimation des superficies dédiées à des cultures pour agrocarburants n'est cependant pas prise en compte. De telles estimations ont été produites par ailleurs, sur la base du scénario de référence de l'Agence internationale pour l'énergie (AIE), et sur la base d'un scénario plus ambitieux, qui prévoit un doublement environ de la consommation d'agrocarburants par rapport au scénario de cette Agence (Fischer et al., 2009 ; Fischer, 2009), ce qui conduit à des estimations de superficies cultivées pour produire des agrocarburants qui atteignent au maximum 58 millions d'ha à l'échelle mondiale en 2050. Quand on ajoute ces 58 millions d'ha aux 70 millions d'ha cultivés supplémentaires prévus par la FAO, on obtient un chiffre proche de 130 millions d'ha, très inférieur à l'estimation des superficies encore disponibles pour la mise en culture selon l'Ocde et la FAO (547 millions d'ha, cf. supra).

Enfin, les changements climatiques entraîneraient probablement un accroissement, modeste, des superficies cultivables du monde, mais une diminution dans les pays en développement, notamment en Asie du Sud et du Sud-Est où cette ressource est déjà rare. Selon les projections de l'International Food Policy Research Institute (IFPRI), le changement climatique aggraverait l'insécurité alimentaire mondiale, il pourrait induire une diminution des rendements céréaliers de 5% à 22% en Afrique subsaharienne d'ici au milieu du siècle et accroître de 10 millions la population des enfants victimes de malnutrition.

En définitive, les superficies des terres utilisables en culture pluviale dans le monde seraient largement supérieures aux superficies nécessaires pour assurer tout à la fois des conditions de sécurité alimentaire satisfaisantes pour l'ensemble de l'humanité et un certain développement des cultures pour les agrocarburants. Cette conclusion reste vraie même en se plaçant dans l'hypothèse d'une très faible croissance des rendements des cultures, même en excluant de la mise en culture toutes les forêts et toutes les zones actuellement protégées et même en tenant compte des effets plausibles du changement climatique.

Une question politique de gouvernance économique et sociale

Si les terres utilisables pour l'agriculture ne semblent  pas, à l'échelle du monde et de nombreuses régions, une ressource rare limitant la production agricole et la consommation alimentaire, les questions essentielles à ce sujet sont de nature politique.

Les responsables de politiques publiques, nationales ou de coopération internationale ayant trait à l'agriculture ont une marge de manœuvre quant au mode de développement agricole à privilégier. Des experts sur la sécurité alimentaire mondiale réunis par la FAO à Rome en octobre 2009 considéraient que "à l'échelle globale, il reste encore suffisamment de ressources en terres pour nourrir la population mondiale dans l'avenir prévisible, pourvu que soient effectués les investissements nécessaires pour développer ces ressources et pourvu que prenne fin la négligence à l'égard de la recherche et du développement agricoles qui a prévalu au cours des dernières décennies." (FAO, 2009).

La voie à laquelle prédisposent la plupart des institutions en place est de poursuivre les politiques et les pratiques qui, depuis plusieurs décennies, ont favorisé un mode de développement agricole exagérément concurrentiel, fondé sur la révolution agricole contemporaine avec une très forte augmentation de la productivité du travail et des rendements pour une partie des exploitations familiales et pour les très grandes entreprises agricoles, tandis que des centaines de millions d'autres agriculteurs ont vu leur développement bloqué puis ont basculé dans la pauvreté, la sous-alimentation et éventuellement l'exode et l'émigration. À ces graves revers sociaux se sont ajoutés, dans certaines régions où la révolution agricole contemporaine et la révolution verte se sont déployées, des revers écologiques tels que la salinisation, la baisse des nappes phréatiques, les pollutions des sols et des eaux, la perte de biodiversité, l'émission de fortes quantités de gaz à effet de serre… (Mazoyer, Roudart, 2009).

Mais une voie alternative peut être suivie en mettant en culture de nouvelles terres [5]. Elle consiste à promouvoir des agricultures diversifiées, à rendements relativement faibles, économes en intrants extérieurs et en énergies fossiles, avec peu d'effets négatifs sur l'environnement, voire rendant des services environnementaux, et assurant des moyens d'existence décents aux près de trois milliards de personnes qui constituent la population agricole mondiale. Le choix de cette voie alternative requiert que les politiques publiques relatives à l'agriculture se fixent trois priorités :

  • une rémunération correcte du travail correspondant et, parallèlement, la taxation des externalités et des coûts sociaux et environnementaux ;
  • la promotion de cadres juridiques et législatifs transparents assurant aux agriculteurs qui pratiquent des modes de production durables un accès pérenne (pas nécessairement via la propriété privée) à la terre ; cette priorité s'avère particulièrement nécessaire dans le contexte actuel d'investissements étrangers directs dans le secteur agricole ;
  • la troisième priorité a trait à la recherche, à la formation et au conseil permettant d'orienter la recherche agricole vers des méthodes d'intensification écologique accessibles aux producteurs pauvres ; cela implique une recherche participative, qui intègre les savoirs scientifiques généraux et les savoirs spécifiques aux agricultures locales.

