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Carte à la une. Des textes aux images : raconter autrement le fleuve Rhône

Publié le 23/05/2022
Auteur(s) : Romain Monassier, ingénieur d'études - École Normale Supérieure de Lyon
Anne Rivière-Honegger, directrice de recherche CNRS - École Normale Supérieure de Lyon
Nadine Guigard, animatrice et coordinatrice de réseau - Cap sur le Rhône

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Peut-on cartographier un recueil de textes ? Les chercheurs ont extrait et dénombré les toponymes des nouvelles et des poèmes issus d'un concours littéraire consacré au Rhône et à la Saône, puis ont testé des modes de représentation, du graphe à la carte. L'étude des fréquences ou des cooccurrences éclaire les représentations des auteurs mais aussi les dispositifs de style qu'ils mettent en œuvre. Une telle mobilisation d’un corpus montre les liens qui peuvent unir littérature et géographie, ainsi que les moyens méthodologiques pour les faire communiquer.

Bibliographie | citer cet article

Document 1. Fréquence d’apparition des toponymes du corpus, regroupés par catégorie

Document 1. Fréquence d’apparition des toponymes du corpus, regroupés par catégorie
 

Comme la cartographie de Fort-de-France à partir de romans de Chamoiseau en témoigne (Morel, 2021), la littérature est aussi une affaire de cartographie. Les routines informatiques offrent d’autres pistes que la lecture attentive pour explorer des sources littéraires, même abondantes.

Le document 1 présente les toponymes extraits d’un corpus de textes littéraires, selon leur fréquence absolue d’apparition et leur catégorie. Ces textes ont été rédigés par des auteurs âgés de 14 à 89 ans, dans le cadre de la première édition d’un concours qui portait sur le Rhône et la Saône et mettait en exergue la thématique de la transition écologique. Initié par l’association Cap sur le Rhône (encadré 1), ce concours s’est déroulé durant l’année 2020-21 et a incité 194 participants, riverains du fleuve en majorité, à soumettre leur travail. Le but de cette « carte à la une » est de décrire les étapes d’une démarche visant à cartographier un corpus de textes littéraires. Par là même, il s’agit aussi de proposer des pistes d’interaction entre littérature et cartographie. Ce croisement est amorcé par la représentation des structures spatio-temporelles des trames narratives (Caquard et Cartwright, 2014). Il repose généralement sur l’extraction d’informations géographiques de textes (le geoparsing) puis à leur localisation dans l’espace (le geocoding). Avec le développement du traitement automatique des langues, du géoréférencement et la création de vastes dictionnaires de toponymes (les gazetteers), les cartographes ont désormais un arsenal d’outils à disposition pour traiter les sources textuelles, y compris littéraires. Ainsi, ils peuvent plus aisément se saisir de cette « forme de connaissance » originale qu’est la littérature (Rosemberg, 2016), qui, comme d’autres sources textuelles, constitue un « matériau d’enquête de première main » (Matthey, 2008), pour apporter des éléments de connaissance sur les représentations socio-spatiales du fleuve.

 

1. Une méthode pour extraire les informations géographiques d’un corpus de textes

La plupart des 194 textes ont été proposés librement par des auteurs ; certains ont été rédigés suite à la participation à un atelier d’écriture (encadré 1). Ces textes varient dans leur forme (poétique ou narrative), leur longueur et leur vocabulaire (en moyenne 868 mots par texte). Notre corpus est riche d’un total de 168 476 mots, dont 19 812 mots uniques (11,8 %). Nous ne disposons pas des informations concernant le profil des auteurs des textes, lesquels nous ont été remis anonymisés tels que parvenus aux membres du jury.

 
Encadré 1. D’un réseau dédié au Rhône et à la Saône à la conception du projet « Dans les courants du fleuve », ateliers et concours d'écriture

L’association Cap sur le Rhône fédère un réseau de 13 membres-partenaires composé de musées, de sites historiques et touristiques, d’espaces naturels, etc. situés principalement le long du Rhône mais aussi sur un de ses affluents, la Saône. Son site internet présente les projets conçus et développés par le réseau, les membres-partenaires et contribue à la connaissance du fleuve au travers de pages thématiques : https://www.capsurlerhone.fr/

Dans le cadre de son action, l’association a organisé en 2020-21 un concours d’écriture qui a notamment reposé sur l’organisation d’ateliers auprès du grand public et de lycéens. La proposition était de « mettre en récit le fleuve et la rivière, les enjeux contemporains de la transition écologique comme thèmes d’inspiration et de réflexion dans une création littéraire ». Le projet, intitulé « Dans les courants du fleuve », était soutenu par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) Auvergne-Rhône-Alpes et dans le cadre du Plan Rhône, la région Auvergne-Rhône-Alpes, Électricité de France (EDF) et l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse.

