Carte à la une : la première carte scolaire (1963), quand les S.I.G. éclairent l’histoire
Bibliographie | citer cet article
Exemple de l’Est Drômois
Les secteurs scolaires dans l'Est drômois (Vercors, Diois, Baronnies), 1964. |
L’histoire, à l’instar des autres sciences sociales, s’est emparée des systèmes d'information géographique (SIG). Ces outils, grâce à la masse de données qu’ils peuvent croiser, permettent de faire de la carte un élément central du raisonnement historique, suscitant des questions nouvelles et permettant de tester des hypothèses. Ce travail en est un exemple.
À partir de 1959, l’État réforme en profondeur le système scolaire de second cycle en créant les collèges contemporains. Une politique visant à rationaliser le réseau d’établissements est menée, avec pour outil la carte scolaire (créée en 1963), qui découpe le territoire en secteurs de recrutement et y associe un type de collège. Trois types de secteurs sont définis : mixte à forte concentration urbaine, mixte (10 000 habitants/600 élèves) auquel on associe un établissement de type C.E.S et rural (6 000 habitants, 400 élèves) équipé d’un C.E.G. Cependant, il semble que malgré cette politique d’uniformisation, la carte scolaire s’adapte à l’hétérogénéité des territoires et soit plus négociée qu’imposée. Cette hypothèse a été testée grâce aux cartes suivantes, réalisées grâce au logiciel QGIS Trois éléments guidant la construction de la carte scolaire ont été mis en évidence : le contexte démographique, l’accessibilité et l’historicité du réseau.
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Figure 2. Les secteurs de la carte scolaire dans l'Est drômois
Les valeurs inférieures aux seuils préconisés par l’administration figurent en caractère gras.
Source : Sous-direction de l’orientation scolaire et professionnelle, Archives départementales de la Drôme, 906W. |
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Un cas à échelle locale : les secteurs scolaires dans l’Est Drômois
L’Est Drômois a été choisi comme cas d’étude en raison de ses caractéristiques géographiques (relief, faibles densités) à priori contraignantes pour la construction du réseau scolaire, mais aussi parce que l’élaboration de la première carte scolaire drômoise, validée fin 1965, est particulièrement bien renseignée((Dossier « carte scolaire » des Archives départementales de la Drôme (906W) répertoriant les documents préparatoires et la correspondance entre les différents acteurs ayant œuvré à la définition des secteurs scolaires.)). Ainsi, dans les montagnes drômoises marquées par l’exode rural, la faible densité de population rend le respect des seuils requis impossible. L’État s’accommode donc de seuils bien en-deçà, en termes de population globale et surtout scolaire, plutôt que de faire le choix d’élargir des zones déjà vastes afin de respecter les seuils préconisés.
Figure 3. Sectorisation dans le Vercours drômois, 1964
En changeant d’échelle, on observe que le découpage prend en compte le relief et le réseau routier, justifiant ainsi le maintien de deux collèges dans le Vercors drômois, dont celui de La Chapelle-en-Vercors (81 élèves seulement) qui dessert le plateau, peu accessible depuis Saint-Jean-en-Royans((Le fond de carte a été réalisé à partir de données contemporaines modifiées grâce aux cartes 1950 de Géoportail, notamment pour les routes.)).
Figure 4. Le réseau scolaire public de second degré dans la Drôme, 1959
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Superposer la carte du réseau de 1964 et celle de la période antérieure aux réformes (1959) permet de faire apparaître un palimpseste révélant que la plupart des établissements préexistaient. La carte scolaire se fonde donc également sur les héritages, les établissements existants ne sont ni déplacés ni supprimés, par souci d’économie mais aussi pour ne pas prendre le risque de susciter le mécontentement des familles et des élus locaux.
Cet exemple permet donc de valider l’hypothèse d’une première carte scolaire qui s’adapte au territoire plutôt que de le nier. L’utilisation des SIG permet de développer une analyse historique à la fois multiscalaire et multifactorielle. La carte doit ensuite être croisée avec d’autres sources pour affiner l’analyse.
Pour compléter :
- Chapoulie Jean-Michel, « À l’apogée de l’initiative d’État sur l’école : le commissariat au Plan, le développement de l’appareil statistique national et la carte scolaire du premier cycle (1955-1970) » , Histoire de l’éducation, n° 140-141, 2014.
- Prost, Antoine, 1992. Éducation, société et politiques. Une histoire des enseignements en France de 1945 à nos jours. Paris, Seuil, 232 p.
- Pinol Jean-Luc, « Les systèmes d'information géographique et la pratique de l'histoire », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 58-4bis, n° 5, 2011, p. 111-126.
- Pinol Jean-Luc, « Les atouts des systèmes d'information géographique – (SIG) pour "faire de l'histoire" (urbaine) », Histoire urbaine, 2009/3 (n° 26), p. 139-158.
>>> De la même auteure, lire aussi : Malorie Ferrand, « La première carte scolaire dans la Drôme et en Ardèche (années 1960) : entre normalisation et négociation », Géoconfluences, mars 2019. |
Malorie FERRAND,
Doctorante, professeure agrégée d’histoire, Université Lumière Lyon II — Laboratoire d’études rurales
Thèse en préparation : Les CEG (Collège d’Enseignement Général) dans l’académie de Grenoble, 1959-1981.
Mise en web : Jean-Benoît Bouron
Pour citer cet article :Malorie Ferrand, « La première carte scolaire (1963), quand les S.I.G. éclairent l’histoire », Carte à la une de Géoconfluences, octobre 2018. URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/carte-a-la-une/premiere-carte-scolaire-1963 |
Pour citer cet article :
Malorie Ferrand, « Carte à la une : la première carte scolaire (1963), quand les S.I.G. éclairent l’histoire », Géoconfluences, octobre 2018.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/carte-a-la-une/premiere-carte-scolaire-1963