     

En conclusion, les bases de données analysées montrent que les terres utilisables en culture pluviale et non cultivées ne sont pas, et ne seront pas prochainement, une ressource rare à l'échelle de la planète : d'après ces données, il serait possible de doubler la superficie cultivée mondiale sans empiéter sur les forêts et en laissant de côté une partie des terres à faible rendement ; et il serait possible de multiplier cette superficie par 1,6 en excluant de plus de la mise en culture toutes les zones actuellement protégées. La question essentielle ne serait donc pas celle du potentiel en terres exploitables mais elle serait de nature politique au sens large du terme : politiques économiques, foncières, redistributives, etc.

L'"accaparement des terres" : mythes, réalités

Les ressources en terre sont mal distribuées sur la planète. Les terres convenables pour l'agriculture sont plus rares, voire épuisées, au Moyen-Orient et en Asie (qui pourraient de plus pâtir des changements climatiques) alors qu'elles restent abondantes en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne. Ces distorsions sont en large partie à l'origine de la progression des transactions pour le contrôle des terres qui peut être observée à l'échelle mondiale.

Parfois qualifié d'"accaparement des terres" (land grabbing en anglais : action de se saisir, d'empoigner), le processus d'acquisition ou de jouissance de terres à des fins principalement agricoles (mais pas seulement) est souvent perçu comme une nouvelle forme d'agro-colonialisme par les ONG et nombre d'organisations paysannes. Les investissements, privés ou publics, vers les terres agricoles "disponibles", en particulier celles des pays du Sud, ont été particulièrement médiatisés, notamment depuis "l'affaire" Daewoo Logistics [6]. Cette filiale du chaebol coréen avait, fin 2008, négocié auprès du gouvernement malgache la location de terres de manière opaque, pour des surfaces annoncées de 1,3 million d'ha et une durée de 99 ans. La mobilisation des médias, des ONG et associations paysannes à Madagascar même et dans le monde entier avait contribué à la chute du gouvernement malgache de Marc Ravalomanana en mars 2009.

Les cessions d'actifs agricoles : quelques bases pour y voir clair

  • les actifs agricoles correspondent aux facteurs de production agricole au sens large : en plus de l'aspect foncier ces actifs comprennent les unités de production (exploitations et usines de transformation à différents niveaux de la chaîne de valeur agroalimentaire), ainsi que les récoltes, dont l'achat peut être contractualisé à l'avance ;
  • le terme "cession d'actif" renvoie à toutes les formes de transaction : acquisition, location, prise de participation… Les investisseurs nationaux n'ont pas disparu mais les transactions voient de plus en plus d'investisseurs étrangers conclure des contrats de long terme, portant sur des actifs de grande ampleur. De la location à long terme (option la plus fréquente) à l'acquisition effective des terres (plus polémique) ou aux ententes bilatérales (comme le "Partenariat stratégique" entre la Chine et de nombreux pays africains), il existe différents accords entre États, ou entre États et investisseurs privés ;
  • l'objectif des investissements reste généralement la production agricole, de type alimentaire ou non alimentaire (production de carburants notamment). Il peut exister également des projets d'aquaculture, de plantations forestières ou des projets d'investissement destinés à mettre en réserve des espaces naturels. Les récoltes peuvent être intégralement ou partiellement exportées. Les contrats peuvent comprendre des contreparties financières et technologiques accordées aux pays récipiendaires ;
  • les investisseurs étrangers sont des acteurs économiques issus des secteurs public ou privé. Dans le premier cas, les fonds souverains et les entreprises d'État s'imposent comme les véhicules privilégiés des gouvernements investisseurs pour assurer l'ingénierie contractuelle. Dans le second cas, les investisseurs peuvent être des multinationales issues des secteurs de l'agroalimentaire et de l'énergie, ou des acteurs financiers (banques, fonds d'investissement) ;
  • les récepteurs de l'investissement sont en général des pays en développement (PED) ou émergents disposant de grandes superficies de terres cultivables considérées comme "disponibles" (encadré supra) et peu chères ainsi que d'avantages comparatifs en matière de production agricole : climat favorable, main-d'œuvre peu coûteuse. Un certain nombre d'États hôtes sont localisés en Europe centrale ou orientale et dans la périphérie russe.
     

Source : Centre d'analyse stratégique (CAS), d'après des données fournies par le réseau international de la DG Trésor "Les cessions d'actifs agricoles dans les pays en développement", Rapports et documents, n°29, 2010, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports.../index.shtml

Le phénomène en lui-même n'est pas nouveau : au début du XXe siècle, la société américaine United Fruit Company possédait près du quart des terres cultivables du Honduras (d'où l'expression de "république bananière"). Ce qui est nouveau, c'est l'ampleur et la rapide croissance des investissements, depuis la crise alimentaire de 2008 surtout qui a été un élément catalyseur, et le fait que des États y participent. Mais les transactions sont difficilement quantifiables du fait de l'opacité, le caractère confidentiel ou sibyllin, des contrats entre États et investisseurs : en Afrique, en Asie, en Amérique latine et en Europe de l'Est, 15 à 20 millions d'ha auraient été cédés de 2006 à 2009. Cette surface, si elle équivaut à la Surface agricole utile française, ne représente que 1% des terres cultivées au niveau mondial, ce qui peut paraître mineur aujourd'hui, mais deviendrait significatif si la tendance se poursuit dans le temps.