Un ouvrage collectif paru en 2021 regroupe une quarantaine des 194 textes qui ont concouru (Association Cap sur le Rhône, 2021). Cette initiative participe à « parler du fleuve, l'apprivoiser, le faire revivre dans la conscience individuelle et collective comme il était présent – pour le meilleur et le pire (pour les loisirs et par les crues dévastatrices) – dans la mémoire des générations précédentes » (Buisson, 2021).

Dans la poursuite de la valorisation de cet ensemble de textes, une exposition collaborative est en préparation. Elle associe au côté de l’association Cap sur le Rhône et des membres-partenaires du réseau, chercheurs, étudiants*, élèves du secondaire, preneur de son, photographes (document 2)…

En plus des productions présentées ici, le travail de « mise en cartes » du corpus de textes a donné lieu à l’élaboration d’une story map (un récit basé sur la représentation cartographique) : « Raconter le Rhône : comment passer du texte à la carte ».

*D’octobre 2021 à février 2022, Maxime Caleyron, Cyril Bonnin et Benjamin Gardes, étudiants du Master Géonum - formation aux techniques et méthodes de la géomatique – Université Jean-Monnet Saint-Étienne, ont contribué dans le cadre d’un projet tutoré à l’exploitation du corpus de texte. Thierry Joliveau, Hélène Mathian et Marylise Cottet ont contribué à leur encadrement universitaire. Hervé Parmentier a assuré une formation sur la story map.


David Desaleux (SMIRIL)

David Desaleux (Camargue)

Loïc Xavier (Arles)

David Desaleux (Ardèche)

David Desaleux (Arles)

Loïc Xavier (SHR, Ain)

Document 2. Des photographies pour raconter le Rhône

Cap sur le Rhône, campagne photographique, mars-mai 2022. Libre de droits pour l'usage pédagogique non commercial. ©David Desaleux et ©Loïc Xavier, avec l'aimable autorisation des auteurs.


 

L’extraction des toponymes du corpus a été réalisée à l’aide de la méthode de Ludovic Moncla (Moncla et al., 2014), fondée sur une reconnaissance automatique des entités géographiques nommées et sur leur géoréférencement, le tout à l’aide de quatre gazetteers différents (OpenStreetMap, BDNyme de l’IGN, Geonames, Wikipédia). Sur les 783 toponymes distincts initialement identifiés, 227 (soit 29 %) ont été validés, tandis que les autres ont été jugés erronés et écartés. Les « faux positifs » concernent surtout des noms propres à nature non-toponymique, comme des prénoms.

On dénombre, en moyenne, 10 mentions de toponymes par texte du corpus, bien que certains textes soient très marqués par l’usage de toponymes : pour neuf d’entre eux, les noms de lieu représentent plus de 10 % de leurs mots totaux. C’est particulièrement le cas des 5 haïkus qui forment un poème non publié intitulé « Le long de la voie » (texte 1).

  Texte 1. « Le long de la voie »

Au cœur d’un glacier
Là-bas au fond à Gletsch
Le Rhône glougloute

Sous le lac Léman
Les algues grelotent à peine
C’est bien lui le Rhône

La boue à Genève
De l’Arve affluant au Rhône
Pont de la Jonction

Un héron cendré
Tend ses ailes au soleil
Les remous du Rhône

Grand et Petit Rhône
C’est la mer à bras ouverts
Eh oui ! Clapoter...

Raphaël Contel, « Le long de la voie ». Avec l'aimable autorisation de l'auteur.


 

2. Cerner l’imaginaire spatial du Rhône

Les noms de lieux concernent majoritairement des localités (ville, village ou quartier), à 38,8 %, mais aussi des départements et des régions historiques ou physiques (Camargue, Valais, Savoie etc.) (11,4 %). Les toponymes renvoient également à des infrastructures – ponts, parcs, barrages, etc. – (11,0 %), à des cours d’eau (11,0 %), à des pays ou des continents (7,9 %), à des éléments topographiques (mont, col, etc.) (6,6 %), et plus marginalement à des plans d’eau, des lieux-dits, des noms anciens ou des lieux de mémoire (Rhodanus, Lugdunum, Auschwitz, etc.) et des îles. En revanche, si l’on pondère chaque toponyme par sa fréquence d’apparition dans le corpus, ce sont les cours d’eau qui ont été le plus souvent cités (n = 954, 44,7 %), devant les localités (n = 538, 25,2 %), en raison de la très haute fréquence du Rhône dans l’ensemble du corpus (n = 672) (document 1).

