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Utiliser "Street view" de Google maps pour étudier des paysages actuels et passés

Publié le 11/12/2025
Auteur(s) : Laurent Pech, enseignant agrégé d’histoire-géographie, IAN - académie de Créteil

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L’outil Street view de Google Maps offre la possibilité de comparer les paysages actuels avec des paysages plus anciens, en remontant jusqu’en 2008, surtout dans les espaces urbains, mieux couverts. Cela permet de donner de l’épaisseur chronologique aux balades virtuelles. Celles-ci ne se limitent plus seulement à l’étude des paysages comme résultats : il devient possible d’analyser des processus, particulièrement les plus rapides et les plus récents, comme l’artificialisation des terres ou la requalification des friches urbaines.

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Un outil du mode « Street view » présent sur l’application Maps de Google donne accès à des photographies anciennes, immédiatement comparables à celles actuelles. Street view est souvent utilisé en classe pour des vues actuelles, par exemple dans le cadre d’une balade virtuelle. Mais l’accès aux photographies de paysages plus anciennes, bien que facile d’accès, n’est pas toujours connu par les enseignants d’histoire-géographie du secondaire, ou de géographie dans le supérieur. Pourtant, il constitue un outil pédagogique qui peut être très intéressant à développer dans le cadre d’analyse de nombreux processus spatiaux à l’œuvre sur le temps court, en particulier dans les espaces urbains.

1. Prise en main de l’outil

L’accès à l’outil « Street view » s’effectue à partir du site Google maps : https://www.google.fr/maps. Il propose le passage en vue horizontale et subjective, donc « à hauteur d’humain », permettant d’entrer dans une démarche d’étude de paysage.

1.1. Accéder aux photographies anciennes sur Google « Street view »

Dans un premier temps, il est essentiel de localiser précisément l’espace à étudier sous forme de paysages : afin d’accéder à l’espace que l’on souhaite arpenter, il faut entrer une adresse ou le nom d’un quartier dans la barre de recherche « Rechercher dans Google maps » (en haut à gauche de l’écran). Le passage au mode « Street view » s’effectue par le choix d’une icône représentant un petit personnage orange, localisée dans l’angle en bas à droite de l’écran. On peut également accéder à cette icône dans l’onglet des « Calques », en bas à gauche, en cliquant sur « Plus » (document 1).

accès à street view

Document 1. Accéder à Sreet View. Capture d’écran Google « Street view » modifiée par Laurent Pech

Une fois sélectionnée, l’icône est attachée au curseur et c’est à l’utilisateur de la positionner dans le lieu souhaité. Le curseur semble attraper le petit personnage orange que l’on peut « lâcher » dans une rue. Google maps passe alors en « Street view ».

Un cadre noir encadre dès lors la barre de recherche située en haut à gauche. Il présente les informations sur la photographie projetée : adresse, ville, région, et surtout la date de la photo. À côté de cette dernière indication, la mention « Voir plus de dates » est visible en bleu. En cliquant sur cette dernière, un bandeau apparaît en bas de l’écran (document 2). Les miniatures des autres photographies proposées apparaissent, rangées de façon chronologique, de la plus récente à droite à la plus ancienne. Les plus anciennes photographies disponibles datent de juin 2008, car « Street view » a été créé par l’entreprise Google en mai 2007.

Confluence 2025

Confluence 2008

Document 2. Accéder à l'option « voir plus de dates ». En haut : le quartier Confluence à Lyon en 2025, avec zoom sur l'option « voir plus de dates ». En bas, une fois l'option activée, le quartier en 2008 et les autres dates disponibles. Captures d’écran Google « Street view », 2025.

« Street view » fonctionne sur le principe de la juxtaposition de photographies de paysages, donnant l’illusion de se déplacer dans des espaces fléchés, orientés, en suivant les tracés des rues. Chaque photographie plus ancienne est associée à un cliché récent censé être la référence de l’expérience sur « Street view ». Se déplacer dans la rue modifie donc la proposition des photographies anciennes. Il est à noter que certaines portions de rues ne sont associées à aucune photographie ancienne.

1.2. Une porte d’entrée pour l’analyse de paysages

« Street view » est un outil très intéressant pour mener une étude paysagère puisqu’il permet à l’élève de se déplacer en faisant avancer la petite icône de personnage orange sur le plan, il peut ainsi se déplacer virtuellement dans l’espace.

En tenant compte de la profondeur temporelle des photos anciennes (2008 pour les plus anciennes) et donc de l’amplitude d’une quinzaine d’années par rapport aux paysages actuels disponibles, il est possible d’observer des évolutions paysagères et certains des processus dont les effets sont perceptibles sur un temps relativement court. La grande faiblesse du nombre de photographies anciennes dans les espaces ruraux incite pour l’instant à concentrer l’usage de l’outil sur des études urbaines.

1.3. Le choix des espaces étudiés

Il est nécessaire de préparer le travail en amont, en particulier en vérifiant la qualité de la couverture de l’espace que l’on souhaite étudier par Google « Street view ». En effet, de profondes disparités existent dans le travail de prises de vues réalisé par Google selon les espaces de la planète.

