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Image à la une. Toulon, le port et la ville

Publié le 19/02/2024
Auteur(s) : Élise Martin, doctorante en géographie, attachée temporaire d'enseignement et de recherche - Université de Saint-Étienne Jean-Monnet

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Le mont Faron est un promontoire idéal pour embrasser du regard la ville de Toulon, son port, sa rade et la mer Méditerranée. C'est l'occasion d'une étude urbaine montrant combien la ville et le port, ou plutôt les ports (civil et surtout militaire) sont imbriqués, tant sur le plan morphologique que sur le plan fonctionnel.

Bibliographie | citer cet article

vue sur Toulon depuis le mont Faron

Document 1. La rade de Toulon depuis le mont Faron, 3 décembre 2023.

 
  • Autrice du cliché : Élise Martin
  • Lieu de prise de vue : Mont Faron, Var, région Provence-Alpes-Côte d'Azur, France
  • Date : 3 décembre 2023
  • Droits d’usage : photographie libre de droits pour tout usage pédagogique, hors usage commercial.

Le regard de la géographe

L’histoire de la ville, comme sa géographie, est liée à la présence du port militaire qui profite d’une position d’abri privilégiée. L'économie urbaine est fortement liée à la mer.

Une ville organisée autour des activités portuaires et militaires

La ville de Toulon s’articule autour et depuis le port militaire. La spécialisation fonctionnelle de la ville autour de la marine militaire est ancienne. Louis XII fit fortifier le site avec la Tour Royale (1514), classée depuis 1947, rachetée par la ville à la Marine nationale en 2006 et restaurée depuis. Aux époques moderne et contemporaine, le site confirme sa fonction avec la construction d’arsenaux et d’un port de guerre complet. Plusieurs batailles et sièges marquent l’histoire de Toulon. On peut penser au siège de la ville en 1793, qui a opposé les royalistes français et britanniques à l’armée de la première République Française, mis en scène dans le film récent Napoléon (Ridley Scott, 2023). Napoléon Bonaparte est promu général à l’issue de la dernière bataille d’un siège de plusieurs semaines. Le port a été aussi le théâtre du célèbre épisode du sabordage de la flotte française pendant la Seconde Guerre mondiale. Les Français coulent leurs navires alors que la zone libre vient d’être annexée et que la marine allemande se prépare à s’emparer de la flotte amarrée à Toulon (Sumpf, 2022).

Document 2. Le sabordage de la flotte à Toulon, le 27 novembre 1942

sabordage de la flotte à Toulon

Auteur anonyme, Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz (BPK, Berlin). Source : voir Sumpf, 2022.

 

Le site d’abri est particulièrement favorable à l’établissement d’un port militaire avec ses deux rades abritées de la houle : la petite (au premier plan sur la photographie du document 1), protégée derrière la presqu’île que contrôlait la Tour Royale, et la grande rade (au deuxième plan), que la presque-île de Saint-Mandrier sépare de la mer Méditerranée (visible à l’arrière-plan).

La base navale de Toulon est aujourd’hui un système portuaire militaire complet, dont une grande partie se laisse observer depuis le point de vue du mont Faron (584 m), accessible depuis le centre-ville par un téléphérique urbain. C’est le lieu de prise de vue du document 1. On distingue notamment sur la base navale : un quai adapté à l’accostage du porte-avions Charles-de-Gaulle, un appontement pour entretenir les frégates multimissions, et un site d’accueil pour les sous-marins d’attaque (SNA), qui sont à propulsion nucléaire mais non des lanceurs d’engins balistiques nucléaires (les SNLE, basés à l’Île Longue près de Brest, lire Biaggi et Carroué, 2020). 70 % de la flotte française est regroupée dans la base navale de Toulon (préfecture du Var, 2023).

Document 3. La rade de Toulon depuis le mont Faron, version commentée

Toulon : photographie commentée

 

À l’échelle de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Marine nationale employait 12 330 personnes en 2016, soit 10,3 % des emplois liés à l’économie maritime (Meyer et Novella, 2017). C’est le deuxième employeur lié à l’économie maritime dans la région derrière le tourisme littoral (69 % des emplois) et devant le transport (10 %). Le port maritime de Toulon, visible sur la photographie (document 3) polarise les flux de touristes qui se rendent en Corse. Des compagnies proposent plusieurs liaisons maritimes avec l’île, à l’instar des ports de Nice et Marseille. Le tourisme apparaît surtout indirectement sur cette photographie prise depuis l’intérieur des terres, mais on devine la plage des Sablettes et la commune touristique de la Seyne-sur-Mer.