Après le Rhône, c’est la Saône qui est la plus souvent citée (n = 139). Elle est suivie par Lyon (n = 104), Vienne (n = 74) et le delta du Rhône (n = 64) ((Certains toponymes sont construits sur d’autres toponymes, par exemple Villefranche-sur-Saône sur la Saône. Dans ce cas, nous soustrayons la fréquence de Villefranche-sur-Saône de celle de la Saône. Autrement dit, Saône et Villefranche-sur-Saône ont bien été comptés comme deux toponymes distincts, le second n’étant pas compté parmi les occurrences du premier. Cette démarche a été appliquée sur toutes les autres redondances.)) (document 3). Au total, les 227 toponymes apparaissent 2 133 fois dans l’ensemble du corpus. « Rhône » apparaît dans 65,5 % des textes du corpus, « Saône » dans 26,3 % d’entre eux.

graphique

Document 3. Fréquences des 32 toponymes les plus cités dans le corpus après le Rhône
 

La plupart des 227 toponymes se situent en France (68,3 %), mais on en relève sur chaque continent et dans un nombre important de pays européens (Suisse, Italie, Espagne, etc.). La carte présentée ci-dessous (document 4) indique les espaces d’Europe et du monde qui sont les plus représentés dans le corpus, d’après les fréquences des noms de lieux qui s’y trouvent. Assez logiquement, le bassin versant du Rhône présente la fréquence d’apparition la plus importante (n = 1 097), en raison de la fréquence du Rhône, des villes qui le jalonnent (Lyon, Vienne, Avignon, Arles), mais aussi de ses équipements (barrage de Génissiat, ViaRhôna). Ce résultat est d’autant plus logique que la majorité des participants au concours sont ou ont été riverains du fleuve. Au sein du bassin versant, deux pôles se démarquent par leur fréquence d’apparition : l’agglomération lyonnaise et la Camargue. Bien que secondaires, il faut souligner les toponymes qui excèdent l’espace du bassin versant et élargissent ainsi l’imaginaire spatial du corpus, à d’autres grands fleuves (Rhin, Loire, Nil, Danube, etc.) principalement.

carte europe

Document 4. Zones d’Europe et du monde selon la fréquence d’apparition de leurs lieux dans le corpus

Pour réaliser cette carte, nous avons créé une maille régulière et additionné dans chaque cellule les fréquences respectives des différents lieux cités dans le corpus. Cette carte statique constitue un autre mode de représentation de l’importance de certains lieux, si ce n’est de certains espaces, dans le corpus.

 

Les toponymes mentionnés par les auteurs sont intrinsèquement liés au Rhône, mais il est moins sûr que ces associations soient faites textuellement. De même, on peut s’interroger sur les autres associations que celles qui concernent le Rhône. On peut alors calculer les cooccurrences des toponymes pris deux à deux, c’est-à-dire dénombrer l’apparition simultanée de deux lieux au sein du même texte. Ces cooccurrences donnent une autre information que celle proposée par la cartographie des toponymes : elles témoignent des associations d’idées des auteurs et retracent, en quelque sorte, leurs trajectoires géographiques mentales. Le Rhône est significativement associé à la Saône dans 42 textes, à Lyon dans 41 textes et à la Méditerranée dans 36 textes (document 5). Outre le Rhône, la Saône est, elle, le plus souvent voisine de Lyon (n = 27), de la Méditerranée (n = 19) et du delta du Rhône (n = 15). Mais elle est significativement ((D'après les tests statistiques réalisés.)) associée à sa confluence avec le Rhône (n = 14).

graphe de cooccurrences

Document 5. Cooccurrences des toponymes du corpus. Seules les cooccurrences comptées plus de 5 fois sont représentées.
 

La confluence du Rhône et de la Saône à Lyon constitue de ce fait un point focal du corpus, de la même manière que l’exutoire, où sont mêlées les références au delta du Rhône, à la Camargue et à la Méditerranée. Que le Rhône, la Saône et Lyon soient fréquemment cooccurrents trouve une explication géographique simple. En revanche, peut-être faut-il voir, dans d’autres associations, des logiques différentes : par exemple, la cooccurrence de la France et de l’Europe tient probablement à un raisonnement scalaire, et celle de la Drôme, de l’Ardèche et de l’Isère à la volonté de rapprocher des cours d’eau (ou des départements) aux caractéristiques communes.

