L'Europe entre associations, alliances et partenariats. L'état de l'Union européenne, de la zone euro, de l'espace Schengen et de l'Otan au 1er janvier 2021
Bibliographie | citer cet article
L'Europe, une géographie variable de coopérations entre États : situation au 1er janvier 2021
Réalisation : Pascal Orcier, 2020 |
1. L’architecture des organisations régionales en Europe / Eurasie
L’espace européen est caractérisé par un maillage dense d’organisations politiques, économiques et militaires en expansion, traduisant la volonté de coopération des États européens. Nées dans le contexte de la Guerre froide, selon une logique de blocs, elles ont évolué ou ont été créées après 1991 selon des projets spécifiques. L’intensité des relations diffère selon les cas.
1.1. Organisations régionales en Europe occidentale en 2020
Les ensembles économiques et politiques en Europe et en Eurasie : population et PIB en 2019
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L’Union européenne (UE) regroupe 27 États membres (voir ci-après).
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L'Association Européenne de Libre Echange (AELE) a été créée en 1961 à l'initiative du Royaume-Uni comme association concurrente à la CEE. Elle a été progressivement désertée par ses fondateurs et membres, qui ont finalement choisi d'adhérer à l'Union européenne. Elle ne compte plus que 4 membres, deux nordiques (Norvège et Islande) et deux alpins (Suisse et Liechtenstein). Les îles Féroé, territoire danois autonome demeuré hors UE, a fait part en 2005 de son intérêt pour une adhésion à cette association. Celle-ci a refusé en 2006 au motif qu'en vertu de ses statuts, elle ne peut accueillir que des États indépendants ; d'autre part, la Suisse n'a pas souhaité voir modifié l'équilibre actuel au sein de l'association entre pays nordiques et pays alpins.
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L'Espace Économique Européen (EEE) a été mis en place en 1992 entre les États de la CEE et de l'AELE pour faciliter les échanges commerciaux. La Suisse a refusé en 1992 par votation d'y adhérer, préférant la signature d’accords bilatéraux avec l’UE. On peut donc résumer les adhérents à cet ensemble à la formule : EEE = UE + AELE – CH. De fait les États hors UE doivent intégrer ainsi la plupart des règlements européens, afin de pouvoir bénéficier des avantages de l’accès au grand marché, mais sans participer à leur élaboration.
- L'Accord de Libre Échange Centre Européen (ALECE, en anglais CEFTA) a été créé en 1992 afin de faciliter l'adhésion de ses membres à l'Union européenne. Il sert en quelque sorte d'antichambre économique. L'adhésion effective à l'UE rend caduque l'appartenance à l'ALECE. Elle compte actuellement sept membres (Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Macédoine du Nord, Albanie, Kosovo + Moldavie) mais se trouve pénalisée par la faiblesse économique des États concernés, depuis que ses économies motrices ont rejoint l’UE. Les échanges économiques souffrent également de relations bilatérales souvent encore tièdes entre ses membres.
1.2. Organisations dans l'espace ex-soviétique
L’espace ex-soviétique, centré sur la Russie, a été désorganisé par la dissolution de l’URSS en 1991 et est animé de forces centrifuges. À la volonté d’émancipation de certaines anciennes républiques satellites de Moscou répond la volonté de la Russie de conserver ses intérêts et une zone d’influence dans ce qu’elle considère comme son « étranger proche ».
La Communauté des États indépendants (CEI) est la première organisation créée sur les décombres de l’URSS en 1992. Elle a rassemblé au départ l'ensemble des ex-Républiques soviétiques, sauf les Républiques baltes. Conçue pour « gérer » l'héritage soviétique et le vide créé par la disparition de l'URSS, elle s’est vue reprocher par ses détracteurs d'être un instrument de la Russie pour disposer d'une aire d'influence privilégiée sur ses anciens satellites soviétiques. Souvent perçue comme un "club de dictateurs" dominé par Moscou, elle a vu la Géorgie quitter l'association en 2008. Ses réalisations restent modestes.
La CEI est passée au second plan avec la création de l’Union économique eurasiatique (UEE), projet porté par le président russe Vladimir Poutine et devenu réalité le 1er janvier 2015 conformément au calendrier annoncé. Elle est née de la volonté de la Russie, de la Biélorussie et du Kazakhstan de créer une structure équivalente à l’Union européenne à l’est du continent. Ces trois États avaient instauré en 2008 une union douanière et visent à terme la création d’une grande zone de libre échange en Eurasie. L’Arménie fait officiellement partie de cette union depuis le 1er janvier 2015. État montagneux et enclavé, elle souffre de relations toujours tendues avec ses voisins turc et azerbaïdjanais et reste soutenue politiquement et économiquement par la Russie. Elle a commémoré en 2015 le centenaire du génocide perpétré par les Ottomans à l’encontre des populations arméniennes de cet empire, génocide toujours nié par Ankara. La Turquie maintient fermée la frontière entre les deux pays, officiellement par solidarité avec l’Azerbaïdjan, État musulman comme elle, dont l’Arménie occupe militairement des territoires (Haut-Karabakh et territoires adjacents). L’Arménie, économiquement exsangue, avait néanmoins envisagé un accord avec l’UE avant de renoncer. Le Parlement européen a officiellement reconnu en 2015 le génocide arménien de 1915. Le Kirghizistan, petit État montagneux et enclavé d’Asie centrale a rejoint à son tour l’Union eurasiatique le 8 mai 2015, ce qui modifie peu l’ensemble humain et économique de 170 millions d’habitants que forme cette union. Le président de l'Ouzbékistan a engagé début octobre 2019 la procédure d'entrée de son pays dans l'Union économique eurasiatique. Le pays est fortement dépendant de ses exportations notamment agricoles vers l'UEE, qui est en train d'élaborer des politiques protectionnistes dans le domaine douanier et règlementaire. Ce revirement s'explique aussi par le fait que plusieurs millions de ses ressortissants vivent et travaillent en Russie où ils rencontrent des difficultés administratives et un surcoût pour l'obtention d'un brevet de travail, contrairement aux citoyens des États membres de l'UEE. Le Tadjikistan et le Turkménistan pourraient également rejoindre cet ensemble, sans que cela n’en modifie fondamentalement les équilibres. Hors de la sphère soviétique, la Serbie a signé fin août 2019 un accord de libre-échange avec l'UEE qui fait d'elle un quasi-membre.
L’Union eurasiatique fonctionne sur le papier mais connaît dans le faits des difficultés structurelles : faute de monnaie commune, les échanges internes souffrent des variations des taux de changes, dans un contexte où l’économie russe a souffert et souffre toujours des sanctions européennes et américaines depuis 2014. L’asymétrie économique entre la Russie et les autres membres est manifeste, l’UEE ne représente qu’une faible part des échanges commerciaux de la Russie. De nombreuses entraves administratives aux échanges ont été constatées, tandis que l’alignement des prix à l’export a entraîné une hausse des prix. Outre une interprétation différenciée des règlements, on constate une multiplication des différends commerciaux. Signe d’une absence de vision commune, l’UEE a par ailleurs refusé d’adopter des sanctions contre l’Ukraine.
À l’occasion des vingt ans du traité d’union Russie-Biélorussie en décembre 2019, Vladimir Poutine a constaté que « dans chaque secteur environ 90 % de ce qui était prévu dans le traité n’a pas été rempli. » Bien qu’intégrée aux structures militaires russes, la Biélorussie refuse sa vassalisation à Moscou et une absorption par la Russie. Elle continue à mener une politique étrangère autonome, voire à jouer les médiateurs comme dans la crise ukrainienne. Après une brouille de plusieurs années, le pays a signé en septembre 2019 un accord de facilitation des visas et de réadmission avec l’Union européenne et il a même renoué avec les Etats-Unis, comme en témoigne la visite à Minsk du Secrétaire d’État américain Mike Pompeo, une première depuis vingt-six ans. Les relations entre Minsk et Moscou n’ont cessé de se dégrader, faute d’accord sur le transit des hydrocarbures, que Moscou livrait jusque-là à Minsk à un tarif préférentiel. Ce refroidissement des relations intervient précisément alors que vient d’être mis en service le premier des quatre réacteurs de la nouvelle centrale nucléaire biélorusse d’Astravets, au nord-ouest du pays, à 50 km de Vilnius, destinée à assurer l’indépendance énergétique du pays.
L'Europe orientale, un « entre-deux » russo-européen
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Entre les frontières de la Russie et celles de l'Union européenne se trouvent des États ballottés entre les deux influences. La Russie les inclut dans son « étranger proche » et entend maintenir son influence sur ses anciens satellites, tandis que l'Union européenne les a intégrés dans son « partenariat oriental » (2008), offre alternative à une adhésion difficilement envisageable. Ces États présentent des profils très variés.
Le GUAM regroupe depuis 1997 des États de l'ex-URSS (chaque lettre du sigle correspond au nom d'un des membres : Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) ayant souhaité prendre des distances avec la Russie et se rapprocher des partenaires occidentaux. L'association encourage les réformes politiques et économiques, mais ses membres, qui font partie d’un nouvel entre-deux russo-européen, restent soumis à de très fortes pressions politiques et des fragilités liées à la situation interne des États (conflits gelés, tensions ethniques).
La Géorgie, l’Ukraine et la Moldavie ont fait le choix d’une orientation pro-européenne ou du moins souhaitent avoir une relation plus équilibrée entre les deux pôles géopolitiques organisateurs du continent européen. Confrontées à des situations politiques et économiques critiques, elles ont signé en 2013-2014 un accord d’association avec l’Union européenne, visant à faciliter le échanges et la coopération : la Géorgie, qui a perdu le contrôle des régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, reconnues indépendantes par Moscou, a vu en 2013 l’arrivée au pouvoir d’un nouveau Premier ministre réputé favorable au Kremlin. Tout en ayant signé l’accord d’association, il a aussi manifesté son intérêt pour l’Union eurasiatique.
L'Arménie a connu plusieurs semaines de tensions et de manifestations début 2018, traduisant le mécontentement de la population face à la corruption et au manque de démocratie. Après avoir obtenu la démission du Premier ministre Serge Sarkissian, les manifestations se sont poursuivies et le principal opposant Nikol Pachinian est finalement parvenu à accéder au poste de Premier Ministre le 8 mai 2018. L'Arménie a signé avec l'Union européenne un Accord de partenariat global et renforcé (CEPA), en remplacement de l'accord d'association, plus ambitieux, auquel le pays avait renoncé en 2013 pour se tourner vers l'Union Économique Eurasiatique (UEE). Son objectif est de se rapprocher progressivement les lois et règlements économiques de l’UE, tout en diversifiant ses partenaires étrangers. Il s'agit de développer des relations fortes avec l’Europe et son marché (qui représente environ un tiers de ses exportations et environ la moitié de ses importations) tout en préservant son alliance stratégique avec Moscou. Le pays a en outre modifié sa constitution en 2015 et s'achemine vers un système de gouvernement parlementaire, réforme approuvée par le Conseil de l'Europe qui y voit le moyen de renforcer la démocratie dans le pays. L'Arménie est un grand allié de la Russie dans le Caucase du Sud. Face à un voisinage hostile (Turquie, avec laquelle la frontière reste fermée depuis 1993, et Azerbaïdjan avec lequel le pays en guerre de façon latente au Haut Karabakh), la Russie est le seul pays à même de garantir la sécurité du pays en cas d'attaque.
1.3. Ukraine et Moldavie, deux États charnières
L’Ukraine a subi des pressions répétées et accrues de la part de la Russie, alors qu’elle prévoyait de signer elle aussi un accord d’association et de libre-échange avec l’UE. Elle y a renoncé en novembre 2013, ce qui a marqué le point de départ d’un vaste mouvement de contestation, appelé « Euromaïdan » qui a entraîné d’une part la chute du président Viktor Ianoukovitch, et d’autre part la sécession de la Crimée. Celle-ci, qui bénéficiait d’un statut d’autonomie, a été rattachée à la Russie à l’issue d’un référendum contesté, considéré comme illégal par Kiev et la communauté internationale. Le soutien manifeste, bien que démenti officiellement, apporté par la Russie aux séparatistes et le fait accompli, ont tendu les relations entre Ukraine et Russie, ainsi qu’entre l’Occident et la Russie. Les troubles se sont ensuite étendus à Odessa, ville russophone du sud de l’Ukraine, mais surtout à l’Est russophone et industriel de l’Ukraine, le Donbass, où les oblast de Lougansk et Donetsk ont proclamé leur indépendance en mai 2014, à l’issue de référendums déclarés illégaux par Kiev. Après plusieurs échecs, les accords de Minsk 2 ont institué un cessez-le-feu encore fragile entre l’armée ukrainienne d’une part, et les séparatistes des Républiques populaires de Lougansk (LNR) et de Donetsk (DNR). L’incertitude règne sur ce statu quo, l’armée ukrainienne n’étant pas parvenue à reconquérir les positions des séparatistes. Le président ukrainien doit faire face à la situation d’urgence liée à cette crise, à un nombre important de déplacés, dans un pays écrasé par la dette notamment gazière, et miné par la corruption, et qui se trouve de fait amputé d’une partie de ses régions industrielles. |
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La Moldavie reste une construction nationale fragile, tiraillée entre roumanophones qui regardent vers l’ouest, et souhaiteraient rejoindre l’UE, et russophones qui souhaiteraient renforcer les liens avec Moscou. La région orientale de Transnistrie, qui a fait sécession au début des années 1990 et échappe au pouvoir de Chisinau, et la région autonome de Gagaouzie y sont particulièrement favorables. La région autonome de Gagaouzie a tenu au printemps un référendum demandant un rattachement à la Russie, si la Moldavie venait à se réunir à la Roumanie... En vertu de la loi roumaine sur la nationalité, de nombreux Moldaves qui en ont fait la demande ont obtenu également la nationalité roumaine, qui fait d’eux des citoyens européens.
Le pays continue à connaître une instabilité politique ; ainsi en janvier 2018 son président pro-russe Igor Dodon élu en 2016 a été suspendu de ses fonctions par la Cour constitutionnelle en raison de son opposition à la majorité parlementaire pro-européenne et son obstruction à la nomination de plusieurs ministres. Il accuse ceux-ci d'être impliqués dans le « vol du siècle », la disparition de plus d'un milliard de dollars des banques du pays. Le président a sollicité unilatéralement le statut d'observateur pour son pays auprès de l'Union économique eurasiatique. De son côté l'UE a suspendu le versement d'une aide de 100 millions d'euros au pays en raison des lenteurs de la réforme de son système judiciaire, dans un contexte d'importante corruption.
En juin 2018, l'ONU a adopté une résolution demandant le départ des troupes russes stationnées en Moldavie depuis 1992, au nom du respect de l'intégrité territoriale du pays. Ce vote n'a pas valeur contraignante et il y a peu de chances pour que la « Force de paix » russe quitte ses positions.
Le Parlement européen a rejeté l'idée d'une adhésion des ex-républiques soviétiques à l'UE. En revanche, l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie pourraient rejoindre à terme l'Union douanière et l'espace Schengen. Il s'agit d'une alternative à une adhésion que peu d'États membres souhaitent, qui permettrait de renforcer les liens avec ces trois États par l'instauration progressive de la liberté de circulation des personnes, des biens et de marchandises. Ces trois pays ont décidé d'aligner leur politique étrangère à l'égard de la Russie sur celle de l'Union européenne, appliquant des sanctions suite à l'annexion de la Crimée en 2014.
Complément 1 : Novarossia « la nouvelle Russie », un territoire fantôme
À la lumière des événements en Ukraine, certains s’interrogent sur les desseins de Vladimir Poutine dans la région. Certains milieux nationalistes russes ont brandi le spectre de la résurrection d’un territoire regroupant l’ensemble des populations russophones d’Ukraine et de Moldavie, appelé au XIXe siècle « Nouvelle Russie ». Nostalgie de la grandeur impériale ou simple propagande ? La remise en cause des frontières de l’Ukraine ouvre la voie à d’autres modifications par la force des frontières de fait de la Russie. Après la Crimée et le Donbass, l’idée de créer une continuité territoriale entre ces deux territoires a justifié un renforcement de l’armée ukrainienne autour de la ville portuaire de Marioupol. La distinction entre nationalité et citoyenneté reste présente tandis que les identités individuelles et collectives sont complexes, et les malentendus et les non-dits autour de l’histoire du XXe siècle nombreux : grande famine de 1932-33 (holodomor), Shoah par balle, collaboration avec les nazis, déportations...