Dans les secteurs de l'agroforesterie et de la pêche l'Investissement direct étranger (IDE) en direction des PED a quintuplé depuis la décennie 1990 pour atteindre 3 milliards de dollars entre 2005 et 2007 (Cnuced, 2009). Il est également avéré que les concessions foncières sont d'une ampleur inédite : de 2006 à 2009, celles qui ont été divulguées portaient souvent sur des étendues de 400 000 à 600 000 ha, quatre à six fois supérieures aux contrats qui ont présidé au développement des grandes plantations tropicales du XIXe siècle. Ainsi, 15 à 20 millions d'ha de terres cultivables auraient été cédés dans des PED à des acteurs étrangers de 2006 à 2009 (IFPRI, 2009), ce qui représente un investissement de 20 à 30 milliards de dollars à l'échelle mondiale.

On a pu constater un décalage entre des données diffusées par les médias et les projets officiellement répertoriés par les administrations foncières de 80 pays : l'estimation des superficies serait sans doute exagérée (Banque mondiale). Si le phénomène constitue une tendance dite "lourde", il importe néanmoins d'en retenir les justes proportions. Particulièrement polémiques, les cessions foncières sont plus documentées que d'autres formes de transactions. La notion d'"investissement de grande ampleur" varie sensiblement d'un contexte national à l'autre (à partir de plus de 2 000 ha en Ukraine, de 500 au Mozambique). En outre, l'étude de la Banque mondiale révèle qu'un grand nombre d'investissements sont d'origine domestique, même si certains acteurs nationaux peuvent servir d'écran à un mandataire étranger. Enfin, les projets annoncés ne sont pas tous mis en œuvre, loin de là : sur l'ensemble des projets africains mentionnés par la presse, environ un quart sont en cours de définition stratégique, une proportion équivalente à l'étape de la production initiale et... une quantité négligeable en pleine production.

L'Office du Niger au Mali : aménagements, développement et convoitises

Le delta intérieur du Niger, "grenier à riz" du Mali, est l'une des surfaces irriguées les plus étendues et les plus anciennes d'Afrique de l'Ouest. L'Office du Niger* au Mali gère un périmètre irrigué situé en rive gauche du fleuve Niger, à environ 30 km en aval de Ségou, 250 km en aval de Bamako. Les périmètres irrigués y représentent aujourd'hui environ 100 000 ha, installés dans le delta mort du fleuve, les productions principales sont le riz, les productions maraîchères, le sucre et les produits d'élevage. La croissance démographique, l'arrivée de migrants et les modes de gestion du périmètre entraînent une pression accrue sur les ressources en terre et en eau.

Aujourd'hui la population concernée représente environ 500 000 personnes et 25 000 exploitations familiales installées sur la zone, avec une superficie moyenne inférieure à 4 ha.

Les possibilités d'extension du domaine aménagé sont importantes : le potentiel estimé dès les années 1930, à la conception du projet, était d'environ 1 000 000 d'ha de sols aptes à la culture irriguée avec une irrigation gravitaire à partir du barrage de Markala. Cependant, les études sur la disponibilité en eau sont beaucoup moins optimistes et évaluent le potentiel irrigable avec les techniques actuelles d'irrigation (gravitaire) à 250 000 ha environ.

La zone de l'Office du Niger a connu une évolution spectaculaire des performances agricoles depuis les années 1980 ce qui en a fait une "success story" : entre 1980 et 2006, les rendements en riz ont été multipliés par 4 pour atteindre environ 6 t/ha selon les statistiques de l'Office du Niger. La production de riz est passée de 60 000 à plus de 500 000 t/an. Cette dynamique s'explique par la réhabilitation des infrastructures, l'introduction de techniques intensives, la libéralisation du système économique, la responsabilisation des producteurs et par une demande en riz et en produits maraîchers (échalote) en forte progression.

L'extension des superficies aménagées constitue, depuis la fin des années 1990, l'enjeu majeur du développement de la zone. Pour poursuivre ce développement agricole, de nombreux projets d'aménagement de nouvelles surfaces irriguées sont prévus. Ils sont portés par des acteurs de type différent : entreprises maliennes et étrangères (éventuellement appuyées par leur État d'origine), investisseurs privés, organisations régionales, bailleurs de l'aide publique au développement. Les investisseurs étrangers auxquels le Président malien (Amadou Toumani Touré) a fait appel en leur allouant de larges superficies sont d'origine chinoise, libyenne, sud-africaine ou ceux de l'Union monétaire ouest-africaine. Les gros investissements réalisés ou prévus (plus de 2 000 ha) représenteraient plus de 300 000 ha. Or dans la réalité les projets d'aménagements sont loin d'atteindre ce niveau car les annonces dépassent amplement les réalisations.

Voici trois exemples de projets présentés en pop-up : le projet Malibya ; deux autres grands projets conçus comme des projets de développement, le projet Millenium Challenge Account (MCA) et le projet UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine).

L'implication chinoise dans la réalisation du projet Malibya

Le canal Malibya à Kolongotomo, 16 juin 2010  
Projets d'extension des terres cultivée sur le secteur de l'Office du Niger

Source de la carte : F. Brondeau, Cahiers Agricultures, 2011

Source des clichés : FARM, 2010

* L'Office du Niger, créé en 1932, est l'établissement public qui a la responsabilité de l'aménagement de la zone. Ses missions portent sur : la gestion de l'eau ;la gestion des hydro-aménagements, notamment les canaux primaires et secondaires (les canaux tertiaires sont de la responsabilité des agriculteurs) ; la gestion des terres. L'État, propriétaire du foncier, délègue la gérance des terres à l'Office du Niger qui attribue des surfaces aménagées aux agriculteurs (sous forme de contrat annuel d'exploitation ou de permis d'exploitation agricole), qui en ont un droit d'usufruit, transmissible aux héritiers, sous réserve de respect du cahier de charges et du paiement annuel d'une redevance hydraulique.