La Marine est surreprésentée en PACA par rapport à l’ensemble des régions littorales où elle ne représente que 7,1 % des emplois liés à la mer. Or, à l’échelle de la région PACA, cet emploi est très fortement concentré à Toulon et dans les communes proches (Hyères notamment, où se situe une base aéronavale). La base navale est le premier employeur du Var : 15 000 marins, 20 000 personnels en comptant les civils, soit 12 % des actifs à l’échelle de l’intercommunalité, la métropole Toulon Provence Méditerranée. L’entreprise Naval Group, spécialisée dans les chantiers navals militaires et détenue majoritairement par l’État français, est le premier employeur industriel du département. Même si Toulon n'est pas un port industriel, on y retrouve donc des formes de spécialisation qui permettent à Marie Lécuyer (2023) de parler, à propos des villes portuaires, d'un « monde à part ».

Une ville méditerranéenne littorale fragmentée en cours de requalification

Si la ville s’articule autour de l’activité portuaire, elle possède aussi une vocation résidentielle. La ville s’est développée le long du trait de côtes et dans les terres sur les pentes du mont Faron qui fait office de limite naturelle (document 4).

Document 4. L'étalement et le mitage sur les pentes du mont Faron vus depuis la Tour Royale

Toulon depuis tour royale

Au premier plan, la rade et les bassins civils (lignes régulières vers la Corse) et militaire (porte-hélicoptère amphibie à gauche). Au dessus, au second plan, étalement urbain et course à la vue sur mer dans les périphéries favorisées (voir document 5). Cliché d’Axelle Cap, 2024. Avec l’aimable autorisation de l’autrice.

 

Toulon, ville ouverte sur sa façade maritime, a cru au gré d’apports de populations extérieures. En 1962, elle accueille des rapatriés d’Algérie. Les quartiers de grands ensembles comme la Beaucaire ou encore Saint-Musse sont créés à cette époque pour accueillir 17 000 nouveaux arrivants. Aujourd’hui, comme beaucoup d’autres ville de PACA, Toulon est marquée par une fragmentation socio-spatiale importante. Le centre-ville ancien, en partie dégradé, est marqué par la pauvreté, de même que certains quartiers de grands ensembles classés QPV (quartiers politique de la ville), enchâssés entre le port et l’autoroute urbaine qui traverse la ville (documents 3 et 5).

Document 5. Taux de pauvreté et quartiers politique de la ville dans l'agglomération toulonnaise

Quartiers QPV et pauvreté carte

 

Les hauts de la ville abritent une population plus aisée (versant ouest et sud du mont Faron), de même que certains quartiers périphériques côtiers comme le quartier du Cap Brun ou celui du Mourillon qui forment des îlots à part. Le quartier du Mourillon, situé à l’arrière de la Tour Royale et au pied du fort Lamalgue, est par exemple habité par des familles de militaires, ce qui entretient une forme d’entre-soi résidentiel (document 3).

Les acteurs politiques toulonnais (notamment la métropole) ont engagé une dynamique de rénovation urbaine depuis les années 2000, visant à changer l’image d’une ville pauvre et socialement fragmentée. Très classiquement, la rénovation urbaine se traduit par un réaménagement des axes routiers, notamment le boulevard qui longe le port, rupture visuelle entre la ville et le port, ainsi qu’une politique de « redynamisation » du centre-ville ancien (logements vides, immeubles dégradés). Ce projet de rénovation entraîne des changements visibles dans les rues du centre-ville, à l’instar de la rue d’Alger en cours de gentrification (Hakem, 2022).

Les acteurs politiques de la métropole tentent, d’après leurs discours, d’améliorer la vie quotidienne des habitants mais aussi de retenir les touristes, souvent de passage. Une partie d’entre eux ne se rendent à Toulon que pour prendre le ferry pour la Corse, île située à 230 km direction est-sud-est, et visible par beau temps depuis le mont Faron (document 3) ; d’autres traversent la ville pour gagner des plages situées à l’ouest (Saint-Mandrier) ou à l’est (Le Pradet, Carqueiranne, Hyères…). Les politiques destinées à les capter sur ces itinéraires reposent notamment sur la patrimonialisation des infrastructures militaires héritées : Tour Royale, arsenal, corderies, magasins à goudron ou à poudre. Les touristes peuvent se rendre dans l’un des six musées de la Marine nationale, situé entre le port civil et la base militaire, à côté de la préfecture maritime de la Méditerranée ((Les cinq autres musées de ce type sont situés à Brest, Paris, Port-Louis et Rochefort, cette dernière ville ayant deux musées.))  ou visiter le mémorial consacré au Débarquement d’août 1944 et à la Libération en Provence, récemment rénové sur le mont Faron.

 


Ressources

Bibliographie
Radio
Support pédagogique

 

 

Élise MARTIN

Doctorante en géographie, attachée temporaire d'enseignement et de recherche, Université de Saint-Étienne Jean-Monnet, laboratoire EVS-ISTHME (environnement, ville, société)

 

 

Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron

Pour citer cet article :  

Élise Martin, « Image à la une. Toulon, le port et la ville », Géoconfluences, février 2024.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/image-a-la-une/image-a-la-une-toulon-le-port-et-la-ville

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