Complément 2 : Des États fantômes : les républiques sécessionnistes
Une des particularités des pays de l’ex-espace soviétique est d’abriter plusieurs États autoproclamés, non reconnus internationalement. La Russie et une poignée d’autres États ont choisi de reconnaître certains d’entre eux. Ils sont parfois indiqués sur les cartes par des tracés de frontières en pointillés. Cela peut se justifier par le fait qu’il s’agit de réalités sur le terrain, matérialisées par des postes de contrôle, des grillages. Mais cela revient aussi à reconnaître, peu ou prou, leur existence en dehors de la légalité internationale. Abkhazie, Ossétie-du-Sud, Transnistrie et Haut-Karabagh existent dans les faits depuis le début des années 1990. La Crimée est détachée de l’Ukraine depuis 2014, tandis que les Républiques populaires de Donetsk (RPD) et de Lougansk (RPL) contrôlent des régions de l’Est de l’Ukraine. Les indiquer ou non sur la carte peut relever d’un choix idéologique ou bien des besoins, usages et publics visés par la carte. (voir aussi l’encadré sur Chypre-Nord).
Républiques sécessionistes et territoires ayant fait sécession aux confins orientaux de l'Europe
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2. Zoom sur l'Union européenne en 2020
Les élections européennes de mai 2019 ont enregistré un regain de participation de la part des électeurs. Le résultat du scrutin confirme le déclin des deux grands partis qui ont dominé le parlement durant les précédentes décennies, le PPE et S&D, renforçant le poids des Verts et surtout des formations souverainistes. Les négociations ont commencé en vue de la formation des groupes au Parlement, mais aussi du renouvellement de la Commission et des postes à responsabilité au sein des institutions, ce qui devrait prendre plusieurs mois. La sortie du Royaume-Uni de l’UE et donc le départ des députés britanniques entraine une redistribution d’une partie des sièges qu’ils occupaient jusqu’alors. En effet, certains députés ont été élus en mai 2019 mais ne siègent qu’à compter du 1er février 2020. À cette date, l’UE à 27 compte désormais 436 millions d’habitants pour un territoire de 4 213 290 km²
2.1. Le résultat d'élargissements successifs
L'Union européenne compte en 2020 27 États membres. Elle compte 24 langues officielles. 24 États utilisent l'alphabet latin, deux utilisent l'alphabet grec (la Grèce et Chypre) et un l'alphabet cyrillique (la Bulgarie). Le dernier État à avoir adhéré, en 2013 est la Croatie, deuxième État issu de l'ex-Yougoslavie, à l'issue d'un processus de dix années. Ce pays à la fois danubien et méditerranéen poursuit son rattrapage économique. Outre les 4 millions d'habitants que compte le pays, 500 000 Croates de Bosnie ayant la double nationalité sont devenus citoyens européens. Le territoire croate a la particularité d'être formé de deux parties séparées par une bande de territoire bosniaque de 10 km entre la région croate de Dubrovnik et le reste de la Croatie, et qui forme donc désormais une enclave de l'UE entre le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine. Ces deux États sont devenus voisins immédiats de l'UE. Les frontières de la Croatie avec la Slovénie et la Hongrie, internes à l'UE, continueront à faire l'objet de contrôles tant que la Croatie restera hors de l'espace Schengen. |
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Complément 3 : Le cas de Chypre Nord : faut-il ou non inclure sur une carte le nord de Chypre comme faisant partie de l’UE ?
L’île de Chypre est divisée depuis 1974 en deux parties séparées par un mur et une zone tampon dans laquelle patrouille l’UNFICYP, mission de maintien de la paix des Nations-Unies. Le sud est dirigé par la République de Chypre, internationalement reconnue, de peuplement et de langue majoritairement grec. Au nord a été proclamée la République turque de Chypre du Nord (RTCN), entité reconnue par la seule Turquie, qui contrôle militairement le territoire et y a implanté des populations anatoliennes. Au sud circule l’euro depuis 2008, tandis que la livre turque est utilisée au nord. De facto, le nord de Chypre échappe politiquement à l’État chypriote, membre de l’Union européenne depuis 2004. Les projets de réunification de l’île ont jusqu’à présent échoué. L’écart s’est creusé en matière de niveau de vie et de développement entre le sud (plus riche, bénéficiant des fonds européens) et le nord, que la situation politique incertaine rend peu attractif pour les investisseurs internationaux (exceptés les Turcs). La ligne de démarcation a été fermée à toute circulation de 1974 à 2002. En 2003 a ouvert le premier point de passage, uniquement pour les piétons et cyclistes, suivi de quatre autres, cette fois accessibles aussi aux voitures, en 2005. En novembre 2018 ont ouvert un 8e et un 9e point de passage. De jure, en l’absence de reconnaissance internationale du fait accompli de l’occupation turque, le nord fait partie de l’Union européenne même si les lois et règles communautaires ne s’y appliquent pas. Colorier l’intégralité de l’île de Chypre de la couleur de l’UE revient donc à reconnaître la souveraineté du seul État chypriote sur l’ensemble de l’île et nier le fait accompli turc. En revanche, choisir de ne colorier que le sud c’est reconnaître une réalité de terrain, une situation de fait, de même que d’indiquer en pointillés le tracé de la ligne de séparation, qui n’a pas valeur de frontière du point de vue légal, mais constitue une réalité physique et politique. |
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Les étapes de la construction européenne 1957-2020
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Les derniers élargissements ont révélé une certaine lassitude dans les opinions publiques européennes face à l’adhésion d’États nettement plus pauvres que la moyenne communautaire. D'autant que la Bulgarie et la Roumanie, entrées dans l'Union européenne en 2007, ne remplissaient pas tout à fait les critères requis au moment de leur adhésion. En raison de la question des Roms et des contrôles jugés insuffisants à la frontière roumano-moldave, l'entrée des deux États dans l'espace Schengen, initialement envisagée en mars 2011, a été plusieurs fois reportée au grand dam des dirigeants de ces deux États. Le bilan du grand élargissement (2004-2007), plus de dix ans après, est mitigé. Les États n'étaient pas totalement prêts, ce qui n'a pas permis la convergence espérée : la Pologne et la Hongrie se sont transformées en « démocratures », néologisme désignant des États enregistrant un recul des liberté et de la démocratie, voire des tendances autoritaires, tout en maintenant la fiction de la démocratie, ce qui leur a valu des mises en garde de Bruxelles ; Roumanie et Bulgarie souffrent toujours d'une importante corruption, qui alimente le mécontentement populaire et nourrit une instabilité gouvernementale en Roumanie ; dans l'ensemble, le rattrapage économique se révèle plus lent que prévu. Ces échecs ont fait le lit des mouvements nationalistes et populistes. Au final, seuls les États baltes ont réussi pleinement leur intégration et tourné la page de l'après-communisme. Ils célèbrent en 2018 les cent ans de leur première indépendance. |
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Élargissements et rattrapage économique
L’attractivité de l’Union européenne relève de plusieurs facteurs. Parmi les avantages perçus d’une adhésion à l’UE, l’amélioration des conditions de vie figure souvent en tête des motivations des États et des électeurs. Le fait est que plusieurs États, entrés pauvres dans la CEE ont vu leur niveau de vie augmenter au fil du temps, pour parfois dépasser la moyenne communautaire. C’est le cas de l’Irlande, pays le plus pauvre à son entrée dans la CEE en 1973, et dont le PIB par habitant est aujourd’hui supérieur à la moyenne, grâce à une utilisation judicieuse des fonds européens. De même, la Grèce (entrée en 1981) puis l’Espagne et le Portugal (1986) ont vu leur niveau de vie augmenter, jusqu’à se rapprocher de la moyenne. Qu’en est-il des États des dernières vagues d’élargissement depuis 2004 ? On peut observer un réel phénomène de rattrapage sur une dizaine d’années, même si ces États demeurent en deçà de la moyenne communautaire. Les progrès réalisés dans un premier temps ont été ralentis ou annulés par les effets de la crise économique qui a frappé à partir de 2008. Tous les États n’ont pas été touchés avec la même intensité. Tous restent bénéficiaires du fonds de cohésion (réservé aux États dont le PIB par habitant est inférieur de 10 % à la moyenne communautaire) et bénéficient ainsi chaque année d’importants transferts financiers en provenance des États les plus riches de l’Union, en vue de réduire les écarts de développement entre États. C'est l'application du principe de solidarité. Cela signifie aussi que chaque année, en lien avec la croissance de leur PIB, ces États contribuent davantage au budget communautaire. Contrairement au Royaume-Uni, ils ne bénéficient d’aucune dérogation ou exonération fiscale. Il y a toutefois un effet de seuil qui biaise les chiffres : en cas d’adhésion d’un nouvel État plus pauvre, les pays mentionnés se trouvent automatiquement avantagés en se rapprochant davantage de la moyenne communautaire même si leur PIB par habitant stagne. Ils seraient en revanche rétrogradés en cas d’adhésion d’un État riche, comme la Norvège. Ces effets de seuil sont pourtant déterminants pour l’éligibilité aux fonds communautaires. Le passage de l'UE28 à l'UE27 avec le départ du Royaume-Uni au 31 janvier 2020 fait mécaniquement remonter les valeurs des États actuellement en dessous de la moyenne dans les statistiques d'Eurostat. |
Le rattrapage économique des nouveaux États membres depuis 2004
On peut observer un phénomène de rattrapage sur une dizaine d’années, même si ces États demeurent en deçà de la moyenne communautaire de l'UE à 28. et des États candidats
Réalisation : Pascal Orcier, 2020 |
Les étapes de l'adhésion à l'Union européenne ( >> États dans cette situation au 1er janvier 2021)
Source : Commission européenne. Synthèse : Pascal Orcier, janvier 2018 |
Plusieurs autres États sont actuellement candidats à l'adhésion
Après un élargissement continu depuis 1957, l’UE a connu durant la dernière décennie un double coup d’arrêt : d’une part, sa volonté d’extension à l’Est a contribué à l’éclatement de l’Ukraine et la sécession de territoires à majorité russophone (Crimée et Donbass), suite à la ratification d’un accord d’association. Si l’UE n’est pas le seul acteur extérieur impliqué dans la crise ukrainienne depuis 2014, c’est la première fois qu’un projet d’élargissement d’une union à vocation pacificatrice dégénère en conflit armé. D’autre part le Brexit, engagé en 2016 et concrétisé par le départ du Royaume-Uni de l’Union en 2020 marque pour la première fois un recul du nombre de membres et un rétrécissement spatial.
La nouvelle Commission a annoncé une refonte de la procédure d’élargissement de l’UE. Les modifications envisagées tiennent compte des critiques formulées de façons récurrentes et des blocages constatés depuis une quinzaine d’années. La nouvelle procédure laisserait aux États membres la possibilité d’interrompre voire de contraindre un pays candidat à reprendre à zéro les négociations sur certains chapitres politiques en cas de manquement constaté de sa part ou de recul en matière de législation. Cela ne rendrait ainsi plus l’adhésion automatique et inéluctable : la procédure deviendrait réversible.
Cette décision se veut une réponse aux multiples défaillances et blocages constatés depuis une dizaine d’années, traduisant frustration et méfiance à l’égard de l’élargissement :
- le blocage par la France en octobre 2019 de l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord ;
- le blocage persistant constaté depuis plusieurs années dans les négociations avec la Turquie ;
- l’expérience de l’intégration prématurée de la Bulgarie et la Roumanie en 2007 ;
- l’application de la clause de sauvegarde par de nombreux États en matière d’ouverture du marché de l’emploi lors de l’adhésion de la Croatie en 2013 ;
- les évolutions politiques illibérales en Hongrie et Pologne ;
- le caractère incomplet voire fragile des progrès annoncés dans les négociations avec la Serbie et le Monténégro.
Ainsi des chapitres officiellement clos pourraient être rouverts. La proposition de la commission ne modifie donc pas les règles ni le principe de l’élargissement mais la méthode. La procédure s’accompagnerait d’un plan d’investissement pour les Balkans afin de faciliter et accélérer leur intégration économique. Des progrès conditionneraient l’accès aux fonds de pré-adhésion.
Tout État européen peut, s’il le souhaite, demander l'adhésion à l’Union européenne. Celle-ci a longtemps été synonyme de sécurité et de prospérité, pour les citoyens d’États sortis de régimes autoritaires et en retard économique. L’adhésion à l’Union européenne a été un objectif politique majeur pour les États d’Europe centrale et orientale. Selon les dernières enquêtes Eurobaromètre, l’opinion publique européenne y est de moins en moins favorable. Certaines formations et responsables politiques prônent l’arrêt de l’élargissement, et le retour à un format d’union plus restreinte. En dépit d’une perte apparente d’attractivité, plusieurs États demeurent candidats et certains poursuivent les négociations d’adhésion. |
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Complément 4 : Maroc et Yougoslavie : candidatures éphémères
Avant la chute du rideau de fer, deux États avaient fait part de leur intérêt pour la CEE en construction. Le Maroc avait fait acte de candidature en 1984 ; la Yougoslavie avait envisagé une candidature en 1989. La première a été rejetée en 1987 en raison de la non-appartenance du royaume chérifien au continent européen ; la seconde se serait heurtée au critère de la démocratie dans ce pays socialiste qui se rattachait politiquement au bloc de l'Est. Le Maroc a été intégré dans le Partenariat méditerranéen, bénéficie d'une importante coopération économique avec l'UE et dispose même d'un « statut avancé » lui permettant de participer à certaines agences et bases de données, notamment en matière de coopération policière et judiciaire (cf. infra le modèle géopolitique européen). La Yougoslavie a implosé à partir de 1991, avant de voir son nom disparaître officiellement en 2003. Elle est remplacée par six États officiellement reconnus (dont deux sont membres de l'UE et quatre candidats – voir infra) et le Kosovo.
Après les élargissements, les rétrécissements ?
Le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne. C’est la première fois qu’un État quitte le bloc. Auparavant, seuls des territoires relevant d’États membres en étaient sortis :
- les départements français d’Algérie en 1962,
- le Groenland en 1985,
- l’île française de Saint-Barthélemy en 2011.
>>> Pour tout savoir sur le Brexit
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2.2. Les Balkans occidentaux : nouveaux enjeux pour l'UE
« L'UE ne sera jamais complète sans les Balkans occidentaux » (Johannes Hahn, Commissaire européen à l'élargissement, à Sarajevo le 9 décembre 2016).
La région des Balkans
L'Union européenne s'intéresse à nouveau à la région des Balkans occidentaux en raison de différentes raisons liées au contexte international : tensions avec la Russie (qui a dans la région, une influence économique et des alliés, en partie de confession orthodoxe), la crise des migrants (qui remontent de Grèce via la Serbie, alimentant l'activité de réseaux criminels) et l'existence de foyers salafistes (envoi de combattants djihadistes en Syrie). La région continue de souffrir d'une image négative et la perspective d'une adhésion suscite un faible enthousiasme auprès des citoyens européens, voire même l'opposition ouverte de certaines formations politiques. Il s'agit pour certains d'une opposition de principe à l'Union européenne ou à son élargissement. D'autres utilisent les arguments relatifs au retard économique et politique (le traditionnel « ils ne sont pas prêts ») et le risque de dumping social. En France par exemple, seuls trois partis (EELV, PS/Place Publique et UDI) étaient favorables à l'élargissement de l'UE aux États des Balkans occidentaux, sur les 11 programmes des principales formations étudiés par le journal Le Point (24 mai 2019). |
![]() Carte : Pascal Orcier 2019 |
Son retard de développement génèrerait des coûts supplémentaires pour le budget communautaire, en particulier pour les États contributeurs nets (France, Allemagne...). Or on évoque rarement les coûts d'une non-adhésion, tant pour l'UE que pour les États concernés. Pour l'UE, il y a le coût immédiat du contrôle des frontières (Schengen et non Schengen) : 2 893 km de frontières terrestres, 430 km de frontières maritimes. La non-intégration tend à accroître l'écart de développement de part et d'autre de la frontière, suscitant des frustrations et incitant des populations au départ. Sur le plan politique, la perspective d'intégration a un effet vertueux, obligeant à mener des réformes structurelles pour renforcer l'état de droit, les droits de l'homme et mener une lutte contre la corruption. On constate que les pays bloqués sur le chemin de l'intégration connaissent un regain de tensions entre communautés et une plus grande instabilité. Toutefois, il serait hasardeux de déterminer quel phénomène est la cause de l'autre...