Sources et ressources :

Les acquéreurs : motivations et territoires ciblés

Les États et les entreprises peuvent avoir des motivations et des stratégies politiques, économiques et spatiales qui obéissent à des logiques propres, parfois comparables, parfois distinctes.

Si certains États sont mus par le souci de répondre aux futurs besoins alimentaires de leur population, en particulier dans un contexte où leurs terres disponibles viendraient à manquer, les grandes entreprises ont davantage à cœur de s'internationaliser et d'investir dans une agriculture destinée aux exportations. S'ils restent critiqués pour leur bilan mitigé en matière de développement des exportations dans le sens Sud-Nord, des accords commerciaux mis en place par la France et l'Union européenne avec les PMA et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) [7] encouragent les flux d'investissements directs Nord-Sud motivés par l'exportation agricole. Enfin, anticipant la croissance de la finance carbone, les stratégies d'acquisition foncière peuvent viser à mettre en œuvre des projets de conservation ou de plantation forestière, ou d'autres types de puits de carbone terrestres, afin de bénéficier des subventions réservées aux mécanismes compensatoires issus du Protocole de Kyoto [8].

Parallèlement, de nombreux pays disposant de larges étendues cultivables et d'avantages comparatifs en matière de production agricole (climat favorable, qualité des sols, compétitivité de la main-d'œuvre, réserves foncières) cherchent à développer leur agriculture en se tournant vers des investisseurs étrangers. Ces derniers peuvent être perçus comme des atouts en suscitant une mobilisation de compétences et de moyens de production externes susceptibles de remédier aux freins structurels qui minent le développement agricole – et, in fine, économique – de certains PED [9].

Les pays acquéreurs de ces biens agricoles, principalement la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Égypte ou certains États du Golfe, n'ont pas – ou plus – chez eux suffisamment de surfaces exploitables pour assurer leur autonomie alimentaire (document ci-contre). Ils se tournent alors vers les régions du monde qui disposent encore de ressources hydriques et de larges terres arables inexploitées. Ils le font soit directement, notamment par leurs fonds souverains (Émirats arabes unis, Qatar par exemple), soit par des entreprises d'État, soit enfin par leurs industriels privés.

Il s'agit souvent de stratégies d'achat bien établies : la Corée du Sud a ainsi mis en place une structure publique d'accompagnement chargée de mettre en œuvre un plan décennal de développement agricole à l'étranger. Certains États ont même définitivement cessé d'encourager le développement de filières de production agricoles domestiques, un objectif auparavant prédominant : l'Arabie saoudite, qui importe 96% de ses consommations alimentaires, envisage l'arrêt des cultures céréalières trop gourmandes en eau sur son sol d'ici à six ans.

L'industrie agroalimentaire bénéficie aussi des avantages offerts par ces terres en termes notamment de coût de main-d'œuvre. Un certain nombre d'acteurs financiers (banques, fonds d'investissement) cherchent également à placer leur argent dans le foncier pour une rentabilité à moyen terme. Mais l'absence de cadre foncier reconnu, notamment en Afrique ou en Amazonie, constitue une source majeure d'incertitude pour les investisseurs.

Régions et pays investisseurs ou cibles de l'investissement international dans les terres destinées à la production agricole de 2006 à mai 2009(nombre d'accords signés ou mis en œuvre)

Les hôtes se trouvent majoritairement en Afrique, mais cette destination n'est pas exclusive. La moitié des projets concernerait l'Afrique, plus de 20% la région Pacifique-Asie de l'Est, moins du quart la zone Europe-Asie centrale, et l'Amérique latine en concentrerait environ 10%. Parmi les principaux pays cibles, citons le Cameroun, l'Ethiopie, la République démocratique du Congo, le Ghana, Madagascar, le Mali, la Somalie, le Soudan, la Tanzanie, la Zambie. En dehors de l'Afrique subsaharienne, l'Ukraine, la Russie, le Brésil, le Cambodge, l'Indonésie, le Kazakhstan, le Pakistan, les Philippines sont également tenus pour des destinations "phares".

Les investisseurs prospectent de plus en plus loin de leurs "greniers" traditionnels (document ci-dessus). Les pays du Golfe s'éloignent du Soudan et du Pakistan pour se diriger vers l'Europe centrale et  orientale, notamment en Ukraine, en Océanie ou en Asie (Vietnam).

Les pays d'origine des opérateurs, qu'il s'agisse d'États ou d'acteurs privés, sont ceux qui disposent de ressources agricoles insuffisantes (Japon, Corée du Sud, Arabie saoudite, Qatar, Koweït, Émirats arabes unis, Chine, etc.)

Source : Investment report. Transnational Corporations, Agricultural Production and Development, United Nations Conference on Trade and Development (Unctad / Cnuced), 2009

La carte ne tient compte que des négociations confirmées, aux accords signés et reconnus par le pays source et le pays de destination. Certains accords ont été réalisés mais pas tous. Ceux remis en cause par une des parties en mai 2009 n'ont pas été retenus. Dans ces conditions, on en dénombrait 48 de 2006 à mai 2009.