Plusieurs constats peuvent être dressés. D’une part, les auteurs sont assez fidèles au cours du fleuve et c’est dans son bassin versant qu’ils puisent leurs principales références. Parmi elles, la confluence du Rhône et de la Saône et l’exutoire du Rhône en Camargue ont une place prépondérante. Cette cartographie s’éloigne des lieux privilégiés des auteurs provençaux : alors que Pont-Saint-Esprit, Beaucaire et Avignon sont au cœur de l’action narrative dans Le Poème du Rhône (Lou Pouèmo dóu Ròse) de Frédéric Mistral (Gasiglia, 1997), ces communes apparaissent comme secondaires dans notre corpus. D’autre part, la mobilisation, au fil du texte, des différents noms de lieux met en exergue les types de raisonnements géographiques des auteurs dans la mise en scène du Rhône. À ce titre, ce fleuve est, par analogie, associé à de nombreux cours d’eau, ses affluents d’abord, à d’autres grands fleuves plus ponctuellement. La quasi-homophonie du Rhône et de la Saône est un argument poétique, s’ajoutant à l’explication géographique que l’on peut aussi avancer pour expliquer leur couplage fréquent. Par leurs références géographiques, les auteurs dessinent une constellation de lieux pour raconter le Rhône et sa transition écologique. Si l’appel aux toponymes est probablement motivé par des raisons littéraires, il rend compte aussi, en creux, de l’imaginaire spatial des auteurs du corpus et donc, in fine, des perceptions contemporaines du fleuve.

3. Les sources littéraires : des discours originaux sur l’environnement

Même s’il s’agit de notre focale, l’analyse d’un corpus littéraire ne s’arrête pas à celle de sa dimension spatiale : tout corpus présente un caractère heuristique plus large. En effet, les sources littéraires, dans leur qualité discursive, disent aussi quelque chose des relations des sociétés à leur environnement (Le Lay, 2013). Bien au-delà des lieux qu’ils nomment, c’est aussi ce que les auteurs ont à en dire qui est riche de sens (texte 2).

 

Texte 2. Isabel Gaudier, « Et l’oubli des radeliers »

Tout commença par un naufrage…

15 ans, comment résister à l’appel du courant qui emporte, glisse silencieux,
donne à voir ses berges raides ou ensauvagées, roule et vit même la nuit.
Le fleuve, comme un rêve.
Une planche arrimée à deux pneus s’enfonce doucement, lourdement dans les eaux.
Elle touche les fonds vaseux du bief, met en arrêt sur image un jeune désir d’ailleurs.

À l’époque ne résonnait déjà plus le batillon des laveuses.
Mouvements des corps. Musiques des paroles, les mots crus, les linges sales,
Les gens. Elles disent les plaisirs de la vertu, le charme de l’escarpolette. Les rires.
Elles sont toutes, âme simple ou cœur tendre, dans un unique maelstrom.
Au loin leurs hommes.
Les blablas, la taille du poisson, le retour du labeur par le chemin de halage.

Et la fin des écrevisses.

Un courant continu en réalité. Eaux vives, limpides et courantes
charrient en leur creuset les cailloux des moraines, galets et graviers.
Les berges aux droits talus piqués de buis, nappées de brouillard
enserrent le fleuve à lui faire violence puis se repentent et s’écartent.
De l’Arve qui le grise à l’Ain qui l’apaise,
de son lit au lac du Bourget ou l’inverse, à son humeur
Le Rhône défile, puis s’épand dans la vaste plaine.

Et le départ discret des loutres.

Fragments de feuilles en dérive, de glands, de branchages dans la danse des remous.
Fragments de ciel, fragments d’envies.
Fragments d’écorces gravées le dimanche après-midi,
de bouteilles fracassées le dimanche qui suit, fragments de barques délaissées,
de pêcheurs abandonnés, de liens, de nasses, d’hameçons emberlificotés.
Fragments d’un soir. Fragments d’histoire.

Et l’oubli des radeliers.

Bien des arbres sont tombés dans le fleuve. Bien des larmes à son passage,
Entre ses ouvrages d’art rudes comme des frontières,
quelques chemins de terre mènent encore à l’eau libre. Un répit.
Vagabonde, ma pagaie brasse une eau pas très claire, un chevreuil, timide, aborde la rive.
Le nuage mouvant des éphémères annonce la fin d’un jour.
Du fleuve comme un rêve d’enfant, essentiel et persistant.
Du fleuve comme un lien, boucle mémorielle de ses riverains.
Faunes et humains sur les mêmes rives.

Et les coches d’eau d’antan.