Les enjeux économiques sont importants. Les Balkans occidentaux sont une région de transit, ses axes routiers sont empruntés quotidiennement par des camions de marchandises entre l'Europe de l'ouest, la Grèce et la Turquie. Ces flux sont en hausse, occasionnant un engorgement des points de passages frontaliers, en particulier sur ce qui a été défini dans les années 1990 comme le corridor paneuropéen n°10. La Chine finance en outre la réalisation d'un corridor pour exporter ses marchandises vers l'Europe, entre Thessalonique et Budapest : construction de ponts, de tronçons autoroutiers et la future ligne à grande vitesse Budapest-Belgrade. L'intégration dynamiserait les ports grecs du Pirée et surtout de Thessalonique, qui profiterait d'un vaste arrière-pays et deviendrait la porte d'entrée maritime d'une région.
Enfin, la non-intégration livrerait la région à l'influence combinée de la Russie, de la Turquie et des États du Moyen-Orient, ce qui aurait inévitablement des conséquences sur la sécurité du voisinage immédiat de l'UE. Dans tous les cas, l'intégration des Balkans occidentaux, reconnus depuis 2003 comme « ayant vocation » à rejoindre l'UE se fera de façon graduelle au gré de l'avancement de chaque État, dès lors qu'il fonctionnera comme un État. Divisée quant à l'attitude à adopter vis-à-vis des États des Balkans occidentaux, l'UE perdrait sa crédibilité et son pouvoir d'attraction dans une région que ses habitants préfèrent quitter. Selon Pierre Mirel, ancien directeur général de la Commission européenne, un jeu de dupes se serait installé : « l'UE fait semblant de vouloir nous accepter, nous faisons semblant de nous réformer ». La ministre kosovare de l’intégration européenne en visite en France a déclaré en avril 2019 que le Kosovo visait une adhésion à l’UE en 2030.
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La Commission européenne a dévoilé le 6 février 2018 une nouvelle stratégie concernant les élargissements à venir, et donné pour la première fois des dates indicatives : 2025 pour l'adhésion de la Serbie et le Monténégro, 2030 pour l'Albanie et la Macédoine du Nord. La Commission recommande depuis 2018 l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie. La Russie voit d'un mauvais œil le rapprochement des États des Balkans avec les institutions euro-atlantiques. Soucieuse de maintenir ses liens et intérêts économiques dans la région, elle accuse l'UE de contraindre ces États à choisir « entre l'Ouest et la Russie ». Ce à quoi l'UE répond qu'avoir une politique anti-russe ne figure pas parmi les critères d'adhésion.
L'attribution du statut de candidat par la Commission donne accès aux États concernés au fonds de pré-adhésion (ISPA). Son montant est programmé sur plusieurs années en fonction de la population de l'État concerné et de ses besoins, mais aussi de sa capacité à gérer les fonds.
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Candidats actuels
Le Monténégro a ouvert, le 1er juillet 2020, son 33e et dernier chapitre de négociation. Trois chapitres ont déjà été refermés. Indépendant de la Serbie depuis 2006, ce petit pays de 700 000 habitants a déposé sa candidature en décembre 2008. Les négociations ont été officiellement ouvertes le 29 juin 2012. D'importantes réformes ont été menées pour rendre la législation nationale compatible aux règles communautaires, notamment dans la lutte contre la corruption. Le pays est accusé d'être une plaque tournante des trafics de drogue et de cigarettes, aux mains de différentes mafias. Il a aligné sa politique étrangère sur celle de l'UE et appliqué des sanctions à l'égard de la Russie, alors même que ce pays est un important investisseur dans son économie. Le Monténégro ne rencontre pas de difficultés majeure dans sa procédure d'adhésion, n’ayant pas de points d’achoppement ni de différends avec un État de l’UE. Il envisage une adhésion pleine et entière à l'UE en 2025.
Dernier né des États européens issus de la dislocation de la Yougoslavie, le Monténégro est une ancienne principauté montagneuse parvenue à s'émanciper de l'empire ottoman, en marge des empires autrichien et vénitien. S'étant agrandi au cours de plusieurs guerres au XIXe siècle et au début du XXe siècle et érigé en royaume, il a finalement été incorporé à la Yougoslavie en 1919, devenant ainsi le débouché maritime de la Serbie. La distinction entre Serbes et Monténégrins a longtemps été niée ou minimisée, face aux autres groupes ethniques présents sur le territoire, principalement dans les districts frontaliers de l'Albanie et de la Serbie. L'imbrication des groupes humains et leur fluctuation au gré des conflits explique la difficulté à tracer les frontières du pays et de définir une nation monténégrine. Le nord du pays correspond à l'ancien sandjak, territoire resté ottoman à l'issue du Congrès de Berlin en 1878 vers lequel avaient reflué les populations musulmanes de la région. Aujourd'hui les intérêts et stratégies politiques de ces groupes se traduisent par des comportements électoraux différenciés, adhérant ou s'opposant aux projets gouvernementaux.
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Dans sa volonté de rompre avec une Serbie perçue comme potentiellement déstabilisatrice et qui accepte mal l’existence d’une identité nationale monténégrine distincte de la serbe, le président Djukanovic a fait passer fin 2019 une loi controversée sur la religion. Il cherche à renforcer et faire reconnaître l’Église orthodoxe monténégrine, non reconnue par la communauté orthodoxe mondiale, au détriment de celle de Serbie, qui contrôle une grande partie des lieux de culte du pays. Ses représentants sont jugés par le pouvoir comme étant pro-serbes et pro-russes. Une partie de la population serbe du pays continue à réclamer son rattachement à la Serbie voisine et crie à la confiscation de ses églises et à la discrimination. Face à ce qui est perçu comme une ingérence étrangère, l’enjeu pour le pays porte autant sur l’affirmation de la souveraineté nationale que sur des considérations politiques, instrumentalisant le rapport de la société monténégrine à la religion. Avant 1919, le royaume du Monténégro était propriétaire des édifices religieux.
Les négociations d’adhésion se poursuivent avec la Serbie depuis l'ouverture des deux premiers chapitres le 15 décembre 2015. Trois nouveaux ont été ouverts en 2018, un en juin et un en décembre 2019 ce qui porte leur nombre à 18. Deux chapitres ont été refermés (sur 34). Il y a donc une avancée régulière pour l'instant. La Serbie a déposé sa candidature le 22 décembre 2009 et a été reconnue candidate en mars 2012. Outre les 33 chapitres habituellement compris dans le paquet des négociations, un chapitre supplémentaire concerne la normalisation des relations avec le Kosovo. Belgrade refuse toujours de reconnaître l’indépendance de son ancienne province. Avec ses 7,5 millions d’habitants, la Serbie est le "poids lourd" démographique et économique des Balkans occidentaux, région ayant vocation à adhérer à terme à l’UE. L’adhésion du pays est longtemps restée suspendue à l’arrestation des derniers criminels de guerre recherchés par le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye. Surtout, un accord intervenu entre la Serbie et le Kosovo le 19 avril 2013, premier pas vers une normalisation souhaitée des relations entre les deux États, a été interprété comme un signe positif pour la Commission. Toutefois, les négociations avec la Serbie sont susceptibles de faire l’objet d’un véto de la Croatie voisine, qui réclame le jugement de plusieurs responsables présumés de massacres et de crimes de guerre commis lors des guerres d’ex-Yougoslavie. L'UE a retiré en octobre 2019 la Serbie de sa « liste grise » des paradis fiscaux, signe d'une amélioration constatée en matière de contrôle financier. À la surprise des autorités bruxelloises, la Serbie a signé un accord de libre-échange avec l'Union eurasiatique fin août 2019. Cette décision concrétise les liens du pays avec la Russie, mais aussi se veut une réplique à la décision du gouvernement du Kosovo d'augmenter de 100 % les taxes sur les importations de Serbie en 2018. Selon Belgrade, cette quasi-adhésion se veut provisoire, avant celle à l’UE qui la rendrait caduque.
Le 25 mars 2020, l’Albanie et la Macédoine du Nord ont obtenu le feu vert du Conseil européen pour démarrer les négociations d’adhésion. Celles-ci auraient dû commencer en octobre 2019, mais la France, le Danemark et les Pays-Bas s’y étaient alors opposés. Cette décision avait suscité incompréhension et déception dans les deux pays concernés. Le Premier ministre macédonien Zoran Zaev avait alors remis sa démission, en janvier 2020. Il est intéressant de noter que la présidence croate du Conseil européen a effectué une intense activité en faveur de l’ouverture, et que même les États voisins actuellement candidats (Serbie et Monténégro) avaient manifesté leur soutien aux efforts diplomatiques de Zagreb, et ce en dépit de différends dans leurs relations bilatérales. D’une certaine manière, l’objectif d’adhésion contribue dans la région à créer des solidarités d’intérêts.
L’Albanie avait fait acte de candidature en avril 2009. C’est le début d’un processus qui s’annonce long. Le pays reste, selon Transparency International, le plus corrompu d’Europe et un des plus pauvres du continent. Il demeure une terre d'émigration, après avoir été durant la seconde moitié du XXe siècle un État fermé, replié sur lui-même dans le cadre d'un régime communiste qui a maintenu le pays dans l'isolement et accentué son retard de développement.
La situation s'est débloquée concernant la désormais ex-ARYM, officiellement reconnue comme « Macédoine du Nord ». Le pays avait déposé sa candidature en 2004, qui avait été reconnue en 2005, sans effet immédiat. En effet, l’ouverture des négociations, recommandée par le Parlement depuis 2010, se heurtait au veto de la Grèce, en raison du différend qui opposait les deux États à propos de la dénomination officielle du pays. Ce veto avait déjà empêché la Macédoine d’adhérer à l’OTAN en avril 2009. L’examen analytique des législations nationales, préalable à l’ouverture, a commencé pour 21 chapitres de négociations sur 33.
Après dix ans de gouvernement de droite exploitant une veine nationaliste (2006-2016) qui a exacerbé les tensions avec la Grèce, l'arrivée au pouvoir dans le pays d'un premier ministre social-démocrate a ouvert la voie à un règlement du contentieux bilatéral. Malgré de fortes oppositions au sein de leurs formations respectives, et d'importantes manifestations au sein de l'opinion, les premiers ministres macédonien et grec sont parvenus à faire valider par leur parlement respectif l'accord de Prespes signé en juin 2018. L'UE, l'ONU et les États-Unis ont soutenu le processus. La Grèce a été amenée à expulser deux diplomates russes accusés d'avoir tenté de faire capoter l'accord. 450 000 Macédoniens sur 2 millions vivent à l'étranger, principalement en Bulgarie et en Grèce. En vertu d'une loi bulgare sur la nationalité, de nombreux Macédoniens disposent en outre d'un passeport bulgare qui fait d'eux de fait des citoyens européens. Ils seraient 50 000.
Dans ces quatre États candidats (Albanie, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie), la perspective d'intégration européenne varie au sein des opinions publiques : Très favorable généralement au départ, elle connaît une tendance à l'érosion à mesure que le processus se bloque ou avance : la lenteur, la complexité, parfois des blocages dans les négociations, les nouvelles normes et contraintes immédiates induites par l'adhésion alors que les bénéfices annoncés sont reportés au-delà de la perspective d'adhésion peuvent expliquer l'engouement moindre dans les États les plus avancés vers l’adhésion. Une lassitude voire une hostilité s'installe.
Opinion des candidats à l'adhésion à propos de l'adhésion
Source : (Eurobaromètre nov. 2018) |
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Des candidats potentiels
La Bosnie-Herzégovine a officiellement déposé sa candidature à l'Union européenne le 15 février 2016. Celle-ci s'inscrit dans la logique de la poursuite de l'intégration des Balkans occidentaux et de l'ex-Yougoslavie. La candidature a été acceptée par le conseil européen le 22 septembre 2016, et la Commission doit décider si elle reconnait le pays comme candidat. Après 14 mois, la Bosnie a remis à la Commission le 28 février 2018 le questionnaire soumis par Bruxelles en vue de lui attribuer le statut de candidat. Celui-ci comportait plus de 3 200 questions. Le retard était dû à des dissensions entre le gouvernement central et ceux des deux entités qui composent le pays. La Bosnie a reçu en juin 2018 un nouveau document comportant 655 questions complémentaires. Le questionnaire complémentaire a été remis début mars 2019 avec cinq mois de retard et avec vingt questions laissées sans réponse. Le pays avait été reconnu dès 2003 comme « candidat potentiel ». La Bosnie, qui présente un retard de développement, constitue une poche de pauvreté et est une terre d'émigration depuis une quinzaine d'années. La Commission européenne a activé, en 2015, l'Accord de Stabilisation et d'Association (ASA) signé en 2008, qui constitue la première étape d'un rapprochement avec le pays, et qui a permis de lui débloquer des fonds. Dans son rapport de mai 2019, la Commission estime que la Bosnie-Herzégovine ne remplit pas encore les critères politiques. L'accord de stabilisation et d'association (ASA) n'est pas encore pleinement appliqué par le pays, dont le rapport estime en revanche qu'il a progressé en matière de stabilité macroéconomique. Une série de mesures touchant différents domaines sont proposées par la Commission pour que le pays se rapproche des critères rendant le processus d'adhésion envisageable.
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La Bosnie-Herzégovine a une structure fédérale issue des accords de Dayton en 1995 : la République serbe de Bosnie (Republika Srbska), la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (Federacija Bosne i Hercegovine) et le district de Brcko. Cette architecture administrative était destinée à assurer un partage du pouvoir fédéral et local entre ses trois grandes communautés religieuses – Bosniaques musulmans (45 % de la population), Serbes orthodoxes (36 %) et Croates catholiques (15 %) – qui s'étaient livrées entre 1992 et 1995 à de violents combats, une épuration ethnique et des exactions. Or elle s'est rapidement révélée lourde, facteur de blocages des institutions et de corruption, entrave à la modernisation et à la démocratisation du pays. L'unité nationale et le sentiment national restent fragiles : les Serbes de Bosnie ont à plusieurs reprises manifesté leur volonté de faire sécession et de rejoindre la Serbie voisine ; les Croates sont tentés de faire de même et demandent à former une entité croate distincte. Nombreux sont les citoyens bosniens qui disposent également d'un passeport serbe ou croate. Certains sont ainsi devenus citoyens de l'Union européenne depuis l'adhésion de la Croatie en 2013. Fait divers révélateur des dysfonctionnements et de la corruption qui touchent la Bosnie, la Russie a décidé en janvier 2018 de bloquer l'importation de pommes de Bosnie, une entreprise locale étant soupçonnée d'avoir exporté vers la Russie des pommes polonaises (soumise à embargo) en les faisant passer pour bosniennes. En août 2019, dix mois après les élections générales, un accord de gouvernement a enfin été trouvé sous l'égide du haut représentant de l'UE pour parvenir à la formation d'un nouveau gouvernement.
« le Kosovo rejoindra bientôt l'UE et l'OTAN » a clamé le président kosovar à l'occasion des dix ans de l'indépendance de son pays en février 2018. Ce slogan qui se veut optimiste est complètement irréaliste. Le Kosovo n'a pas encore déposé de candidature ; il est certes considéré comme ayant vocation à adhérer à l'UE mais il doit d'abord répondre aux critères et fonctionner réellement comme un État. La KFOR (mission de l'OTAN) y maintient près de 5 000 hommes, appuyés par la MINUK (mission de l'ONU) et une mission civile de l'UE (EULEX) soutenant la mise en place d'institutions démocratiques et de l'État de droit. Le fort soutien exprimé au sein de l'opinion et de la classe politique à l'égard des États-Unis depuis vingt ans fait même ironiser certains observateurs estimant qu'il était plus probable et rapide de tenter d'en devenir le 51e État… Vingt ans après la guerre, dix ans après l'indépendance, le pays offre un bilan mitigé : le dernier né des États européens issu de la décomposition de la Yougoslavie est à la peine.