La politique chinoise, celle des pays arabes

La Chine accroît ses positions foncières en Afrique. Depuis 2007, le gouvernement chinois a opté pour une production agricole hors des frontières : la Chine fait partie des quatre pays dont les entreprises d'État acquièrent ou louent de plus en plus de terres agricoles en Afrique, en Russie, en Asie du Sud-Est, voire en Amérique latine. Au total, ce sont quelque 2,1 millions d'ha qui auraient ainsi été investis par des intérêts chinois dans le monde.

Les pays arabes se montrent aussi particulièrement actifs dans la "course aux terres agricoles" L'apparition de nouvelles menaces sur la sécurité alimentaire, la volatilité des prix mondiaux et la crise de 2008 qui a servi de révélateur, rendent caduque toute stratégie d'autarcie et semble avoir décidé certains gouvernement à prendre le relais des investisseurs privés.

Forts d'une manne financière substantielle, certains États du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Koweït, Émirats arabes unis, Bahreïn) explorent les ressources agricoles disponibles à travers la planète, négociant des concessions foncières par l'intermédiaire d'entreprises d'État (Qatari Diar) ou de fonds souverains (Kuwait Investment Authority via le fonds Kuwait China Investment Corporation). Face à l'exposition des Émirats arabes unis à l'évolution des marchés mondiaux le gouvernement émirien a encouragé certains acteurs publics (Fonds d'Abu Dhabi pour le Développement, Fondation Khalifa) et privés (Al Qudra, Abraaj Capital) à investir dans l'achat de terres au Pakistan et au Soudan. En Égypte, l'un des plus gros importateurs mondiaux de blé, les autorités multiplient les démarches au Soudan et en Ouganda pour produire du blé, composante majeure du régime alimentaire égyptien. La Libye a choisi récemment d'externaliser une partie de la production agricole à l'étranger. De son côté, l'Arabie saoudite a choisi de cesser la production des céréales trop gourmandes en eau d'ici à 2016. L'initiative du roi Abdallah pour la sécurité alimentaire officialise une stratégie de délocalisation qui consiste à réimporter des récoltes directement produites à l'étranger.

Les nouveaux projets d'investissement prennent la forme de stocks stratégiques destinés à limiter l'exposition aux épisodes de hausse des cours mondiaux. Il s'agit de constituer des réserves permettant d'influer sur les cours internationaux des produits agricoles et, plus directement, d'assurer un volume de denrées disponibles : les Émirats arabes unis ont ainsi constitué un stock de riz, farine, viande, thé, café, huile.

Depuis peu, les investisseurs se tournent vers l'acquisition d'activités de la chaîne logistique : le Fonds d'Abu Dhabi pour le Développement devrait devenir le principal opérateur d'une nouvelle politique qui ne se cantonne plus à l'investissement dans des unités de production agricole mais vise désormais les maillons "aval" de la chaîne de valeur agroalimentaire.

Source : Centre d'analyse stratégique (CAS), d'après des données fournies par le réseau international de la DG Trésor "Les cessions d'actifs agricoles dans les pays en développement", Rapports et documents, n°29, 2010, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports.../index.shtml

Des risques d'ordre social, économique, environnemental

S'ils sont mal préparés, mal conduits, ou s'ils relèvent d'une simple logique de rentabilité financière court-termiste, ces investissements peuvent entraîner de graves dommages sociaux et environnementaux, la paupérisation d'une partie de la population rurale et une diminution de la sécurité alimentaire du pays hôte.

De nombreux investissements se basent en effet sur des exploitations d'agriculture intensive sur de grandes superficies, mécanisées, s'appuyant sur une main-d'œuvre salariée et  une importante capacité d'investissement financier. De telles structures pourraient être avantageuses pour les États hôtes et leur population si elles s'accompagnent du développement effectif d'infrastructures, de services et d'emplois. Cependant, elles sont porteuses de risques : les investisseurs peuvent ne pas respecter les droits d'usage dont disposent les populations sur les terres et les ressources qui y sont associées (pâturages, ressources forestières, eau, etc.). Lorsqu'elles sont prévues, les procédures de compensation ne sont pas systématiquement respectées et, souvent, ces indemnités ne constituent pour les populations qu'un revenu ponctuel, offert en contrepartie d'un accès à des ressources qui conditionnent pourtant leur subsistance ou  généraient auparavant des revenus pérennes. L'arrivée des investisseurs peut en outre  provoquer  une  augmentation des prix du foncier.  Même lorsque le projet a des retombées positives sur une partie de la communauté locale (effet dit "oasis" conduisant à accorder des privilèges à un groupe particulier) certaines catégories de populations économiquement et politiquement plus faibles (femmes, populations nomades, etc.) peuvent en être exclues. Enfin, le développement d'une agriculture exclusivement tournée vers l'exportation, à l'image des cultures d'agrocarburants, peut réduire la part des cultures vivrières dans la production locale et, si les retombées économiques ne sont pas diffuses ou suffisantes, menacer la sécurité alimentaire des populations concernées.

Des risques environnementaux sont également à prendre en considération, en particulier  lorsque les projets s'inscrivent dans des logiques de court terme, déterminées par la recherche d'un retour sur  investissement plus rapide que les rendements agricoles naturels ne l'autorisent : déforestation, diminution des ressources en eau, pollution des nappes par l'utilisation massive d'intrants chimiques, etc.

