Eau (accès, potabilité)
L'eau potable est une eau qui ne contient pas d'agents pathogènes ou d'agents chimiques à des concentrations pouvant nuire à la santé. Sa définition a changé dans le temps. L'accès à l'eau désigne la capacité d'une population à accéder à une eau potable en quantité suffisante pour satisfaire ses besoins principaux. C'est une notion très différente de la disponibilité de la ressource : en maints lieux du monde, par exemple dans les régions rurales enclavées ou dans les bidonvilles urbains de la zone intertropicale, la ressource en eau est très abondante, mais l'accès à l'eau potable est très difficile. Dans certains cas extrême, un excès d’eau peut entraîner un moindre accès à l’eau : par exemple lorsqu’un événement météorologique extrême endommage les infrastructures. C’est pourquoi on stocke de l’eau en bouteille avant le passage d’un cyclone dans les îles tropicales.
La question de l'échelle est importante dans l'accès à l'eau : au-delà des moyennes nationales, certains pays accusent localement des écarts très importants, par exemple entre les quartiers riches des grandes villes et les espaces ruraux isolés. On comprend que l'accès à l'eau est fortement lié au revenu par habitant et au niveau de développement d'un espace. Les pays favorisés sont aussi concernés. Ainsi, dans les bidonvilles où vivent les migrants comoriens à Mayotte, qui sont les quartiers les plus précaires du département français le plus pauvre, 96 % des ménages n'ont pas l'eau courante (Idaroussi Tsimanda, 2023), et les habitants doivent fréquemment marcher plus de quinze voire trente minutes pour se procurer de l'eau potable (ibid.).
La question d’une définition internationale et unanimement reconnue du terme « eau potable » est un problème délicat. Les services spécialisés de l’ONU (Banque mondiale, OMS), qui évaluent pour chaque pays l’accès à l’eau potable, emploient dans leurs rapports officiels le terme d’eau améliorée. Selon eux, une eau améliorée est une eau non partagée avec des animaux et protégée de leurs déjections. Elle peut être fournie par un puits assez profond, par une fontaine ou des adductions d’eau (« eau courante »). Elle n’est toutefois pas forcément contrôlée, et rien ne garantit sa potabilité réelle. Pour cette raison, il est extrêmement difficile de connaître le nombre exact de personnes n’ayant pas d’accès à « l’eau potable » et les estimations vont en 2024 de 700 millions pour l’ONU (OMS, UNICEF) à 2 milliards de personnes pour la Banque mondiale. Ce débat est d’autant plus important qu’un des Objectifs de développement durable (ODD6) est de « garantir à tous l’accès à l’eau et à l’assainissement » d’ici 2030. C'est aussi une thématique transversale qu'on retrouve dans d'autres objectifs : bonne santé et bien-être (3), inégalités réduites (10), vie aquatique (14)...
Par ailleurs, la Banque mondiale évalue la proportion de la population qui a un accès raisonnable à une quantité adéquate d’eau potable (20 litres par jour et par personne). Par accès raisonnable à l'eau, on entend un éloignement de moins de quinze minutes de marche du point d'approvisionnement. Dans les espaces urbains, la source d’eau peut être une fontaine publique ou une borne-fontaine située à moins de 200 mètres. Dans les espaces ruraux, cela suppose que les membres du ménage n’aient pas à consacrer une part disproportionnée de leur journée à chercher de l’eau. L'indicateur d'accès à l'eau potable représente la part de la population qui dispose de cet accès.
La question de l'approvisionnement en eau, tant à des échelles transnationales que locales, est une question éminemment politique. Comme toute ressource, l'eau est sujette à des tentatives d'accaparement dans des logiques de pouvoir et de domination. La gestion de la ressource (réserves, bassins versants, cours des grands fleuves) implique nécessairement une négociation entre acteurs. Si la négociation réussit, on a une situation de coopération, par exemple transfrontalière. Sinon, la tension peut devenir un conflit, même si la notion de « guerre de l'eau » ne fait pas consensus (>>> voir : guerre verte). En tout cas, il y a bien une géopolitique de l'eau comme il existe une géopolitique des énergies. La gestion de l'eau n'échappe pas non plus à la question de la durabilité, car si la ressource est renouvelable, son accès est fortement différencié. Cela pose aussi le problème de la qualité de l'eau disponible, de son partage équitable, du traitement des rejets, etc.
(ST) juin 2009. Dernières modifications (JBB), janvier 2023, (SB et CB) février 2024.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Martin Charlet, « Le bassin de la Muga, illustration très locale de la pénurie d'eau en Catalogne », Géoconfluences, avril 2024.
- Fahad Idaroussi Tsimanda, « Migrer pour un bidonville. La vulnérabilité socio-économique des migrants comoriens à Mayotte », Géoconfluences, janvier 2023.
- Judicaëlle Dietrich, « Politiques de l’eau et lutte contre la pauvreté à Jakarta, un rendez-vous manqué », Géoconfluences, 2020.
- Yvan Bertin, « La nécessaire gestion durable de l'eau en Martinique », Géoconfluences, novembre 2019.
- Yves Duchère, « La pollution de la rivière To Lich à Hanoï »,Géoconfluences, 2018.
- Léa Billen, « Jardins féminins aux portes du Sahel »,Géoconfluences, 2016.
- Bertrand Sajaloli, Génies de l’eau et protection des zones humides en pays dogon (Mali), Géoconfluences, 2016
- Émilie Lavie, Le sabīl : marquer l'islam dans la ville par des points d'eau, Géoconfluences, 2016
- Perrine Vincent, Image à la une : eau pure, eau polluée, le Gange à Varanasi (Inde), Géoconfluences, 2015
- Florence Richard-Schott, La "gestion durable des ressources en eau" dans le bassin du Rhône, de la théorie à la pratique, Géoconfluences, 2011
- Lise Desvallées, Anne Rivière-Honegger et Sylviane Tabarly, Quelles équités pour l'approvisionnement en eau des populations au Maroc ? L'exemple des fontaines à Marrakech, Géoconfluences, 2011