Son indépendance n'est toujours que partiellement reconnue. La dynamique de sa reconnaissance internationale s'essouffle et même reflue, en partie grâce à un travail de sape mené par la Serbie qui a poussé une dizaine d'États à revenir sur leur décision. En mars 2019, ils n'étaient plus que 102 à reconnaître l'indépendance du Kosovo, contre 116 début 2018. De façon surprenante, le Kosovo a été officiellement reconnu en septembre 2020 par Israël. Toute perspective de normalisation internationale à court terme se trouve bloquée par l'opposition de la Russie et de la Chine, solidaires de la Serbie. Au sein de l'UE, 5 États sur 28 refusent toujours de le reconnaître (l'Espagne, la Grèce, Chypre, la Roumanie et la Slovaquie). Certes, le Kosovo a été admis en 2014 au Comité International Olympique (CIO) et en 2016 à l'UEFA et comme observateur au sein de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Il n'est cependant pas parvenu à se faire reconnaître ni comme membre de l'UNESCO ni du Conseil de l'Europe, ni d’Interpol, échecs que le pays attribue aux manœuvres d’obstruction de la Serbie.
Sous perfusion financière internationale, et malgré les parrainages européen et américain, l’État qui n'est toujours pas fonctionnel est gangrené par la corruption. Il demeure, avec un PIB par habitant de 3 200 € et un taux de chômage officiel (sous-estimé) de 28 %, une poche de pauvreté et d'émigration. La partie nord du pays, au delà de la rivière Ibar, peuplée de Serbes, échappe toujours au gouvernement de Pristina. Elle constitue ainsi une « zone grise ». Par ailleurs, plusieurs de ses dirigeants ont été inculpés pour crimes de guerre. Des tensions entre Kosovars et Serbes sont toujours palpables. Plusieurs accords ont été signés avec la Serbie, sous l'égide de l'UE, dans différents domaines touchant à la vie quotidienne des habitants. Un accord a enfin abouti sur la délimitation de la frontière avec le Monténégro voisin en février 2018. Le Kosovo a vu lors de l'élection législative d'octobre 2019 la victoire inattendue de l'opposition et l'éviction de la coalition au pouvoir depuis dix ans, issue de l'Armée de libération du Kosovo (UCK). Reste à savoir si cette alternance va permettre d'améliorer les relations avec la Serbie et de poursuivre la normalisation.
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Sur le plan international, l'indépendance du Kosovo a marqué un tournant dans les relations entre les puissances occidentales et la Russie, dont la Géorgie et l'Ukraine ont été les victimes : la Russie a décidé de reconnaître unilatéralement les indépendances de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, puis d'annexer la Crimée et de soutenir les séparatistes du Donbass. Le 1er juin 2019, le Kosovo et l'Albanie ont supprimé l'ensemble des barrières douanières entre les deux pays. Le geste est présenté comme un signe d'intégration régionale, préalable à l'intégration communautaire. La Serbie dénonce la création d'une « Grande Albanie », alors que Pristina avait décidé en novembre 2018 d'augmenter de 100 % les taxes de douane sur les produits en provenance de Serbie et de Bosnie-Herzégovine. Cet acte, en violation avec l'accord de libre-échange centre-européen (ALECE ou CEFTA en anglais), se voulait une réplique à l'échec du Kosovo d'intégrer Interpol, conséquence d'une campagne de sape menée par la Serbie... Ces développements récents montrent l'ampleur des rancœurs qui persistent entre les pays de la région.
Le nouveau gouvernement de Pristina a fait un geste en direction de Belgrade en supprimant le 15 mars les taxes de 100 % qui avaient été imposées aux importations serbes. Cette décision va dans le sens des recommandations européennes et américaines pour favoriser une reprise du dialogue bilatéral en vue d’une normalisation des relations. Le Premier ministre a appelé une nouvelle fois l’ensemble des États de l’UE à reconnaître le Kosovo comme État indépendant. Suite à la rétraction de 15 États depuis octobre 2017, l’indépendance du Kosovo n’est plus reconnue que par 94 États membres de l’ONU sur 195.
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Les contentieux bilatéraux sont toujours nombreux dans les Balkans même si on constate un apaisement et des avancées notables dans la normalisation des relations. La résolution de ces contentieux est une condition d'adhésion à l'UE... Mais elle peut être aussi un facteur de blocage des négociations si un État membre pose pour condition la résolution d'un des contentieux pour ouvrir un nouveau chapitre. La Croatie l'a déjà fait avec la Serbie en 2016-17 et pourrait faire de même avec le Monténégro. En attendant une adhésion à l'UE, plusieurs États de la région, sous la houlette de la Serbie, ont annoncé en octobre 2019 leur intention de mettre en place d'ici 2021 une zone de libre-échange et de libre-circulation, afin de favoriser échanges économiques et mobilités. Ceci constituerait un signal fort en matière de normalisation des relations bilatérales et une préparation concrète à une future entrée dans l'espace Schengen.
Le Brexit, l’aboutissement des négociations d’adhésion en cours et l’intégration des derniers États des Balkans dessinerait donc à terme une Union européenne à 33 membres à l'horizon 2030-2035.
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2.3. Le cas de la Turquie
Va-t-on vers un retrait pur et simple de la candidature de la Turquie ? La Turquie, candidate depuis 1987, a été reconnue en 1999 et a vu ses négociations d'adhésion démarrer seulement en 2005. La chancelière allemande a déclaré que la Turquie n'avait jamais été aussi loin d'une adhésion, suite aux propos tenus par son Président Recep Tayyip Erdogan, traitant plusieurs gouvernements européens de fascistes et de nazis. Le Parlement européen a préconisé en novembre 2016 le gel des négociations d'adhésion. Le ministre turc des affaires étrangères a par ailleurs été interdit d'atterrissage aux Pays-Bas en mars 2017.
Le Président français Emmanuel Macron a déclaré le 5 janvier a l'occasion de la visite en France du président turc Erdogan : « il est clair que les évolutions récentes et les choix de la Turquie ne permettent aucune avancée du processus engagé » Il ajoute qu’il faut « en finir avec l'hypocrisie qui consiste à penser qu'une progression naturelle vers l'ouverture de nouveaux chapitres de négociation est possible » ; il demande aussi à « repenser cette relation non pas dans le cadre du processus d'intégration mais d'une coopération, d'un partenariat » tout en veillant à « préserver l'ancrage de la Turquie et du peuple turc en Europe ». Erdogan a rejeté cette offre alternative à l'adhésion : « cela fait maintenant 54 ans que la Turquie attend dans l'antichambre de l'UE. Aucun autre pays n'a été traité de la sorte. » D'autres responsables européens ont également manifesté leur scepticisme : Jean-Claude Junker, président de la Commission a déclaré en août 2017 : « La Turquie s'éloigne à pas de géants de l'Europe » ; Angela Merkel, chancelière allemande, est favorable à l'arrêt des négociations.
Les arguments pour et contre l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne
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Les relations de ce pays avec l'Union européenne n'ont cessé de se dégrader depuis plusieurs années. D'un côté, la Turquie est le candidat qui suscite le plus de réticences voire d'opposition au sein des opinions publiques et des responsables politiques européens. D'un autre, la non-application par la Turquie de conditions préalables demandées pour la poursuite des négociations d'adhésion (notamment au sujet de Chypre) et la dérive autoritaire du régime d’Erdogan expliquent que les négociations piétinent, en dépit de l'ouverture symbolique d'un nouveau chapitre de négociation en décembre 2015. Le fait est que si 16 chapitres ont déjà été ouverts, 14 demeurent gelés, et un seul a été temporairement clos. Il faut l'unanimité des États membres pour ouvrir, clore ou dégeler un chapitre, or plusieurs ont mis leur veto.
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Le président Erdogan a organisé en avril 2017 un référendum constitutionnel supprimant le poste de Premier ministre et transférant l'ensemble du pouvoir exécutif au Président. Le OUI l'a remporté à une faible majorité (51,4 %) mais la géographie du vote traduit l'attitude différenciée des citoyens turcs à l'égard de la politique menée par leur président. On constate en effet de profonds écarts d'une province à l'autre entre forte adhésion (oui à plus de 81,7 % dans la province de Bayburt et un fort rejet (non à 80,4 % dans la province de Tunceli). Le oui l'a largement emporté dans le centre de l'Anatolie, les petites villes et zones rurales traditionalistes qui constituent la base de l'électorat d'Erdogan. En revanche, on note une importante opposition en Thrace (Turquie d'Europe), dans les deux métropoles, sur les littoraux et dans l'est kurde, régions dont l'économie repose sur l'ouverture du pays sur le monde (frontière de l'UE, échanges économiques, flux touristiques). Les zones kurdes sont un bastion de l'opposition au président.
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>>> Pour compléter, voir : Matthieu Gosse, « Paysage d’urbicide, la destruction de la vieille ville de Diyarbakir (Sud-Est de la Turquie) », image à la une de Géoconfluences, janvier 2018. |
La Turquie, qui avait dans les années 2000 défini une politique étrangère dite « zéro problème avec les voisins » se retrouve aujourd'hui en froid voire en contentieux avec la plupart de ses voisins immédiats. L'accord signé avec l'UE au sujet des migrants n'a pas résolu le problème posé par la présence de ceux-ci dans les Balkans et les hot spots de la mer Egée. La Turquie menace de laisser passer les migrants souhaitant rejoindre l'UE, ce qui est considéré comme un chantage inacceptable par les responsables européens. La Turquie s'est en revanche rapprochée la Russie de Poutine, dont elle semble s'inspirer au plan politique. Une série de déclarations du président Erdogan sur les « frontières du cœur » de la Turquie, faisant référence au passé ottoman et au territoires qui en faisaient partie, ont soulevé une cascade de protestations de la part de la Grèce et de la Bulgarie, qui y voient une remise en cause de leurs frontières.
L’intervention militaire turque dans le nord de la Syrie depuis le 9 octobre 2019, officiellement pour sécuriser sa frontière et désarmer les milices kurdes, lui a permis de placer sous son contrôle une bande d’une trentaine de kilomètres au sud de sa frontière. En décembre, l’annonce par Erdogan de la signature d’un accord avec le gouvernement libyen, rendant possible un déploiement militaire turc sur place, inquiète les Européens. De surcroît, l’accord de délimitation réciproque de la limite commune du plateau continental en Méditerranée signé fin novembre 2019 mécontente fortement la Grèce et Chypre qui s’estiment lésées et mises devant un fait accompli. La décision de la Turquie de laisser passer les migrants actuellement sur son territoire vers les frontières de l’UE a provoqué en mars 2020 une hausse des tentatives de franchissement aussi bien par voie terrestre que maritime. Des renforts de gardes-frontières ont dû être déployés à la demande la Grèce. La décision turque constitue du point de vue des Européens une violation de l’accord passé en 2016. La Turquie a en outre annoncé son intention d’établir une base navale dans le nord de Chypre.
Écarts de richesse en Turquie
Source : Turkstat. Pascal Orcier. Mise à jour : décembre 2017 |
Conséquence ou cause du durcissement du régime, la situation intérieure s'est dégradée, tant sur le plan de l'économie (de 8,8 % en 2011, le taux de croissance est tombé à 3,9 % en 2016 ; la livre turque s'est fortement dépréciée par rapport à l'euro en un an, passant de 0,25 à 0,17 € pour 1 livre) qu'au niveau sécuritaire. Le pays accueille plus de deux millions de réfugiés syriens sur son sol, dans plusieurs camps situés près de la frontière, principalement dans la province de Hatay. Une tentative de putsch a été désamorcée in extremis le 14 juillet 2016, entraînant d'importantes purges au sein de l'armée et de l'administration (arrestations, licenciements de masse). Les condamnations prononcées au mépris des droits de l'homme ont valu à la Turquie des mises en garde du Parlement européen et du Conseil de l'Europe pour non-respect de la Convention des droits de l'homme. Du fait de nouvelles répressions de l'armée turque dans les régions kurdes du sud-est, les deux principaux mouvements kurdes, le PKK et le TAK, ont rompu la trêve au cours de l'été 2015 et repris les hostilités. Plusieurs attentats ont eu lieu, dont le 10 décembre 2016 à Istanbul (44 morts) et le 20 décembre à Kayseri, après plusieurs attentats en début d'année à Ankara, revendiqués par les rebelles kurdes. D'autres attentats ont frappé Istanbul le 1er janvier 2017 et Izmir le 5 janvier, revendiqués cette-fois-ci par les islamistes de Daesch.
2.4. D'autres candidats potentiels à l'Est
À l'Est du continent, entre UE et Russie, plusieurs États du « Partenariat oriental » ont fait part de leur intérêt de rejoindre à terme l'Union européenne, sans que celle-ci ne leur ait proposé, contrairement aux Balkans occidentaux, une perspective d'adhésion. Au contraire, les accords d'association mis en place par l'UE se veulent une alternative à l'adhésion. L'éloignement du cœur historique et politique de l'UE, la fragilité de la démocratie et la complexité des relations avec la Russie expliquent cette réticence à envisager un élargissement encore plus à l'Est. Néanmoins sur place, les gouvernements en place ont été élus sur des programmes de rapprochement stratégique avec l'UE. Ils peuvent aussi compter sur le soutien de leurs voisins immédiats au sein de l'UE : Pologne, Lituanie, Lettonie, Roumanie seraient favorables à l'intégration de leurs voisins orientaux.
L'Ukraine poursuit son rapprochement avec l'UE en tentant de ménager ses citoyens russophones (du moins ceux qui demeurent sous son contrôle, hors des républiques séparatistes du Donbass et de la Crimée sous contrôle russe). La constitution ukrainienne a été modifiée à l'issue d'un vote au parlement en février 2019, stipulant son objectif irrévocable de rejoindre à terme l'UE et l'OTAN. L'ex-président ukrainien Petro Porochenko avait annoncé le lancement de réformes en vue d'une déclaration de candidature à l'UE en 2024. Il n'a cependant pas été réélu en avril 2019 et son successeur a pour priorité de normaliser la situation à l'Est et d'appaiser les relations avec la Russie. L'Ukraine dispose d’un vice-ministre en charge de l’intégration euro-atlantique. Elle peut compter sur le soutien des États du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie). En revanche, les autres États ne paraissent guère pressés ni enthousiastes d’envisager cette hypothèse, tant les enjeux financiers (le montant des aides et transferts), économiques (les réformes structurelles nécessaires, la situation sociale) et politiques (les relations avec la Russie) seraient considérables.
La Moldavie avait l'intention de déposer sa candidature au premier trimestre 2019 durant la présidence tournante du Conseil par la Roumanie, son principal soutien au sein de l'UE. Celle-ci a repoussé sa démarche, l'estimant prématurée. Surtout, son incapacité à disposer d’une majorité durable au parlement et la chute des gouvernements successifs traduisent l’instabilité politique du pays.
La Géorgie a vu l'arrivée à sa tête en décembre 2018 de l'ancienne diplomate française Salomé Zourabichvili. Celle-ci a déclaré le 17 février 2019 avoir été élue en tant qu'européenne et a fixé pour objectif de son mandat de toute mettre en œuvre en vue d'intégrer l'UE et l'OTAN. « Il n'y a pas d'autre perspective pour la Géorgie. (…) L'Europe c'est la voie que doit emprunter la Géorgie à présent. » Elle a conscience toutefois que le choix de la Géorgie pèse peu dans les considérations globales qui déterminent le regard de l'UE sur son pays.
L'UE peut-elle dire non à ces pays dès lors qu'ils répondront aux critères de Copenhague ? Plusieurs facteurs interviennent, outre la situation de retard économique général de la région (qui n'est pas en soi un critère) :
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Afin de reprendre l’initiative face aux pressions répétées exercées par Moscou, le Parlement européen a appelé en avril 2020 à la création d'un nouvel espace économique commun entre l'UE et les pays du partenariat oriental. Celui-ci pourrait concerner l’Union européenne de l’énergie, des transports et du marché numérique unique par étapes. Plusieurs États participent déjà, comme la Turquie et les pays des Balkans, au programme d’échange scolaire et universitaire Erasmus.
2.5. Candidats en sommeil à l'Ouest
Adhérer à l'Union européenne n'est en aucun cas une obligation pour les États du continent, plusieurs d'entre eux ont choisi de rester pour l'instant en dehors.