Isabel Gaudier, « Et l’oubli des radeliers » (Dans les courants du fleuve, Association Cap sur le Rhône, 2021, p. 58-59).


 

Nous pouvons recevoir ce texte comme un témoignage de l’évolution du fleuve d’un point de vue social et environnemental.

Les discours des habitants peuvent être ainsi analysés par le truchement des textes littéraires, comme ils le sont dans le cadre de méthodes éprouvées en sciences humaines et sociales à l’aide d’articles de presse ou d’enquêtes en ligne ou administrées (Comby, 2015 ; Cottet et al., 2019 ; Rivière-Honegger et al., 2017). Auquel cas, ils gagneraient à être enrichis par des informations méta-textuelles (caractéristiques socio-démographiques des auteurs, etc.), ce qui n’a pas été possible pour cette étude.

Aujourd’hui, l’organisation de concours d’écriture, et plus généralement les études portant sur l’analyse de discours, trouvent avec acuité leur place pour nourrir le débat sociétal sur l’aménagement futur du Rhône en écho avec l’engagement pris par le gouvernement  de « consulter et [d’]associer le public (...) sur chaque étude environnementale » dans le cadre de la loi d’aménagement du Rhône de 2021 (Chauvet, 2022). Poursuivre l’expérimentation dans ce champ de recherche constitue un pas de plus vers une gestion plus participative du fleuve, telle que stipulée par l’article 14 de la Directive-Cadre européenne sur l’Eau (DCE) : « (14) Le succès de la présente directive nécessite une collaboration étroite et une action cohérente de la Communauté, des États membres et des autorités locales, et requiert également l’information, la consultation et la participation du public, y compris des utilisateurs » ((Directive n°2000/60/CE du 23/10/00 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JOCE n° L 327 du 22 décembre 2000).)).

Conclusion

À partir des méthodes et des outils de l’analyse de données textuelles (Lebart et al., 2019), nous tentons de cerner l’imaginaire spatial du Rhône que les textes littéraires mobilisés laissent découvrir. Cet exercice fournit des pistes pour travailler en interdisciplinarité les lettres et la cartographie. Celle-ci peut, par exemple, nourrir la création poétique, et la littérature peut être l’occasion de travailler sur le repérage et la toponymie, et sur les relations entre les sociétés et leurs environnements. Travailler sur un fleuve comme le Rhône permet donc des approches plurielles : « en tant que lieu de vie, le Rhône intéresse toutes les sciences humaines, et, naturellement, les images et les mythes de la littérature fluviale se retrouvent dans les études des historiens, des anthropologues ou des sociologues » (Magrini-Romagnoli, 2020). Objet de création artistique, si le Rhône demeure bien un « lieu de vie » (Magrini-Romagnoli, 2020) pour les sociétés, il l’est aussi pour les espèces qui y trouvent un habitat, à l’instar des écrevisses ou des loutres au déclin regretté par Isabel Gaudier. L’étude du fleuve considéré comme un socio-écosystème implique un dialogue pluridisciplinaire qui inclut aussi l’écologie.

Si nous montrons qu’une cartographie d’un corpus est, en un certain sens, possible, il reste peut-être à associer plus fortement la carte au texte, afin de saisir non seulement l’espace du fleuve mais aussi les discours géographiques des auteurs. Afin de dépasser les limites de la cartographie statique, une story map (encadré 1) – une forme de représentation hybride, dynamique et articulée autour de supports cartographiques (Caquard et Dimitrovas, 2017) – a ainsi été élaborée pour valoriser non seulement les informations géographiques du corpus, mais aussi leur sémantique.

 


Bibliographie

 

 

Romain MONASSIER
Ingénieur d'études, École Normale Supérieure de Lyon, laboratoire EVS (UMR 5600)

 

Anne RIVIÈRE-HONEGGER
Directrice de recherche CNRS, École Normale Supérieure de Lyon, laboratoire EVS (UMR 5600)

Nadine GUIGARD
Animatrice et coordinatrice du réseau Cap sur le Rhône

 

Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron

Pour citer cet article :

Romain Monassier, Anne Rivière-Honegger et Nadine Guigard, « Des textes aux images : raconter autrement le fleuve Rhône », Carte à la une de Géoconfluences, mai 2022.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/carte-a-la-une/raconter-rhone

Pour citer cet article :  

Romain Monassier, Anne Rivière-Honegger et Nadine Guigard, « Carte à la une. Des textes aux images : raconter autrement le fleuve Rhône », Géoconfluences, mai 2022.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/carte-a-la-une/raconter-rhone

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