Le risque économique, espoirs et désillusions : exemples en Tanzanie

Des expériences d'entreprises avortées témoignent des conséquences négatives d'une planification ou d'une gestion inadéquates, pour l'investisseur comme pour le pays hôte.  Prenons l'exemple de l'agriculture tanzanienne où la présence  d'investisseurs  étrangers est  un phénomène  ancien. Les acteurs  britanniques,  néerlandais,  suédois,  allemands, américains se concentrent désormais sur le secteur des agrocarburants qui représente un total de 1,5 milliard de dollars d'investissements prévus : plus de 650 000 ha ont ainsi été accordés à huit multinationales et à une trentaine d'institutions (ONG et centres de recherche). La surface potentielle destinée aux agrocarburants représente actuellement quelque 10% des surfaces cultivées du  pays.  Mais  la  manne  de  l'agriculture  d'exportation  est  alors dépendante de la conjoncture des échanges internationaux et les paris économiques peuvent être risqués.

Certains bassins d'emplois se sont mis sous l'entière dépendance d'entreprises étrangères et ont subi les conséquences de leurs échecs. On a ainsi assisté à l'abandon d'un projet de l'entreprise Sekab visant à produire du carburant à partir de la canne à sucre, à la suite d'une décision de l'investisseur suédois touché par la crise financière ; alors que les agriculteurs tanzaniens s'étaient reconvertis dans la culture de canne avec l'espoir de participer au réseau de petits producteurs (modèle d'agriculture contractuelle), ils ont vu soudain disparaître toute perspective d'écouler leur nouvelle production. On peut également évoquer l'histoire de l'entreprise BioShape, société néerlandaise spécialisée dans les énergies "vertes" qui, en 2006, avait obtenu une concession de 80 000 ha de terres de la région de Kilwa avec l'intention d'y faire pousser du jatropha, plante arbustive dont les graines peuvent produire du biocarburant. Ce projet, entaché de diverses erreurs et/ou malversations (déboisements irréguliers, erreurs de gestion, erreurs techniques) a débouché sur un dépôt de bilan en mars 2011. Les villageois qui avaient accepté de céder leurs parcelles n'ont reçu qu'une partie des compensations prévues, les emplois promis ne se sont jamais concrétisés et ils sont dans l'attente d'une reprise du projet par d'autres investisseurs étrangers.

Sources et ressources :

- Centre d'analyse stratégique (CAS), d'après des données fournies par le réseau international de la DG Trésor "Les cessions d'actifs agricoles dans les pays en développement", Rapports et documents, n°29, 2010, www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports.../index.shtml - Concernant BioShape en Tanzanie : > Sulle, Emmanuel & Nelson, Fred - "Biofuels, Land Access and Rural Livelihoods in Tanzania". London, IIED, 2009, www.iied.org/pubs/pdfs/12560IIED.pdf > Chambi Chachage et Bernard Baha - "Accumulation by Land Dispossession and Labour Devaluation in Tanzania. The case of biofuels and forestry investments in Kilwa and Kilolo", Haki Ardhi, mai 2011, www.commercialpressuresonland.org/research-papers/accumulation-land-dispossession-and-labour-devaluation-tanzania > Stefano Valentino - "Tanzania Biofuel Project's Barren Promise", Inter Press Service (IPS), http://herewww.ipsnews.net/africa/nota.asp?idnews=54783 > la couverture d'une fondation : www.bioshapebenefits.nl/?q=en/welcome

Les  pays  hôtes  des  investissements  présentent  des  situations  foncières contrastées. Dans un certain nombre de cas, les politiques et les modes de gouvernance du foncier ne sont pas propices à la sécurisation effective et durable du domaine foncier, pour les occupants sans titre comme pour les investisseurs. Dans  tous  les  cas  se  posent  des problèmes  de  sécurisation  foncière.  Ainsi,  même dans  les  pays  présentant  une administration foncière similaire à celle des pays investisseurs où la notion de propriété privée fait consensus, la sécurisation foncière dépend alors du fonctionnement effectif des institutions de l'administration foncière (mise à jour de l'information, arbitrage des conflits) et les sources d'insécurité peuvent être liées à la corruption (Europe de l'Est, Amérique latine).

Par ailleurs,  la  sécurité  foncière  n'est  pas  synonyme  de  titre  de  propriété privée car  elle  ne  découle  pas  tant  du  statut  légal  des  droits  détenus  que  du consensus social sur la légitimité de ces droits et de la fiabilité des mécanismes d'arbitrage. En Afrique subsaharienne par exemple, les systèmes fonciers sont divers et les droits locaux offrent une large gamme de cas de figure, allant de la propriété privée individuelle à des formes d'utilisation et de gestion communes. Les politiques foncières, pendant la colonisation ou après les indépendances, se sont inscrites dans une logique de  création  de  la  propriété  privée  par  le  haut,  formalisée  par  un  titre  foncier. Visant  notamment  une  meilleure  sécurisation  foncière,  elles  n'ont  pas  atteint leur objectif et ont au contraire accentué les situations d'insécurité : seul un très faible pourcentage de terres a fait l'objet d'une immatriculation et peu de titres de propriété ont été délivrés. De plus, faute de mise à jour de l'information (changement de propriétaires, de limites), un décalage s'est créé  entre  la  réalité  et  les  documents  fonciers. Les titres ne sont plus en mesure d'offrir systématiquement une réelle sécurisation à leur détenteur ; en vertu du principe de présomption de domanialité, toutes les terres non titrées relèvent du domaine privé de l'État.