L'Islande a retiré officiellement sa candidature le 12 mars 2015. Celle-ci était gelée depuis l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle coalition fin avril 2013, qui avait décidé de suspendre les négociations d’adhésion. Le pays, qui avait déposé sa candidature en 2009 avançait jusqu'alors rapidement dans les négociations d'adhésion. Étant un ancien pays du bloc de l'ouest à l'identité européenne incontestée, l'Islande ne soulevait pas de problème dans des opinions européennes lassées par l'élargissement. Peuplée de 300 000 habitants, elle bénéficiait du soutien des États nordico-baltiques. Elle avait ouvert rapidement 27 chapitres sur 35 et en avait déjà refermé 11. La reprise économique dont bénéficie le pays, qui avait été frappé de plein fouet par une crise financière sans précédent en 2008, semble avoir affaibli l'attrait d'une éventuelle adhésion. D'autant que les chapitres clés comme l'agriculture et la pêche, sources prévisibles de difficultés avec Bruxelles et synonymes de contraintes, n'avaient pas encore été ouverts. Le camp eurosceptique s'est renforcé dans l'opinion publique islandaise, en lien avec les crises et plans de sauvetage mis en place dans plusieurs pays de la zone euro. Le premier ministre islandais a estimé que l’intérêt de l’Islande était de rester en dehors de l’UE, avec laquelle elle réalise néanmoins 60 % de ses échanges économiques (contre 11 % pour l’AELE).
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Elle rejoint ainsi la Suisse et la Norvège, autrefois candidates, et qui n'envisagent plus pour l'instant une adhésion après les refus de leur population par référendum en 1992 et 1994 respectivement. Ces deux États, dont les revenus sont nettement supérieurs à la moyenne de l'UE ont signé des accords bilatéraux avec l'UE et participent de fait à certains dispositifs, mais pas à l'union douanière. Il existe des clivages forts au sein de la population sur la question de l'adhésion : en Suisse, les cantons urbains et frontaliers, y sont plutôt favorables, voire très favorables, tandis que les cantons ruraux à l'intérieur du pays, plus conservateurs, y sont hostiles ; en Norvège, c'est le sud du pays et la région d'Oslo la capitale, les plus proches spatialement du cœur du continent qui y sont favorables. Plus on va vers le nord et moins les électeurs y sont favorables. Les activités pétrolières et piscicoles y génèrent des revenus confortables, rendant l'adhésion à l'UE moins attractive, voire incompatible avec des intérêts économiques locaux.
Tant que la Norvège y trouve son compte sur le plan économique, elle n'a pas de raison d'envisager un nouveau référendum. Lors des précédents, cela avait généré des tensions au sein des familles et de la société norvégiennes, ce que nul ne souhaite à nouveau dans le pays.
Grâce à de nombreux accords et coopérations, ces trois États sont néanmoins très intégrés aux politiques communautaires dont ils ont intégré de nombreuses normes. Ils bénéficient – sauf exceptions pour la Suisse – des quatre libertés, à savoir la libre circulation des personnes, des biens, des marchandises et des capitaux et sont par ailleurs inclus dans l'aire couverte par la carte européenne d'assurance maladie.
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Un élargissement à ces trois États ne poserait pas de difficulté majeure sur le plan technique aux États actuels ni aux opinions publiques. L'Union européenne gagnerait quant à elle à accueillir ces États disposant de revenus et de niveaux de vie nettement supérieurs à la moyenne communautaire, et qui se trouveraient contributeurs nets au budget.
De façon anecdotique, un référendum a eu lieu à Saint Marin en 2013 sur l'ouverture d'une procédure d'adhésion, qui a obtenu un vote positif à 46,5 % mais qui a été invalidé par un taux de participation insuffisant (20 %). Un accord d'association est en cours de négociation entre d'une part l'UE, d'autre part les gouvernements d'Andorre, Monaco et Saint-Marin, qui devrait aboutir fin 2019. Un accord sur la libre-circulation des marchandises a déjà été conclu en 2018 avec l'Andorre, avec une période de transition inédite de... trente ans concernant le tabac (qui représente 25 % des recettes de la principauté). Si des accords de coopération fiscale ont déjà été conclus, la question de la libre-circulation des personnes fait peur en Andorre, qui craint pour le maintien de son identité et de sa cohésion. Les trois États font partie de l'Union douanière européenne. La question de leur éventuelle admission à l'UE en tant qu'États souverains pose une question de sens, au regard de leur petite taille.
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Le Vatican ne remplit pas le critère de Copenhague concernant la démocratie.
2.6. Quels scénarios possibles ?
Jean-Claude Junker, président de la Commission, avait annoncé au moment de sa prise de fonction en 2014 que l'Union n’intégrerait aucun nouveau membre durant son mandat ; promesse qui ne lui coûtait guère étant donné qu'aucun État n'était techniquement en mesure de le faire. Il a en revanche le 6 février 2018 indiqué deux perspectives d'élargissement. Le premier serait à l'horizon 2025 pour la Serbie et le Monténégro, États actuellement en négociations. Le second horizon est 2030 pour l'Albanie et la Macédoine du Nord. Cette double perspective reste conditionnée par la bonne marche du processus, l'absence de blocage tant de la part des États concernés que d'un État membre. Cet élargissement porterait à 29 le nombre de membres de l'UE en 2025 et allongerait de 250 km les frontières de l'UE. En 2030, le nombre de membres serait de 31 mais les frontières se trouveraient cette fois réduites de 1 050 km en raison de la suppression de l'enclave formée par l'Albanie-Macédoine du Nord. En raison de retard dans le processus, la Commission n'a avancé aucune date concernant la Bosnie-Herzégovine (candidature en cours d'examen) et le Kosovo (pas de candidature), sans que cela les exclue du second horizon d'élargissement.
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Les élargissements successifs ont soulevé depuis longtemps la question des frontières ultimes de l'UE. Existent-elles ? Y a-il des frontières « acceptables » ? possibles ? Plusieurs scénarios ont été envisagés, notamment par Michel Foucher, et qui peuvent être actualisés.
Scénario 1 : Un éclatement de l'UE ?
Confrontée depuis plusieurs années à la montée des courants populistes, eurosceptiques et europhobes, l'UE fait l'objet de critiques récurrentes sur sa bureaucratie, son inefficacité, sa destruction des souverainetés. Plusieurs régions font sécession sous la pression de nationalismes régionaux, tandis que plusieurs gouvernements décident de quitter l'Union au regard des crises qui affectent la zone euro. Pour autant, assisterait-on à un retour inévitable des frontières ou bien définirait-on de nouvelles modalités d'association « régionales » au nombre de membres réduit ? La crise du Covid-19 au printemps 2020 a vu le retour des frontières nationales comme dispositif de filtrage et de protection (présumé) contre l’épidémie. À l’exception de l’Irlande, de la Suède, de la Lettonie et des Pays-Bas, les États-membres ont rétabli des contrôles ou fermé leurs frontières à l’entrée comme à la sortie. La Commission a pour sa part décidé de la fermeture pour 30 jours des frontières extérieures de l’UE et de Schengen.
Scénario 2 : Statu quo, arrêt de l'élargissement
Prenant acte de la lassitude de l'élargissement et des faibles progrès enregistrés chez des États candidats, l'Union met fin aux négociations d'adhésion en cours. Elle se concentre sur son seul territoire, instaure une union à plusieurs vitesses et trouve un accord politique avec le Royaume-Uni.
Scénario 3 : intégration des Balkans
Soucieuse d'éviter de nouvelles crises en Europe du sud-est et une reprise de la route migratoire des Balkans, l'UE compense le départ du Royaume-Uni par un effort en direction de cette région qui s'était vu reconnaître en 2003 une « vocation » à rejoindre l'UE. De 27, l'Union passerait ainsi à 33 en n'intégrant que dix millions d'habitants supplémentaires et des États en déclin démographique. Elle supprime ainsi une enclave dans son territoire et 2 660 kilomètres de frontières terrestres à surveiller au titre des frontières extérieures.
Scénario 4 : la poursuite de l'élargissement à l'est ?
Si l'intégration des États des Balkans est plus ou moins acceptée et validée, la poursuite de l'élargissement vers l'Est l'est beaucoup moins au sein des grands États d'Europe de l'Ouest. Il est en revanche encouragé par les États de l'UE dont ils sont voisins, et qui se verraient bien en « parrains » de leurs actuels voisins. États baltes, Pologne, Roumanie voient d'un bon œil le rapprochement européen de l'Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie, avec lesquelles des intérêts commerciaux existent, en plus de l'idée de les extraire définitivement de l'orbite russe.
Scénario 5 : « Tout sauf la Russie ? »
C'est le scénario rêvé de certains décideurs à Washington au cours des années 2000 : une UE qui se calquerait sur l'OTAN et qui s'élargirait jusqu'aux frontières de la Russie, privant définitivement celle-ci d'une influence sur les affaires européennes. Sur le plan fonctionnel, cela assurerait à l'UE un accès à la Caspienne et à ses hydrocarbures. Ce scénario serait inacceptable pour la Russie et assez difficilement envisageable au regard des régimes en place en Biélorussie et en Azerbaïdjan...
Scénario 6 : L'Europe de l'Atlantique à Vladivostok ?
Une grande Europe calquée sur le périmètre actuel du Conseil de l'Europe ou de l'OSCE renvoie à la célèbre phrase de Charles de Gaulle sur « l'Europe de l'Atlantique à l'Oural ». L'UE changerait de nature et d'échelle, devenant « eurasiatique » bien que demeurant de peuplement européen majoritaire. La Russie inquiète de l'élargissement annoncé de l'OTAN avait proposé en 2002 la création d'un Conseil OTAN-Russie, faisant valoir les intérêts communs au plan sécuritaire. La dimension « civilisationnelle chrétienne » d'un tel ensemble face à la Chine et au monde musulman n'en est sans doute pas absente.
>>> Du même auteur, voir aussi : Pascal Orcier, « Frontières et territoires frontaliers en Europe : une visite guidée », Géoconfluences, février 2019. |
2.7. Mesurer « l'intégration européenne »
« L'intégration européenne » est une expression devenue fourre-tout. Elle sous-tend un renforcement des liens entre États à travers des coopérations et des échanges. Elle est aussi l'objectif politique des États candidats à l'UE. Or à l'heure où est de plus en plus évoquée l'idée d'une « Europe à plusieurs vitesses », comment mesurer ce degré d'intégration ? Les trois cartes ci-dessous proposent trois lectures, non exhaustives. Elles envisagent d'une part l'intégration au sein de l'Union européenne, d'autre part, l'intégration européenne dans un sens plus large, au sens des institutions continentales et des institutions occidentales.
Tout d'abord, au sein de l'Union européenne, si l'on considère les échanges commerciaux, on observe d'importants écarts entre États-membres, avec une part des échanges intra-communautaires variant de 83 % (Slovaquie) à seulement 44 % pour le Royaume-Uni. Plusieurs facteurs peuvent intervenir pour expliquer ces écarts : on constate tout d'abord que les États dépourvus d'accès à la mer, par conséquent tributaires de leurs voisins communautaires pour acheminer les marchandises ont les taux les plus élevés. À l'inverse, les États insulaires (Malte, Royaume-Uni) ou limitrophes d’États non-communautaires bénéficiant d'un dynamisme économique (Suède, Finlande, Grèce) ont des taux plus faibles. En effet, la Norvège, la Turquie figurent parmi les premiers partenaires commerciaux de l'UE, et bénéficient d'accords de libre-échange. On constate toutefois que les États communautaires de la frontière orientale ont paradoxalement des taux de commerce intra-communautaire très élevés (pays baltes, Pologne, Roumanie). Cela peut être mis sur le compte de relations régulièrement tendues avec la Russie, avec laquelle les échanges économiques sont pénalisés par des sanctions européennes, voire d'une volonté délibérée de privilégier les échanges avec les partenaires européens en dépit de ce voisinage. La plus grande faiblesse des économies balkaniques et ukrainienne peut être aussi un élément d'explication du renforcement de cet « effet frontière ». La seconde carte a été réalisée en superposant cinq données, la participation ou non des États aux principaux programmes ou structures de coopération communautaires, permettant de les discriminer. D'autres auraient pu cependant être retenus. On constate l'existence d'un « noyau dur » constitué des six membres fondateurs de la CEE élargis à la péninsule ibérique, la Grèce et – on y pense moins - les États baltes. Une seconde catégorie se détache, bien intégrée, en Europe centrale. On remarque enfin que des États des périphéries nord et est se révèlent moins intégrés : soit que l'entrée dans l'UE soit encore récente et incomplète (Roumanie, Bulgarie et Croatie), soit qu'il y existe des courants eurosceptiques (Suède, et surtout Royaume-Uni) qui ont freiné l'intégration. On voit donc clairement les États les plus engagés dans l'intégration (politique, économique, militaire) et ceux qui y sont moins favorables. L'Union européenne n'étant pas l'unique structure d'intégration à l'échelle continentale, il peut apparaître pertinent d'élargir le champ des données relatives à la notion d'intégration du fait de la multiplicité et de la diversité des coopérations à l'œuvre à l'échelle du continent. La carte réalisée combine trente structures et organismes de coopération à partir desquels a été conçu l'indice d'intégration ici proposé, allant de 0 (absence d'intégration) à 15 (fortement intégré). Politiques, militaires, économiques, universitaires, sectorielles, ces structures participent à l'établissement d'une Europe des coopérations à géométrie variable, qui révèle néanmoins des constantes : un groupe de tête de pays d'Europe de l'Ouest, à l'initiative de la plupart des coopérations, apparaît comme fortement intégré, tandis que l'Europe centrale et orientale l'est à un degré moindre, l'Europe du sud-est encore moins. La fracture est nette avec l'aire post-soviétique. |
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Bilan : Union européenne versus Europe
L'Union européenne est donc une association à vocation continentale. Toutefois, ses frontières ne se calquent pas sur les limites conventionnelles du continent et ne doivent pas être confondues avec elles. Les frontières sont des limites politiques, consécutives de choix et de rapports de forces historiques, et n'ont rien de naturel. Si l'Union européenne est centrée sur le continent européen conventionnel, elle n'en est ni prisonnière, ni réductible à ce continent. On peut relever plusieurs zones de non-coïncidence entre le continent et l'organisation politique régionale :
- Chypre, île située dans l'est du bassin méditerranéen est conventionnellement rattachée à l'Asie, mais culturellement à l'Europe du fait de son peuplement et de son histoire.
- les villes (présides) espagnoles de Ceuta et Melilla sont situées sur le continent africain, où elles constituent des enclaves européennes en territoire marocain, depuis le XVIe siècle.
- surtout, plusieurs territoires faisant partie de l'Union européenne sont situés outre-mer. Il s'agit de territoires relevant d'États membres de l'Union européenne : France, Pays-Bas, Espagne, Portugal et Danemark. La moitié se trouve dans la zone caraïbe, à plus de 3 000 km du continent européen. On distingue cependant les Régions ultra-périphériques (RUP), qui font partie intégrante de l'UE, au nombre de 9 ; et les Pays et Territoires d'Outre-Mer (PTOM), au nombre de 13, qui n'en font pas partie mais lui sont associés. Leurs habitants votent aux élections européennes en tant que citoyens d'un État de l'UE.
Ces territoires ultra-marins sont susceptibles de voir leur statut évoluer, ainsi que la nature de leurs relations avec leur métropole et l'UE. Certains sont engagées dans un processus d'émancipation et d'autonomisation, voire d'une possible indépendance (Nouvelle-Calédonie), d'autres, en vertu d'évolutions statutaires pourraient décider de faire partie de l'Union : c'est le cas de trois îles néerlandaises des Antilles – Bonnaire, Sint Eustatius (Saint Eustache) et Saba – qui faisaient précédemment partie de la Fédération des Antilles néerlandaises.
Complément 5 : Et le Groenland ?
Territoire sous souveraineté danoise, le Groenland fait partie sur le plan physique du continent nord-américain. Il a adhéré à la CEE en 1973 en même temps que le Danemark, bien que sa population se soit prononcée contre cette adhésion lors du référendum organisé en 1972. A cette époque, contrairement aux îles Féroé, autre territoire danois, le Groenland ne disposait pas d’un statut d’autonomie qui lui aurait permis de rester en dehors. Il a donc engagé des négociations avec Copenhague à cette fin et l’a obtenu en 1980. Sa sortie effective de la CEE a eu lieu en 1985. Cette autonomie a été renforcée en 2011 et le territoire de 55 000 habitants majoritairement groenlandais caresse l’idée d’indépendance. Les richesses minières et les hydrocarbures de son sous-sol lui donneraient les moyens financiers de se passer de la dotation annuelle de Copenhague. Mais à quel coût environnemental et humain ? De fait, le Groenland est couvert par la plupart des accords européens mais dispose de ses propres lois hors les compétences régaliennes conservées par le Danemark (Défense, monnaie, diplomatie…). |
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Complément 6 : Catalogne, Flandre… Faire sécession au sein de l’Union européenne ?
