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Écoumène touristique

Publié le 02/07/2024
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L'écoumène touristique peut être défini comme l’ensemble des lieux utilisés à des fins touristiques, et donc habités temporairement par les touristes.

Le tourisme est né à un moment précis, le XVIIIe siècle, dans un lieu précis, l’Angleterre, Bath ou Brighton constituant les matrices à partir desquelles se sont élaborés les autres lieux touristiques. La société anglaise est l’acteur pionnier de cette innovation qui va ensuite se diffuser en suivant la communauté britannique à travers le monde selon les routes commerciales et celles de la colonisation. Mais à la fin du XVIIIe siècle, seule une partie de l’Europe de l’Ouest et le nord-est des États-Unis ont des lieux touristiques.

Dans la première moitié du XIXe siècle, ces deux premiers foyers s’élargissent : pour l’Europe vers les littoraux de l’Atlantique et de la mer Baltique surtout, en Europe centrale et en Russie, jusqu’au piémont du Caucase avec Kislovodsk ; en Amérique vers le sud-est des États-Unis et le Québec. La colonisation génère ses premiers lieux touristiques, en Afrique du Nord et aux Indes, mais également aux antipodes. En Asie du Sud-Est, les Britanniques cherchent la fraîcheur en altitude en construisant les premières hills stations dès les années 1820-1830.

Durant la seconde moitié du XIXe siècle on cherche à dupliquer les lieux touristiques anglais et les « Brighton » se multiplient, en conservant le toponyme, près de Sydney, Melbourne, Adelaïde, Christchurch ou Dunedin. Cette période correspond à une spectaculaire accélération du processus de diffusion, par une multiplication des lieux touristiques et par l’extension de l’écoumène touristique, corrélative à l’installation d’Européens en de nombreux lieux du Monde. L’apparition de nouvelles pratiques touristiques autour de l’apprentissage du ski ou de la natation par exemple favorise une diversification des lieux.

La première moitié du XXe siècle n’est que le prolongement de la période précédente. On assiste à une densification des lieux touristiques dans les domaines déjà concernés. Toutefois, ce demi-siècle est marqué par l’entrée dans l’écoumène touristique d’îles tropicales du Pacifique et de la Caraïbe, en raison de l’amélioration des moyens de transport, les bateaux embarquant des touristes commençant à sillonner la Mélanésie ou les Antilles. Depuis 1950, le transport aérien a permis une spectaculaire extension de l’espace touristique, qui a débordé les espaces habités, affectant les déserts chauds, les régions polaires ou les forêts équatoriales.

Aujourd'hui, peu de lieux sont totalement ignorés du tourisme et l’écoumène touristique déborde l’écoumène humain de l'« habiter » sédentaire : le tourisme est fondamentalement un déplacement et participe de ce fait pleinement à la mise en circulation du Monde à différentes échelles (Knafou et Fournier, 2023). De plus, il existe une catégorie de touristes qui entendent être présents partout dans le Monde où il se passe quelque chose, quels que soient les risques encourus : le tourisme macabre se développe et il existe une clientèle pour aller visiter Pripyat, la ville fantôme de Tchernobyl, pour se rendre à Sarajevo en 1995, à Bagdad en 2002 ou sur la frontière entre les deux Corées aujourd’hui (Mazzero et Oulkebous, 2023). Et d'autres recherchent les espaces de l'extrême (le chaud, le sec, le froid) en voyageant au cœur des déserts, des espaces polaires ou de la haute montagne, ce qui n'est pas sans poser des problèmes d'infrastructures et de gestion des effets économiques et sociaux du tourisme. Le changement global a même accéléré ce qu’on nomme désormais le tourisme de la dernière chance : c’est le cas du tourisme dans des écosystèmes menacés comme les glaces de l’Antarctique.

Ces types de curiosité et de produits touristiques permettent d’intégrer à l’espace touristique des lieux qui lui étaient étrangers et il n’y a plus guère de lieux qui résistent à la mise en tourisme du Monde. Au demeurant on peut constater que certains types de destination peuvent devenir difficiles d'accès, essentiellement pour des raisons de sécurité, compte tenu de leurs situations géopolitiques et sociopolitiques : c'est par exemple le cas d'une large partie de la zone saharo-sahélienne depuis le début des années 2010.

(ST) juillet 2014, dernière modification, mars 2024


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