Une part plus ou moins grande du territoire national relève ainsi de droits locaux dont la légitimité est reconnue au sein d'une communauté, mais pas légalement et les gouvernements  et  les agents  de  la  fonction  publique ont un  rôle  central  en matière d'attribution de terres qui peut conduire à des situations inéquitables et  conflictuelles  (centralisation  du  système  de  décision,  opacité  des procédures et corruption au sein des administrations foncières).

Des tentatives lourdes et coûteuses de création ou de mise à jour de cadastres ont rapidement connu des limites. Perçus à tort comme créateurs de propriété, les cadastres plaqués sur des systèmes juridiques inappropriés et non actualisés sont venus compliquer la gestion foncière. Ils ont au mieux été mobilisés au profit d'élites locales ou nationales, au détriment d'ayants droit légitimes. Dans ce contexte, la cession en location – voire la vente – de vastes superficies à des investisseurs par l'État nie, ou risque de nier, les droits des occupants de terres agricoles ne disposant pas de titres, ce qui est le cas de la majorité des populations rurales. Elle n'offre pas non plus au preneur du bail ou à l'acheteur de  garantie  de  sécurité  foncière. Des politiques foncières prônant la reconnaissance formelle de droits légitimes localement et ouvrant la gestion foncière à différentes institutions (collectivités territoriales,  autorités  coutumières),  offrent  à  cet  égard  des  alternatives  à  explorer.

En conclusion : des "cercles vertueux" pour des marchés mondialisés ?

La croissance démographique mondiale qui se poursuit, l'accès de nouvelles populations à des modes de consommation développés, le maintien de centaines de millions d'individus en état de sous-nutrition, supposent, parallèlement à l'intensification des systèmes de production agricole, d'étendre les superficies consacrées à l'agriculture. Des potentiels existent de ce point de vue dans certains pays mais ils ne coïncident que partiellement avec les pays consommateurs. C'est ainsi que se développe, dans un contexte d'économie mondialisée et sous différentes formes, un marché des terres agricoles qui, jusqu'à présent, se faisait dans des contextes essentiellement nationaux.

De nombreuses organisations comme l'IFPRI, l'International Land Coalition (ILC) et diverses organisations paysannes (Via Campesina, GRAIN) s'inquiètent de ce que les acquisitions foncières des investisseurs étrangers promeuvent un modèle d'agriculture extensive non durable, déplacent les  utilisateurs  traditionnels des terres et créent peu d'emplois. Différentes expériences montrent qu'il est possible, notamment dans le cadre de systèmes d'exploitation agricole composites, de concilier  le respect des droits d'usage, l'amélioration de la sécurité alimentaire, le développement rural et l'intérêt de l'investisseur. D'après la Banque mondiale les investisseurs croient qu'il est impératif d'acquérir des surfaces importantes. Cependant,  l'agriculture familiale est aussi réputée pour son efficacité très supérieure, en matière de création d'emplois, à celle de l'agriculture mécanisée extensive, un avantage loin d'être négligeable pour les autorités en charge des stratégies de réduction de la pauvreté et de la sous-alimentation. De fait, elle contribue à fixer les populations rurales dans les campagnes, limitant ainsi l'exode rural et ses conséquences directes : accroissement  des  bidonvilles, paupérisation des zones périurbaines.

Au Kenya, l'agriculture contractuelle fait le lien entre cultures d'exportation et développement économique local : un modèle vertueux ?

La Fondation de l'Aga Khan pour le Développement économique a déployé depuis une quarantaine d'années une production massive de haricots verts "extra fins" sur les plateaux du Kenya. Chaque année, 15 000 tonnes de haricots conditionnés sont réexportées vers l'Europe. Cette production repose sur des partenariats contractuels signés avec près de 60 000 petits exploitants agricoles. L'entreprise mise en place a créé un véritable bassin d'emploi : elle emploie directement quelque 3 000 personnes dans ses usines et 600 travailleurs agricoles.

Le prix de vente de la production est contractualisé à l'avance avec le client européen, mais aussi avec les fournisseurs kenyans. La récolte n'est donc pas valorisée directement sur les marchés internationaux, échappant ainsi à la volatilité des cours constatée par ailleurs. L'investisseur bénéficie de deux avantages comparatifs kenyans dans le processus de production : le climat local permet deux récoltes par an et la compétitivité des coûts de main-d'œuvre est particulièrement intéressante pour une culture intensive en capital humain. D'autre part, le réseau de producteurs a atteint une taille critique et donc un volume de production important : la société est ainsi devenue leader régional de l'industrie légumière en Afrique. Les agriculteurs kenyans y voient une garantie de débouchés mais aussi de revenus. En outre, le dispositif prévoit des conditions privilégiées d'accès aux intrants, une formation agronomique, ainsi qu'une assistance technique.

Afin de ne pas porter atteinte à la sécurité alimentaire des populations de sa sphère d'implantation en provoquant le grignotage de l'espace dédié aux cultures vivrières, l'entreprise réclame de ses fournisseurs qu'ils consacrent plus de 75% de leurs terres à d'autres cultures. L'entreprise apporte également un soutien à ses fournisseurs locaux pour d'autres maillons de la chaîne de valeur (emballage, transports). Le modèle de l'agriculture contractuelle basée sur de petites exploitations a été privilégié pour ses avantages en matière de coûts (couverture des risques climatiques par la diversité des fournisseurs, contrôle de qualité, etc.). Il repose essentiellement sur la construction de relations de confiance avec les communautés locales : concertation avec les autorités, mise en œuvre de projets pilotes démontrant la viabilité des opérations ont donc été des préalables indispensables.