Les velléités indépendantistes qui agitent depuis plusieurs années certaines régions favorisées des États de l’Union posent la question du statut qu’auraient ces territoires vis-à-vis de l’Union européenne s’ils faisaient sécession. Devraient-ils s’engager dans le processus « normal » de candidature ? Deviendraient-ils automatiquement membres en devenant indépendants ? Le fait est que les traités restent flous sur la question, qui ne s’est jamais présentée. La séparation de velours entre République tchèque et Slovaquie est intervenue avant que ces deux États ne se portent candidats à l’UE, tout comme les successions d’États en ex-Yougoslavie. Si cela devait se produire, la logique serait la suivante : un territoire qui ferait sécession et se proclamerait indépendant devrait avoir auparavant négocié un accord avec l’État dont il se sépare pour être reconnu et accepté par l’UE. Toute décision unilatérale d’indépendance serait sanctionnée par une exclusion de fait (établissement de contrôles aux frontières, mise en place d’un régime douanier…), et le nouvel État exposé à un refus de reconnaissance internationale de la part d’un ou plusieurs États membres. Or c’est à l’unanimité des États membres que se prend la décision d’ouvrir des négociations d’adhésion !
3. Zoom sur la zone euro
L’euro est la monnaie commune de 345 millions d’Européens et compte plusieurs centaines de millions d’utilisateurs réguliers ou occasionnels en Europe et dans le monde. Elle est à la fois monnaie de change et de paiement internationale, monnaie de réserve et monnaie d’émission de titres.
Le 1er janvier 2015, la Lituanie est devenue le 19e État membre de la zone euro. L'adoption de l'euro par les nouveaux États membres est prévue par les traités d'adhésion sans qu'une date soit fixée. Le Brexit a renforcé le poids de la zone euro au sein de l’Union européenne, dont elle concentre désormais 86 % du PIB et 77 % de la population. Elle dépend des critères de convergence fixés par le Traité de Maastricht en 1992 (voir l'entrée Zone euro dans le glossaire), que chaque État doit, en principe, respecter. Le candidat doit en outre participer pendant deux ans au Mécanisme européen de change (MCE II) et à l'Union bancaire.
La modification du dessin des pièces décidée en 2007 devait permettre d’actualiser la situation de la zone euro représentée sur le motif initial de 1999. En effet, seuls les États de « l’Europe des 15 » issue du dernier élargissement de 1995 étaient représentés. Le grand élargissement de 2004 et sa poursuite annoncée ont incité les autorités européennes à revoir le dessin pour acter l’intégration. Le choix a été fait de représenter le continent européen, sans les frontières des États. Cette décision présente l’avantage de ne pas nécessiter de mise à jour ultérieure de la carte au gré des adhésions. On peut toutefois s’interroger par rapport au fait que le nouveau dessin inclut les territoires d’États qui ne sont pas candidats (Norvège, Suisse, Islande, Biélorussie, Ukraine), mais fait disparaître la Turquie, qui est officiellement candidate. Celle-ci avait d’ailleurs protesté en découvrant le nouveau visuel. La représentation choisie serait-elle alors celle de « l’Europe ultime », dans les frontières du « scénario géoculturel » ? La décision des autorités monétaires est indépendante de la Commission. Suite à l'entrée en 2007 dans l'UE de la Bulgarie, qui utilise l'alphabet cyrillique, et en prévision de futurs élargissements, les nouveaux billets de banque introduits depuis 2007 portent les initiales de la Banque Centrale Européenne dans cet alphabet, ainsi que le nom de la monnaie en cyrillique (EBPO), qui s’ajoute à l’alphabet latin (EURO) et grec (EYPΩ).
Les symboles de l'Union européenne sur un billet de 20 euros
Source : Banque de France, « Les caractéristiques des billets et des pièces en euro ». La BCE propose également des ressources pédagogiques téléchargeable et notamment une abondante photothèque. |
Trois États se distinguent par leur volonté d'adopter la monnaie commune : la Croatie, la Bulgarie et la Roumanie. Ce sont aussi les derniers pays à avoir rejoint l'UE.
La Bulgarie et la Croatie ont rejoint officiellement le MCE2, antichambre de l’euro en juillet 2020. La BCE a également fixé les taux de change de base pour les deux monnaies nationales : 7,5345 par euro pour la kuna et 1,95583 pour le lev, avec un écart maximum d'environ 15 %. Les deux États avaient au préalable rejoint l’Union bancaire. Cette décision traduit un renforcement de la procédure d'adoption de l'euro, après les dysfonctionnements observés au cours de la dernière décennie (crise financières et scandales de corruption bancaire dans plusieurs pays) ayant entraîné une fragilisation de la zone euro. En Bulgarie, une consultation nationale a été effectuée fin juin 2018 qui a permis de choisir le motif qui figurera sur les faces nationales des futures pièces : les Bulgares ont choisi le chevalier de Madara, qui figure sur les pièces actuelles de la monnaie nationale, le lev, qui est rattaché à l'euro par une parité fixe (absence de fluctuation).
La Bulgarie et la Croatie visent une adoption de l'euro en 2023. La Présidente de la République de Roumanie, pour sa part, a annoncé le 30 janvier 2019 le lancement d'un plan en vue d'adopter l'euro en 2024. Ces trois États figurent parmi les plus pauvres de l'Union européenne et doivent poursuivre leur rattrapage économique pour se rapprocher davantage de la moyenne de la zone euro. La Commission européenne voit dans ces démarches un moyen de relancer l'attractivité de la zone euro, alors que les autres États d'Europe centrale et orientale ne manifestent pas d'intérêt immédiat pour une adoption de l'euro.
En effet, les autres États d’Europe centrale et orientale n’ont pas fixé de date pour une adoption et ont préféré pour l’instant conserver leur monnaie afin de rester rester compétitifs dans le contexte de la crise financière. Leur monnaie nationale leur permettait de disposer d’un outil financier pour relancer leurs économies, au moment même où la zone euro connaissait une faible croissance et que plusieurs de ses membres étaient en difficulté financière structurelle. Hongrie et République tchèque ont ainsi repoussé leur adhésion à l’euro en arguant de la perte de dynamisme économique que cela occasionnerait et des coûts engendrés par le passage à l’euro. La Pologne a évoqué la nécessité pour la zone euro de se renforcer avant que son pays envisage d’y adhérer. Le fait est que les pays situés en dehors de la zone euro enregistrent selon Eurostat des taux de croissance plus élevés. D’un autre côté, les événements de Crimée et du Donbass ont ravivé des craintes autour de la sécurité, y compris monétaire, dans la région.
Les opinions publiques ne sont pas toujours favorables à une adoption en raison de la crainte d’une hausse des prix, alors même que nombre de particuliers disposent d’économies en euro et que les banques centrales utilisent l’euro comme monnaie de réserve. L’accroissement de la mobilité des citoyens les pousse à utiliser l’euro aussi bien dans les voyages d’affaires et les séjours de loisirs ; l’euro est en outre accepté comme monnaie de paiement dans de nombreux hôtels. De manière symbolique, la monnaie nationale reste aussi un symbole fort de l’indépendance nationale, en particulier dans les jeunes États (la Croatie n’a que 25 ans d’existence en tant qu’État). Selon l'enquête Eurobaromètre réalisée en avril 2019, les opinions publiques sont divisées dans les États concernés par l'adoption de l'euro. |
Les opinions publiques et l'adoption de l'euro
Source : enquêtes Eurobaromètre avril 2019 EB 479 |
De son côté, la Suède a gelé son processus d'adhésion après le vote négatif des électeurs lors du référendum de 2003. Le débat sur l’adoption de l’euro a cependant été relancé dans le pays au début de l’année 2020. Certes la Suède a bénéficié économiquement de disposer de sa propre monnaie, mais des économistes suédois estiment que face à la concurrence américaine et chinoise, la position du pays devrait être réévaluée.
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En Suède, en septembre 2003, à l'issue d'un référendum ayant recueilli 82,6 % de participation, le non l'emporte avec 55,9% des suffrages exprimés. La couronne suédoise reste la monnaie du pays, 1€ valant environ 10 couronnes. |
Le Danemark bénéficie de l'opting out (clause d'exemption) et n'est pas obligé d'adopter la monnaie unique. Un référendum en 2000 avait vu une majorité de Danois se prononcer contre l’adoption de l’euro. Un nouveau référendum en novembre 2015 a confirmé leur souhait que le Danemark reste en dehors de certaines mesures du Traité de Maastricht en matière de justice, de défense et d’affaires intérieures.
La zone euro au 1er janvier 2021
État des lieux du respect des critères de convergence nécessaire à l’adoption de l’euro (janvier 2021)
En vert : critère rempli ; en rouge : critère non rempli. |
Situation des États de l'UE hors zone euro
Réalisation : P. Orcier |
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L'euro hors de l'UE
Théoriquement, l’appartenance à l’Union européenne est la condition sine qua non de l’appartenance à la zone euro et de l’utilisation de la monnaie unique à titre officiel. Il existe néanmoins quelques cas particuliers.
Quatre micro-États européens non membres de l’UE (Monaco, Saint Marin, le Vatican et Andorre depuis 2014), mais en situation d’union monétaire avec leurs voisins, émettent et utilisent leurs propres pièces en euros. Ces pièces, rares, font le bonheur des collectionneurs mais circulent peu en pratique. Chaque micro-État dispose d’un quota annuel d’émission en accord avec le grand État voisin.
Cette situation est à distinguer de celle du Monténégro et du Kosovo, qui utilisent l’euro sans pouvoir d’émission. Cette situation est la conséquence des guerres en ex-Yougoslavie et de l’embargo imposé à la Serbie. Ces deux territoires qui en faisaient alors partie et qui ont souhaité s’en éloigner avant leur indépendance avaient adopté le Deutschmark comme monnaie. Ils ont donc basculé dans l’euro en 2002 en même temps que le pays de la zone euro. Cela leur a assuré une stabilité monétaire. Mais l’euro fort pénalise leurs exportations, alors qu’ils n’ont aucune prise sur le cours de la monnaie et que leurs économies souffrent d’un retard de compétitivité.
Confrontée à des situations d'urgence et multipliant les sommets européens consacrés à la crise économique, financière et budgétaire qui la fait vaciller, l'UEM a mis en place au printemps 2010 un Fonds européen de stabilisation financière, doté de 500 milliards d'euros, nouvel instrument communautaire de régulation pour venir en aide aux États en grande difficulté. Ce fonds a été renforcé en 2011. La Grèce, l’Irlande et le Portugal ont bénéficié de plans d’aide. De nouvelles règles budgétaires, appelées « pacte fiscal » ont en outre été adoptées par les 27 États et sont entrées en vigueur.
L’euro constitue la seconde monnaie dans les réserves de change mondiales (24 %) derrière le dollar. Plusieurs monnaies lui sont rattachées par un taux de change fixe dans le monde, dont le franc CFA (14 États africains), le dirham marocain, le franc comorien, l’escudo cap-verdien…
Réalisation : Pascal Orcier, 2018. |
Complément 7 : L'euro et les collectivités françaises du Pacifique
Les trois collectivités françaises du Pacifique, Nouvelle Calédonie, Polynésie français et Wallis-et-Futuna utilisent depuis 1946 le Franc CFP, « franc du pacifique », qui dispose comme le Franc CFA d'une parité fixe avec l'euro. La question d'un abandon de cette monnaie au profit de l'euro s'est posée et est techniquement possible.
Une résolution adoptée en 2006 par l’assemblée de la Polynésie française (275 000 habitants) demandait l’introduction de l’euro, en posant trois conditions : le maintien de la parité actuelle franc CFP-euro, l’absence de conséquences sur les compétences de la Polynésie française (notamment sur la compétence fiscale), et une aide de l’État pour financer les coûts liés au passage à l’euro. Les principaux opérateurs économiques y sont également favorables. Wallis-et-Futuna (15 000 habitants) s’est également déclarée favorable à l’euro. Mais en Nouvelle-Calédonie (270 000 habitants), les indépendantistes s’y opposent, en tout cas tant que le référendum sur une éventuelle indépendance prévu en 2018 n’a pas eu lieu. En cas de résultat favorable au maintien au sein de la République, l'adoption pourra être engagée pour les trois collectivités en même temps.
L’introduction de l’euro dans les trois collectivités nécessiterait la mise en œuvre d’une procédure lourde, celle de l’article 219 du Traité de Maastricht : demande formelle des trois collectivités, puis demande de la France, en leur nom, auprès de la Commission européenne, recommandation de la Commission européenne, avis de la BCE, décision du Conseil et, enfin, signature d’une convention monétaire entre l’Union européenne et la France, agissant pour le compte des collectivités. La compétence monétaire serait transférée de la France à l’Union européenne. L’ensemble du processus prendrait au minimum trois ans.
4. Zoom sur l'espace Schengen
4.1. L'Espace Schengen, la libre circulation des personnes
Les États européens et l'espace Schengen : évolutions, situation (état au 1er janvier 2015)
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Réalisations : P. Orcier, décembre 2014, juin 2019
L’espace Schengen compte 26 États membres. Outre 22 États de l’UE sur 27, l’espace Schengen compte quatre États (Suisse, Liechtenstein, Norvège et Islande) qui n’en font pas partie. Les accords de Schengen, signés en 1985 et entrés en application en 1995, prévoyaient la libre circulation des personnes entre les États signataires et la suppression des contrôles systématiques aux frontières terrestres, aériennes et maritimes. En conséquence, tout étranger qui entre, légalement, dans un des pays signataires a le droit de circuler librement dans tout l’espace Schengen. Des contrôles peuvent être rétablis par un État, de façon temporaire sur les seuls motifs de risque d’atteinte à la sécurité nationale, à l’ordre public ou à la santé publique.
Cinq États de l’UE n’en font pas partie. L’Irlande est le seul pays non signataire des accords mais elle participe à certaines dispositions d’échanges d’informations. Elle ne souhaite pas voir sa frontière avec l’Irlande du Nord se renforcer si elle devait adhérer à l’espace Schengen. Le 31 décembre 2020, dans le cadre de la gestion du Brexit, il a été décidé que Gibraltar, territoire britannique, soit intégré à l’espace Schengen. C’est la première adhésion d’un territoire qui ne soit pas un État. L’Espagne aura en charge la surveillance de la frontière maritime du territoire dans le cadre des opérations de l’Agence Frontex.
Autre contexte, Chypre, du fait de la partition de l’île, a un calendrier différé sans échéancier précisément fixé, la limite entre les deux entités n’étant pas reconnue comme frontière. L’établissement de postes frontières sur la Ligne Verte reviendrait à reconnaître l’existence de la République Turque de Chypre du Nord (RTCN). Seule la réunification (en discussion) pourrait en l’état actuel changer les choses.
Le dispositif Schengen a montré ses limites depuis le début de la crise des migrants et est à ce titre critiqué : plusieurs pays ont décidé d'installer des barrières ou de construire des murs à leurs frontières. La Route des Balkans est la plus utilisée par les migrants. Cette situation a relancé la question d'une adhésion de la Roumanie, de la Bulgarie et surtout de la Croatie – devenue de fait un pays de transit – à l'espace Schengen.
La Roumanie, la Bulgarie et la Croatie, derniers pays entrés dans l'UE en 2007 et 2013 sont candidats à l'espace Schengen. Les deux premières attendent depuis plusieurs années une adhésion, sans cesse repoussée par les actuels membres, peu enclins à voir arriver de nouvelles vagues de migrants de ces deux États. En outre, il existe une crainte de voir se mettre en place de nouvelles routes de l’immigration clandestine par ces deux pays : la frontière turco-bulgare est en cours de renforcement par la construction d’un mur d’une trentaine de kilomètres ; la frontière roumano-moldave, sur le fleuve Prout très sinueux, est un haut lieu de la contrebande de cigarettes. La Roumanie a vu ses espoirs douchés une nouvelle fois en mai 2019, la Commission invoquant le défaut d'indépendance de la justice roumaine et d'efficacité de la lutte contre la corruption. Malgré des annonces favorables du Parlement européen, les Pays-Bas ont une nouvelle fois bloqué en juin 2019 l'admission de la Bulgarie dans Schengen en raison d'affaires de corruption concernant la délivrance de passeports bulgares. Selon les derniers rapports de la Commission, les deux pays satisfont néanmoins aux critères techniques en matière de sécurité et de contrôle des frontières. La Croatie envisage pour sa part d'adhérer à l'espace Schengen en 2020, au moment où elle assurera la présidence tournante de l'UE. Elle a reçu le soutien de Jean-Claude Junker, président de la Commission, lors de sa visite en juin 2019, après celui de la chancelière allemande Angela Merkel en mai 2019. En octobre 2019, la Commission a estimé que la Croatie remplissait les conditions d'adhésion. Aucune date n'ait été fixée pour l'instant, la décision relevant des États membres, à l'unanimité.
Au cours des dernières années, la Grèce avait été montrée du doigt pour son incapacité à lutter contre les passages clandestins via la mer Égée et sa frontière terrestre avec la Turquie. Elle a construit un mur anti-immigration de quelques kilomètres sur le segment le plus poreux de sa frontière terrestre avec la Turquie, mais doit faire face aux conséquences des arrivées de réfugiés fuyant la guerre en Syrie.
4.2. Quelle politique européenne en matière de visa ?
Tout État a le droit de fixer les conditions d’entrée et de séjour sur son territoire d’un ressortissant d’un État étranger. Cela fait partie de l’exercice de la souveraineté. Tout individu peut circuler librement à l’intérieur de l’espace Schengen, au sein duquel les contrôles systématiques aux frontières ont été abolis. Ailleurs en Europe, les situations varient.
Les visas Schengen
Source : Système d'information Schengen. Pascal Orcier pour Géoconfluences, décembre 2017. |
L’UE a conclu des accords de facilitation des visas avec 11 pays européens de son voisinage.
Depuis la fin 2010, les citoyens d’Albanie et de Bosnie-Herzégovine sont dispensés de visa pour se rendre dans l’espace Schengen. Cette mesure s’appliquait depuis 2009 aux autres États des Balkans occidentaux. Des négociations sont en cours dans ce sens avec les autorités du Kosovo. Bruxelles avait voulu ainsi récompenser leurs efforts dans la sécurisation de leurs systèmes de contrôles et la mise en place de passeports biométriques. Néanmoins, face à la multiplication des demandes d’asile déposées par des ressortissants des États des Balkans dans plusieurs États ouest-européens, la Commission a menacé de restaurer l’obligation de visa. Un mécanisme dans ce sens a été voté par le Parlement en 2013.
Pour les ressortissants des États de la CEI en revanche, le régime de visa est maintenu, bien qu’assoupli avec la Moldavie. Du fait de l'adhésion des pays baltes, l’oblast russe de Kaliningrad se trouve enclavé dans l’espace Schengen. Les citoyens russes souhaitant s’y rendre par voie terrestre, tout comme les habitants de l’oblast pour aller dans le reste de la Russie, doivent disposer d’un document de transit lituanien. La Russie demande régulièrement la levée du régime de visa avec l’UE. Un accord sur la circulation des populations frontalières est entré en vigueur, qui permet notamment aux habitants de Kaliningrad de se rendre plus facilement dans les régions polonaises et lituaniennes limitrophes, et réciproquement. Il en est de même pour les habitants vivant à proximité des frontières ukraino-polonaise et ukraino-slovaque. Un accord de ce type a été signé avec la Biélorussie mais n’a pas encore été ratifié. Notons enfin que quatre États de la CEI - l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie et l’Arménie – qui sont les plus impliqués dans un rapprochement avec l’UE, dispensent les ressortissants européens communautaires de visa pour des séjours de moins de trois mois.
Les régions et les territoires non européens de l’UE (DROM et COM français, Antilles néerlandaises) ne sont pas couverts par les accords de Schengen, de même que plusieurs territoires européens au statut particulier (Groenland, Héligoland, Svalbard, îles Féroé…).
La politique des visas est révélatrice à la fois de la nature et de l'intensité des relations bilatérales de l'UE avec chaque pays tiers, mais aussi de préoccupations dans le domaine de l'immigration. L'Ukraine a obtenu en juin 2017 la levée des visas pour ses ressortissants, tout comme la Géorgie. Ces deux pays se sont rapprochés de l'Union européenne depuis plusieurs années et Bruxelles a ainsi voulu récompenser leurs efforts en matière de sécurité intérieure. En revanche, la levée des visas pour les ressortissants turcs a été repoussée en raison de blocages persistants dans les négociations d’adhésion et la gestion des flux de migrants.
4.3. Évolutions récentes de la politique des visas et rétablissement des contrôles aux frontières
L’abolition des contrôles aux frontières intérieures de l’Union a reporté cette fonction à ses frontières extérieures, qui font désormais l’objet de contrôles renforcés du fait de l’importance des enjeux migratoires (Méditerranée, frontière orientale). Une politique commune de visas est encouragée et un fichier informatique commun, le Système d’information Schengen (SIS), mutualise les identités des personnes "interdites de territoire". Chaque État peut rétablir, lorsqu'il le veut et le juge nécessaire, des contrôles sur les personnes à ses frontières.
L’Union européenne doit faire face à des drames causés par la disparition en mer Méditerranée de bateaux chargés de migrants en provenance d’Afrique subsaharienne, du Maghreb, du Proche-Orient et de la Corne de l’Afrique, régions secouées par les guerres, crises aigues, violations des droits de l’homme, misère. L’Agence FRONTEX mène des opérations de surveillance et de secours aux frontières extérieures, tandis que le premier sommet européen consacré à la question migratoire a été organisé au printemps de 2015 pour lutter contre les réseaux criminels qui organisent les passages.
Plusieurs États membres de l'espace Schengen ont décidé de rétablir des contrôles à certaines de leurs frontières en 2015-2016, conformément aux dispositifs prévus. Certains comme la France et la Belgique, suite à des attentats terroristes ; d'autres comme la Suède, la Norvège, le Danemark, l'Autriche et l'Allemagne en raison de la pression migratoire qu'ils connaissent depuis plusieurs mois.
Suite au vote d'une initiative populaire dite « contre l'immigration de masse » en 2014, la Suisse a restreint l'accès à son marché du travail aux ressortissants européens communautaires. Le pays de huit millions d'habitants compte plus de 20% d'étrangers, les derniers arrivants étant principalement originaires d'Europe orientale. Concernée par d'importants flux quotidiens de travailleurs transfrontaliers, elle continue toutefois à participer aux dispositifs de libre-circulation prévus au sein de l'espace Schengen.
5. Zoom sur les associations régionales au sein de l’UE (au 1er janvier 2018)
Si l’UE est une organisation régionale à une vocation continentale, elle ne se substitue pas à d’autres institutions de coopération sub-régionales qui lui sont parfois antérieures. De fait, le continent européen comporte, indépendamment des organismes d’intégration économique et financière, un réseau d’institutions proprement régionales basées sur des intérêts communs et dont la composition est stable. Le contenu de ces associations varie et les plus anciennes ont évolué dans leur statut et leurs objectifs, s’étant soit étoffées, soit réduites du fait du transfert de certaines compétences et prérogatives à l’UE.
L’Union européenne et les associations régionales : situation au 1er juillet 2018
Réalisation : P. Orcier, 2018 |
- La plus ancienne est la Zone commune de voyage (Common Travel Area), qui correspond aux îles britanniques (Grande-Bretagne, Irlande, Man) et anglo-normandes (Jersey-Guernesey). Fondée en 1923 suite à l’indépendance de l’Irlande, elle vise à faciliter les déplacements au sein de ces territoires entre lesquels des liens familiaux sont forts. L’accord a été renouvelé et renforcé afin d’assurer la sécurisation des flux de voyageurs.
- La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg ont institué en 1947 une union douanière connue sous le nom de Benelux (Belgique-Nederland-Luxembourg) dans le contexte de la reconstruction, afin de stimuler leurs échanges économiques renaissants. Cette coopération est le fait de « petits États », trois monarchies constitutionnelles, issu du démembrement du grand Royaume des Pays-Bas de 1815. Influencés historiquement par les trois puissances voisines (France, Angleterre et Allemagne), ces États ont connu la première révolution industrielle et pour deux d’entre eux ont été des puissances coloniales. L’union économique a accompagné la recomposition territoriale et économique de ces trois pays : crise des bassins industriels et miniers, émergence de l’économie portuaire… L’expérience du Benelux a inspiré la CEE. Le Benelux a été réformé et allégé au plan institutionnel depuis 2012.
- Le Conseil nordique (1952) a été constitué dans le contexte de la Guerre froide par les États d’Europe du Nord. Il s’agit d’une institution de concertation entre cinq Etats démocratiques (Suède, Danemark, Finlande, Norvège, Islande ainsi que leurs territoires associés : Féroé, Groenland, Åland, Svalbard) ayant en commun des héritages culturels (le luthéranisme) et linguistiques (des langues proches, d’origine germanique, à l’exception du finnois). Il s’agissait pour eux de mener des politiques communes, et initialement de faire bloc face à la menace soviétique, alors que deux d’entre eux (Suède et Finlande) avaient fait le choix de ne pas adhérer à l’OTAN. Il a été doublé d’un conseil des ministres en 1971. L’Estonie a fait part en 2005 de son souhait d’adhérer au Conseil.
- Le Groupe de Višegrad s’est formé en 1991 dans le contexte de la disparition du bloc de l’Est et de la démocratisation en Europe centrale. Il associait au départ Pologne, Hongrie et Tchécoslovaquie, avant que celle-ci ne procède à sa séparation entre République tchèque et Slovaquie. Le choix de la ville de Višegrad fait référence à la réunion des rois de Pologne, Hongrie et Bohème en 1335 en ce même lieu. C’est une structure informelle de concertation intergouvernementale, qui a perdu de son sens depuis l’adhésion simultanée de ses membres à l’UE en 2004.
- L’Assemblée balte est née en 1990 de la volonté des Estoniens, Lettons et Lituaniens, encore sous domination soviétique, de coordonner leur action pour rétablir leur souveraineté vis-à-vis de Moscou. La mise en avant d’une entité et d’une identité balte répondait à une stratégie de dénonciation de l’incorporation forcée de ces « petites » républiques à l’URSS en 1940. Elle participait d’une démarche commune de « retour à l’Europe », à travers une coopération intergouvernementale et interparlementaire. Bien que ses objectifs aient été remplis, elle reste une instance privilégiée de concertation.
- Le Conseil des États de la mer Baltique (CEMB), est né en 1992 d’une volonté germano-danoise de combler le vide institutionnel laissé par la chute du Rideau de fer en mer Baltique et de rétablir les liens historiques avec la rive orientale alors en transition politique et économique. Il regroupe l’ensemble des États riverains de cette mer semi-fermée, y compris la Russie, au sein d’une structure de coopération, particulièrement active dans le domaine social et environnemental. Il a accompagné la transition démocratique de la Pologne et des États baltes tout en servant de cadre à des échanges d’expériences et projets communs.
- Ce conseil a inspiré la formation de l’Organisation de coopération économique de la Mer Noire (OCEMN) qui existe depuis 1992 mais n’est opérationnelle que depuis 1999. Elle compte 12 États Membres, riverains ou proches de cette mer semi-fermée en lisière de l’Europe conventionnelle. Les candidatures du Monténégro et de Chypre sont bloquées en raison de dissensions entre membres. Le fonctionnement de cette institution est perturbé par des conflits non résolus, anciens et récents (Grèce/Turquie, Arménie/Turquie, Ukraine/Russie…), et le maintien de tensions militaires.
- Pays méditerranéens de l'Union européenne (ou Pays du Sud de l'Union européenne) : Depuis 2016 un sommet regroupe 7 pays du sud de l'UE, qui se sentent davantage concernés par la pression migratoire, la question de la dette, et sont intéressés pour des raisons de proximité et d'histoire par les relations avec le Maghreb et autres pays du bassin méditerranéen, la crise syrienne, les relations avec l'Amérique latine.
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L'initiative des trois mers (Baltique, Adriatique, mer Noire) est un forum créé en 2016 regroupant douze États d'Europe centrale et orientale, qui a reçu les visites du ministre chinois des affaires étrangères et du président américain Donald Trump. Ce groupe entend peser face aux « grand » pays de l'UE et coordonner des projets de développement notamment dans le secteur des transports, en mettant en place une autoroute, la via carpatia, de Klaipeda (Lituanie) à Thessalonique (Grèce) et un gazoduc. Ce groupement intervient dans la thématique du raccordement de l'Europe au projet chinois des Nouvelles routes de la Soie (ou OBOR - One Belt One Road)
Ces organisations sub-régionales sont souvent portées par un ou plusieurs États-moteurs, qui y voient un cadre d’action privilégié ou une zone d’influence économique potentielle. Elles s’appuient dans certains cas sur l’existence de coopérations ou d’unités historiques (l’Union de Kalmar, la Hanse pour la Baltique). Elles sont aussi, dans un contexte européen post-1991 de multiplication des États sur le continent et de craintes de « satellisation » par les « Grands » États du continent, un moyen de compenser un poids et une situation géographique périphérique par rapport au « cœur » démographique et économique du continent que serait la dorsale.
6. Des Unions à territoires variables
« L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord une solidarité de fait », Robert Schuman, 9 mai 1950.
Les éléments qui suivent sont des illustrations concrètes de la mise en œuvre de politiques de coopération et de coordination sectorielles destinées à favoriser les échanges et harmoniser les pratiques. Leurs aires d'application dépassent le strict cadre spatial de l'Union européenne, illustrant l'idée d'une « Europe à la carte » brouillant les frontières.
6.1. L'Union douanière
Créée en 1958 et entrée en vigueur en 1968, elle inclut l'ensemble des États de la CEE, puis de l'UE, élargie à la Turquie et à trois micro-États (Andorre, Monaco et Saint-Marin). Elle a la particularité de comporter quelques exceptions par rapport aux frontières de l'UE et de l'espace Schengen. La sortie du Royaume-Uni de l’union douanière est effective au 1er janvier 2021. Cette union exclut des territoires communautaires à statut spécifique : Ceuta et Melilla, l'archipel allemand d'Heligoland, ainsi que les deux enclaves italiennes (Livigno et Campione d'Italia) et une allemande (Büsingen am Hochrhein) en territoire suisse. |
Réalisation Pascal Orcier, 2020. |
6.2. InterRail
La mise en place d'un pass commun pour favoriser les voyages par voie ferroviaire remonte au début des années 1970. Le dispositif s'est progressivement élargi, jusqu'à couvrir 31 États européens, la Lituanie ayant rejoint le dispositif en 2019. Plusieurs formules sont proposées, permettant de circuler durant une durée limitée sur l'ensemble des réseaux ferrés nationaux de plusieurs pays ou de l'ensemble des 31 pays membres. Les États non couverts sont ceux qui ne disposent pas de réseau ferré national (Islande, Malte, Chypre) ou ceux dont le réseau ne dispose pas d'interconnexion avec les États voisins pour le transport de voyageurs (Albanie, Lettonie, Estonie), ce qui pourrait évoluer du fait de projets en cours (Rail Baltica...). Notons qu'il n'existe pas d'écartement des voies unique au sein de l'UE (cf le cas de l’Espagne), obligeant, – pour les réseaux traditionnels – à un changement de bogies sur les trains au passage de la frontière (voir cet article). Le dispositif Inter Rail est ouvert à l'ensemble des citoyens des États européens et des résidents permanents dans ces États. |
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6.3. Le ciel unique européen
Dans un contexte de forte croissance des flux aériens et de développement des compagnies à bas coût, en lien avec la libre-circulation instaurée par les Accords de Schengen, l'Union européenne a lancé en 1999 l'initiative visant à harmoniser les règles en matière de gestion des espaces aériens. Des règles de sécurité communes et une gestion collective se sont mises en place à travers des « paquets » législatifs en 2004 et 2009. |
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6.4. L'Union énergétique
La mise en commun de la production de charbon avait été le point de départ de la construction économique européenne. La montée des préoccupations environnementales et la dépendance du continent aux importations énergétiques ont incité l'Union européenne à mettre en place une stratégie commune. L'Union de l'Énergie lancée en 2015 vise à assurer l'indépendance énergétique de l'Europe, alors que ses relations avec la Russie, fournisseur d'hydrocarbures, se sont dégradées. Outre la volonté d'améliorer l'interconnexion des réseaux européens, l'Union s'est fixée pour objectif de lutter contre le réchauffement climatique et s'est dotée d'une stratégie en faveur du développement des énergies renouvelables. |
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7. Zoom sur les voisinages de l'UE (au 1er juillet 2021)
L’Union européenne est l’un des pôles de la Triade, une région motrice et attractive au niveau mondial, qui dispose d’un niveau de vie élevé. De part et d’autre de ses frontières, s’observent des écarts de développement qui ont tendance à s’accroître. En parallèle à sa politique d’élargissement, l’UE a mis en œuvre depuis le début des années 1990 une politique de voisinage (PEV) à la fois en direction des pays du sud et de l’est de la Méditerranée (PSEM) et des États issus de l’ex-URSS. Il s’agissait d’accompagner les transitions démocratiques et favoriser le développement. Des instruments financiers spécifiques ont été créés afin de financer des opérations ciblées : renforcer les infrastructures, améliorer les conditions de vie, construire les institutions et la démocratie… Il existe à la fois des programmes régionaux (par région d’intervention), des programmes thématiques (par secteur d’intervention) et des dotations par État, dont le montant dépend à la fois des besoins de l’État, de son degré d’ouverture sur l’Union européenne et de l’intensité de la coopération existante. Elément révélateur, la part du commerce effectué avec l’Union européenne affiche le degré d’ouverture et l’intensité des échanges et de la coopération. Plusieurs accords bilatéraux ont été mis en œuvre dans certains cas, tandis que d’autres États moins démocratiques restent en partie à l’écart des programmes.