Source : Centre d'analyse stratégique (CAS), "Les cessions d'actifs agricoles dans les pays en développement", Rapports et documents, n°29, p. 77, 2010 www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000667/index.shtml

Les réactions suscitées par cette dynamique nouvelle d'un marché des terres sans frontières suppose l'adoption de règles de gouvernance, tant aux échelles locales, nationales que mondiale, susceptibles de gérer ces flux au mieux de l'intérêt collectif car, sans régulation et sans transparence, on pourrait assister à des dérives comparables à celles qui affectent bon nombre d'autres ressources.


Notes

[1] Sylviane Tabarly, Géoconfluences (ENS Lyon / Dgesco) : adaptation de différents documents dont principalement :

  • Laurence Roudart - "Terres cultivables et terres cultivées : apports de l'analyse croisée de trois bases de données à l'échelle mondiale", Agreste, Notes et études socio-économiques n° 34 - décembre 2010

www.agreste.agriculture.gouv.fr/.../notes-et-etudes-socio-economiques/article/terres-cultivables-et-terres

Avec la collaboration de Jacques Imbernon, ENS Lyon / Cirad

[2] Pour les Nations Unies, l'accès à une nourriture suffisante est à la fois un droit de l'individu et une responsabilité collective. La Déclaration universelle des droits de l'homme (1948) proclamait que "Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation…". Près de 20 ans plus tard, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) approfondissait ces concepts, en soulignant "le droit de toute personne à … une nourriture adéquate" et en précisant "le droit fondamental de chaque être humain à être libéré de la faim". Fondamental, le droit d'être à l'abri de la faim signifie que l'État a l'obligation de garantir que ses habitants ne soient pas victimes de la famine. En tant que tel, ce droit est intimement lié au droit à la vie. Au Sommet mondial de l'alimentation, en 1996, les chefs de 185 pays et la Communauté européenne ont réaffirmé, dans la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale, "le droit de chaque être humain d'avoir accès à une nourriture saine et nutritive conformément au droit à une nourriture adéquate et au droit fondamental de chacun d'être à l'abri de la faim." Ils ont en outre proclamé leur volonté de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées d'ici à 2015.

[3] L'Afrique subsaharienne a vu son PIB agricole croître de +3% par an sur cette période, mais les résultats sont plus mitigés si l'on observe cet indicateur ramené à la population rurale : seulement +0,9% de croissance.

[4] Cette page repose largement sur les deux documents suivants :

  • Laurence Roudart - "Terres cultivables et terres cultivées : apports de l'analyse croisée de trois bases de données à l'échelle mondiale", Agreste, Notes et études socio-économiques n° 34 - décembre 2010

www.agreste.agriculture.gouv.fr/.../notes-et-etudes-socio-economiques/article/terres-cultivables-et-terres

[5] Des exemples sur Géoconfluences :

[6] Le projet Daewoo Logistics à Madagascar a fait l'objet d'une importante couverture médiatique et d'une intense mobilisation d'ONG. Parmi toutes ces ressources, un exemple : "Projet Daewoo : Les raisons de l'abandon sont multiples", La Gazette de la Grande Ile, 6 Octobre 2010, www.commercialpressuresonland.org/.../abandon-sont-multiples

[7] Les pays ACP sont des pays signataires des accords de Lomé et de Cotonou. Ils disposent de préférences tarifaires leur donnant accès au marché européen ainsi que de fonds spéciaux destinésà garantir la stabilité des prix à l'achat pour les produits agricoles et miniers.

[8] Sur Géoconfluences : Le protocole de Kyoto et la réduction des gaz à effet de serre.

Le carbone : nouveaux marchés, nouveaux échanges dans le monde

[9] Au Pakistan, une expérience pilote dans la région du Punjab a montré qu'un système mécanisé de culture intensive développé par le secteur privé utilisant moitié moins d'eau et réduisant le coût des entrants de 20% augmentait la productivité de la récolte rizicole de 60%.

Sources et ressources, une sélection

Expertises, institutions, principales sources, par ordre alphabétique
  • Agreste
    • Laurence Roudart - "Terres cultivables et terres cultivées : apports de l'analyse croisée de trois bases de données à l'échelle mondiale", Agreste, Notes et études socio-économiques n° 34 - décembre 2010

www.agreste.agriculture.gouv.fr/.../notes-et-etudes-socio-economiques/article/terres-cultivables-et-terres

www.agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf_nese101234A3.pdf

ou www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000667/index.shtml

  • International Assessment of Agricultural Science and Technology for Development (IAASTD / L'Evaluation internationale des sciences et technologies agricoles pour le développement), une structure de gouvernance intergouvernementale, www.agassessment.org
  • Mazoyer M. et Roudart L. - "La fracture alimentaire et agricole mondiale : état des lieux, causes, perspectives, propositions d'action", Revue politique et parlementaire, n° 1051, p. 24-34, 2009 http://eg.fsagx.ac.be/documents/.../mondiale.pdf
Autres : organisations et divers

 

Sélections, adaptations, mise en page web : Sylviane Tabarly, ENS Lyon / Dgesco,

pour Géoconfluences le 23 juin 2011

Pour citer cet article :  

Sylviane Tabarly, « Agricultures sous tension, terres agricoles en extension : des transactions sans frontières », Géoconfluences, juin 2011.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/geographie-critique-des-ressources/articles/agricultures-sous-tension-terres-agricoles-en-extension-des-transactions-sans-frontieres