Les voisinages de l'Union européenne : statuts et programmes de coopération
Réalisation : P. Orcier, janvier 2021
On peut distinguer sur le plan régional trois grands ensembles :
- les États candidats à l’UE et candidats potentiels, principalement dans les Balkans. Ils bénéficient de l’aide financière la plus importante.
- les États méditerranéens, dans une définition large, pouvant inclure la Mauritanie et la Jordanie. Concernés par le Processus de Barcelone (1995) puis par l’Union pour la Méditerranée (UpM, 2008), ils forment un voisinage hétérogène, associant des États parfois rivaux, parmi lesquels certains bénéficient de la manne pétrolière (Algérie, Libye). Les relations sont parfois délicates en raison des héritages liés à la colonisation ou d’idéologies politiques anti-occidentales. L’écart en matière de coopération est grand entre le Maroc ou Israël, qui bénéficient d’un statut avancé et participent à certaines agences européennes, et des États comme la Syrie ou la Libye, avec lesquels la coopération est limitée ou suspendue.
- les États européens de l’ex-URSS, pour qui la politique de voisinage est clairement de la part de l’UE une politique alternative à une adhésion. Ces États bénéficient depuis les années 1990 du programme TACIS et sont inclus depuis 2008 dans le Partenariat oriental. Ces États forment un nouvel « entre-deux » entre Union européenne et Russie et concentrent aujourd’hui l’essentiel des tensions qui affectent le continent européen : guerres du gaz, conflits gelés, séparatismes actifs… La Russie occupe une place à part, considérée par l’Union européenne comme un « partenaire stratégique », elle n’a pas souhaitée être incluse dans la politique européenne de voisinage et voit d’un mauvais œil toute avancée euro-atlantique dans les États de son ancien glacis. Trop vaste pour être intégrée, trop puissante pour être ignorée, elle reste et s’affirme comme « l’autre » acteur politique et géopolitique du continent européen.
Voir la carte en grand : cliquez ici. |
L'Union européenne agit comme pôle organisateur d'une région qui déborde des limites du continent, et avec laquelle les relations avec l'UE sont définies par différents accords évoqués plus haut, au gré des priorités et intérêts mutuels. Il ne s'agit pas de « sphère d'influence » supposant une subordination et une satellisation mais d'un espace sur lequel s'exercent des politiques et des liens. Il existe d'ailleurs d'autres États vecteurs d'influences sur ces espaces. Aux approches « régionales » méditerranéenne et orientale mises en place par l'UE s'ajoutent des relations bilatérales plus ou moins fortes, contribuant à différents degrés d'intégration, sans nécessairement aboutir à une adhésion. La diversité des statuts contribue à diversifier « l'offre » communautaire. Le Brexit a par ailleurs posé la question du futur statut du Royaume-Uni dans cette architecture continentale. |
8. Zoom sur l'OTAN (au 1er juillet 2020)
8.1. Situation militaire en Europe
Divisée durant la Guerre froide en deux organisations militaires concurrentes, selon la logique des blocs, l'Europe se trouve aujourd'hui majoritairement incluse dans l'aire de l'OTAN, organisation mise en place par les États-Unis à partir de 1949 et qui a été progressivement rejointe par les anciens États du Pacte de Varsovie. Seule la partie orientale du continent adhère à une organisation concurrente, l'Organisation du Traité de Sécurité collective (OTSC), uniquement sur une partie de l'aire de l'ex-URSS.
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Réalisation : Pascal Orcier, 2018 |
Les questions militaires n'occupent pas la même place dans les États du continent européen. Au palmarès des plus fortes dépenses militaires, les principaux États européens restent parmi les vingt premiers mais sont rattrapés et dépassés par des puissances émergentes en Asie et au Moyen-Orient. En raison de leur rôle international et leur implication dans des opérations militaires, des missions de maintien de la paix ou via des accords de coopération et de défense, la France et la Grande-Bretagne conservent des budgets élevés, en comparaison avec l'Allemagne et l'Italie. La Russie a hérité de l'arsenal de l'URSS et cherche à restaurer sa puissance par des investissements importants dans son armée, malgré les sanctions internationales dont elle fait l'objet. Une majorité d'États affectent entre 1 et 2 % de leur PIB aux dépenses militaires. On observe des niveaux plus élevés en Europe orientale, où se produit une escalade depuis une dizaine d'années. À la mise à niveau des équipements et infrastructures des nouveaux États membres de l'OTAN s'ajoute la perception d'une Russie représentant une menace croissante depuis la guerre russo-géorgienne de 2008, puis l'annexion de la Crimée et le soutien russe aux séparatistes du Donbass depuis 2014. La Russie fait valoir pour sa part la nécessité d'assurer la défense de son immense territoire et le rapprochement des infrastructures et troupes de l’OTAN en Europe orientale. L’enclave de Kaliningrad en particulier a reçu de nouveaux équipements.
La conscription a été progressivement abandonnée en Europe de l'Ouest, où prévaut la coopération dans le cadre de l'OTAN et l'UE. Seuls des États « neutres » ont conservé ce système associé à un fort sentiment national. On a observé toutefois la restauration de la conscription en Suède et en Lituanie, suite à une perception de plus en plus hostile du voisinage avec la Russie. La Bulgarie y réfléchit également. L’ex-sphère soviétique est en revanche marquée par le maintien de la conscription, face à une OTAN jugée hostile et en progression depuis une vingtaine d'années. Cela est d'autant plus vrai dans les zones où subsistent des conflits latents ou non résolus (Arménie/Azerbaïdjan, Grèce/Turquie, Chypre, Moldavie).
L'évolution des budgets militaires est marquée par de fortes différenciations régionales. On a pu constater l'assèchement progressif des budgets des États des Balkans suite à la fin des conflits et la liquidation des stocks d'armes et de matériels (notamment au Monténégro). L'Europe du sud a vu ses budgets sévèrement amputés par les plans de sauvetage et de relance consécutifs à la crise financière de 2008 (Grèce, Italie, Espagne). L'Europe orientale a vu en revanche ses budgets repartir à la hausse... alors même que cette région reste en moyenne plus pauvre que la partie occidentale.
8.2. L'OTAN
L'Alliance atlantique, qui avait connu trois précédentes phases d'extension en Europe orientale depuis la fin de la guerre froide (1999, 2004 et 2009) regroupe désormais 30 membres autour des États-Unis et du Canada.
L'Europe militaire : l'OTAN et l'OTSC
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Réalisation : P. Orcier, 2021 |
Le Monténégro est devenu le 5 juin 2017 le 29e membre de l'OTAN, à l'issue d'un processus controversé d'intégration. Non seulement une partie de l'opinion monténégrine y était défavorable, mais le pays a été le théâtre d'une tentative de coup d’État et de tensions dans les relations entre la Russie et les États-Unis. Avec cette adhésion, c'est le troisième État issu de l'ex-Yougoslavie qui a rejoint l'Alliance, qui contrôle désormais la totalité du littoral adriatique et du nord de la Méditerranée.
Depuis le 27 mars 2020, la Macédoine du Nord est devenue le 30e membre de l’OTAN après plusieurs années de véto de la part de la Grèce, du fait de la longue querelle bilatérale concernant le nom de ce pays. Le pays contribue depuis plusieurs années en tant que partenaire à fournir des soldats aux différentes missions de l'organisation, notamment au Kosovo. L'adhésion à l'OTAN a rencontré de fortes oppositions de la Russie qui cherche à préserver son influence dans les Balkans.
L'OTAN et ses partenaires
Carte : Pascal Orcier L'OTAN dispose de partenariats et d'alliés à l'échelle mondiale, qui participent à certaines opérations sur le terrain et à des manœuvres, à des programme de formation et de coopération. Ils collaborent à la lutte contre le terrorisme ou le trafic d'êtres humains. Ils fournissent un soutien matériel et logistique. |
La Bosnie-Herzégovine qui a engagé un rapprochement avec l'OTAN, n'a pas obtenu le Plan d'action à l'adhésion (Membership Action Plan / MAP) en raison d'une unification insuffisante de son système de défense au niveau de l'État central. Le pays abrite toujours deux missions de l'UE (EUFOR Althea et MPUE) chargées d'assurer la sécurité et d'aider à la stabilisation de l'État.
La Géorgie, également candidate à l’OTAN devra attendre pour que les États membres se prononcent sur une éventuelle adhésion. Cette candidature rencontre une certaine frilosité en raison de l’hostilité affichée de la Russie, dont elle est un voisin immédiat, et face à laquelle elle a subi une défaite militaire lors du conflit qui les a opposées en août 2008. De fait, la Géorgie ne contrôle pas l’intégralité de son territoire national : l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud ont fait sécession. Autoproclamées indépendantes, elles ont été reconnues par Moscou, qui y entretient depuis 2008 des bases militaires. L'OTAN a toutefois installé en Géorgie en août 2015 un centre d'entrainement.
L'Ukraine souhaite se rapprocher de l'OTAN. Candidate une première fois, elle avait envisagé en 2008 d'obtenir le MAP. Suite à l'élection à la présidence de la République en janvier 2010 du pro-russe Viktor Ianoukovitch, elle avait retiré sa candidature, souhaitant officiellement rester non-alignée. Ianoukovitch avait renouvelé le bail de la base navale russe de Sébastopol jusqu'en 2047. De fait, cet accord est rendu caduc depuis le rattachement de la Crimée à la Russie au printemps 2014. Néanmoins, le changement de régime, la guerre qui se prolonge dans l'Est et l'implication manifeste de la Russie aux côtés des séparatistes ont poussé la nouvelle Rada (parlement ukrainien) à voter, le 23 décembre 2014, l'abandon du statut de "non aligné" qui avait été adopté en 2010 sous pression de la Russie. Le nouveau gouvernement envisage sérieusement d'intégrer l'OTAN. La population du pays était avant la guerre très divisée sur la question. Toutefois, le cours des événements a provoqué un revirement dans l'opinion, l'OTAN apparaissant comme un moyen de garantir l'indépendance nationale face à la nouvelle menace russe. Cette perspective est perçue en Russie comme une menace directe contre elle. Pour cette raison les membres de l'alliance ne sont pas pressés d'engager l'Ukraine sur la voie d'une adhésion, sa candidature est en quelque sorte gelée.
Enfin, la Serbie s'interroge sur le sens d'un possible rapprochement avec l'OTAN, alors qu'elle garde vive la mémoire des bombardements de son territoire par l'Alliance en 1999 et conserve des liens forts avec la Russie. Elle se trouve de fait entourée d'Etats membres ou de candidats et souhaite sortir de l'isolement relatif dans lequel elle se trouve.
Le ministre finlandais des Affaires Étrangères, Alexander Stubb, suite au conflit russo-géorgien de l'été 2008, a soulevé la question de l'adhésion à l'OTAN. L'opinion finlandaise y reste néanmoins défavorable, soucieuse de ne pas froisser la Russie voisine malgré la crainte que celle-ci ne cesse d'inspirer. Les violations répétées de l'espace aérien finlandais, mais aussi suédois, par des avions militaires russes depuis 2014 suscitent l'inquiétude. Les deux États ont décidé de se rapprocher des États-Unis en matière de défense, et des manœuvres conjointes avec l'OTAN ont eu lieu en Laponie au cours des derniers mois. La question de l'adhésion à l'OTAN est aussi au cœur de la résolution du conflit qui paralyse la Moldavie depuis la restauration de l'indépendance en 1991. Les négociations pour tenter de mettre fin au conflit qui oppose le gouvernement moldave à la république sécessionniste de Transnistrie (capitale : Tiraspol) ont repris sous l'égide de la Russie. La renonciation à toute adhésion de la Moldavie à l'OTAN est une condition posée par les dirigeants de l'entité sécessionniste pour envisager toute réunification.
Lors de sa visite à Minsk au début 2020, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a plaidé pour une intensification des relations entre la Biélorussie et l’Alliance atlantique, en dépit des différends persistants sur la question des droits de l’homme. À l’heure où Moscou accentue ses pressions sur ce pays voisin, après avoir contribué à la déstabilisation de l’Ukraine depuis 2014, cette annonce peut être perçue comme une provocation.
Restent en Europe quatre autres États neutres (la définition de la neutralité variant d'un État à l'autre), qui participent néanmoins au Partenariat pour la Paix de l'OTAN : la Suisse, l'Irlande, la Suède et l'Autriche.
9. La diplomatie en Europe
Malgré les critiques récurrentes qui lui sont faites face aux crises internationales, l’Europe demeure un acteur diplomatique de premier plan. Le continent abrite plusieurs organisations qui participent à la stabilité de l’ordre international. La partie orientale du continent abrite aussi plusieurs missions chargées de veiller à l’application d’accords de paix ou de cessez-le-feu.
OSCE et missions de paix
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Pour compléter
- Vincent Adoumié (dir.), 2013, Géographie de l’Europe, Hachette
- Pierre Beckouche et Yann Richard, 2008, Atlas d’une nouvelle Europe, Autrement
- Fondation Robert Schuman, 2017, Rapport Schuman sur l’Europe 2017, Lignes de repères.
- Michel Foucher, 2016, Le retour des frontières, CNRS éditions, 64 pages.
- Michel Foucher (dir.), 2011, L’Europe entre géopolitiques et géographies, CNED SEDES.
- Michel Foucher, 1998, Fragments d’Europe, Fayard.
- Sylvain Kahn., 2007, Géopolitique de l’Union européenne, Armand Colin.
- Jacques Lévy, 2011, Europe, une géographie, Hachette Carré Géographie.
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- Fabien Jeannier, « Le Brexit et la frontière irlandaise », Géoconfluences, janvier 2019.
- Pascal Orcier, « Le Brexit, et après ? La situation en mai 2020 », Géoconfluences, mai 2020.
- Pascal Orcier, « Représenter la peur : la carte de la menace ressentie par les Européens », Carte à la une de Géoconfluences, avril 2019.
- Pascal Orcier, « Frontières et territoires frontaliers en Europe : une visite guidée », Géoconfluences, 2019.
Pascal ORCIER,
professeur agrégé, docteur en géographie et cartographe, enseignant au Lycée Beaussier à La Seyne-sur-Mer (83).
conception et réalisation de la page web : Marie-Christine Doceul et Jean-Benoît Bouron
Dernière mise à jour le 21 décembre 2020.
Pour citer cet article :
Pascal Orcier, 2013-2020, « L'Europe entre associations, alliances et partenariats. L'état de l'Union européenne, de la zone euro, de l'espace Schengen et de l'Otan au 1er juillet 2020 », Géoconfluences, mis à jour le 21 décembre 2020. |
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