Les couches photographiques donnant l’illusion de se « promener » dans les paysages correspondent à des clichés mis bout à bout, à la suite des passages de véhicules de l’entreprise Google, les fameuses « Google cars » qui sillonnent les routes et les rues. Cependant, ce travail de ratissage est loin d’être systématique. De profondes inégalités s’observent dans le traitement des espaces à toutes les échelles. À l’échelle mondiale, certains pays ne sont pas accessibles sur « Street view », comme le montre le document 3. C’est le cas de la majorité des pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Quelques pays « avec musée » sont couverts de façon très lacunaire, sous la simple forme de clichés ponctuels de quelques lieux précis, des lieux patrimoniaux, touristiques, prenant la forme d’un balayage à 360° autour d’une position unique (ce que Google appelle des « photo-sphères »). La Chine par exemple n’offre que quelques photo-sphères dans les lieux touristiques comme une dizaine de lieux du centre historique de Pékin, d’ailleurs le plus souvent mis en ligne par des particuliers. Ces inégalités à l’échelle mondiale reflètent les logiques discriminantes de localisation des activités de grandes firmes transnationales dans le cadre de la mondialisation : les pays les mieux insérés dans la mondialisation sont les mieux représentés. Il faut compléter l’analyse par une lecture géopolitique puisque Google se voit refuser l’accès au territoire chinois afin de favoriser le géant local Baidu et son équivalent « map.baidu » qui offre lui une couverture en vue paysagère très large de Pékin, illustrant la guerre commerciale entre GAFAM et BATX.

couverture mondiale du service Google Street View

Document 3. La carte de la couverture du service Google Street View à l’échelle mondiale. Carte de Nandho, domaine public (source).

À l’échelle infranationale, certaines zones ne sont pas couvertes par « Street view » ou n’offrent qu’une vue unique, ne permettant pas d’étude diachronique. Il s’agit le plus souvent d’espaces ruraux comme le montre l’extrait de carte Google maps suivant, réalisé en juin 2025, montrant en bleu les voies couvertes par le mode « Street view » (document 4). La différence de couverture par « Street view » s’explique dans un premier temps par l’inégale densité d’axes routiers. On distingue nettement un écart entre les aires urbaines (Lyon, Grenoble, Valence) ou les grandes zones urbanisées (la vallée de la Maurienne et du Grésivaudan entre Albertville et Grenoble par exemple) au contraire d’espace ruraux tels que les Aires de nature protégée (Parc nationaux des Ecrins, de la Vanoise ou PNR des Baronnies Provençales et Queyras).

couverture street view Alpes et Dauphiné

Document 4. L’excellente couverture de « Street View » sur une portion d’espace français masque les inégalités dans le nombre de vues disponibles, allant d’une seule date à une dizaine depuis 2008.

Mais l’inégale densité routière n’explique pas la plus faible couverture des espaces ruraux dans le temps : nombreuses routes rurales ne présentent qu’une couche photographique, parfois datée de plus de dix ans. Saint-Nazaire-le-Désert, dans la Drôme, n’est ainsi représenté que par des clichés de 2011. On peut envisager que les choix qui sont réalisés par Google dans les réactualisations et les extensions progressives de la couverture photographique sont guidés par l’accessibilité mais aussi la notoriété des espaces (et donc l’intérêt retour des utilisateurs du site), répondant avant tout à des logiques économiques. Les territoires d’outre-mer français en particulier sont largement moins couverts dans le temps par « Street view ».

L’usage de « Street view » et plus encore de l’outil de comparaison de photos plus anciennes dans un but pédagogique n’est donc possible, malheureusement, que pour les espaces urbains des pays et des régions les plus développées et dans lesquels les États-Unis ont des accès privilégiés.

Il convient aussi de vérifier si des photographies anciennes sont disponibles et si l’amplitude temporelle est suffisamment grande pour réaliser une étude comparative. Il faut pour ce faire que Google ait réalisé récemment une actualisation de ses photographies. Par exemple, l’étude du quartier de Boca à Buenos Aires, pourtant gagné par une gentrification et une mise en tourisme intenses qu’il pourrait être intéressant d’étudier, ne dispose de photographies que depuis 2017 ; l’écart avec les photos les plus récentes est donc pour l’instant trop faible pour que les évolutions à l’œuvre dans ce quartier soient visibles. L’agglomération du Caire n’est couverte que sur quelques axes et chacun que par une unique photographie. Google « Street view » ne permet pas dans ce cas d’observer l’extension urbaine du Caire sur le plateau de Gizeh ou en direction de la nouvelle capitale administrative à l’Est du Nil.

La profondeur temporelle entre photographies anciennes et récentes disponibles, d’un peu moins de vingt ans, permet d’étudier des processus dont les effets sont perceptibles sur un temps relativement court. Ainsi, une déprise rurale entamée sur plusieurs décennies peut s’avérer être un processus trop lent pour être visible sur les paysages proposés.

De même, les processus s’étant déroulés et accomplis avant 2008 ne permettent pas d’analyses intéressantes à partir de cet outil numérique. Par exemple, les remembrements successifs, opérés entre les années 1950 et 2010 dans la majorité des régions de France, sont un processus trop avancé en 2008. Il est alors plus pertinent d’utiliser les photographies aériennes ou les cartes IGN, proposées dans une démarche comparative par un outil comme « Remonter le temps » de l’IGN.

2. Pertinence de l’outil : observer des processus urbains sur le temps court

L’outil « Street view » de Google Maps donne accès à des photographies qui permettent d’élaborer un travail d’analyse comparée des paysages sur le temps et ainsi d’observer, de décrire et d’analyser des évolutions paysagères. Deux remarques sont fondamentales à prendre en compte pour pouvoir définir les usages de cet outil.

2.1. Quels processus géographiques sont observables ?

Nous pouvons dresser une liste de processus spatiaux pour lesquels Google « Street view » fournit une possibilité d’étude dans le temps. Ces processus s’inscrivent en différents moments des programmes du secondaire en géographie.

Géoconfluences est un complément très intéressant pour enrichir les analyses géographiques évoqués. En effet, la banque d’images proposée par le site permet d’accéder à des articles reposant sur des vraies photographies d’auteur, prises sur le terrain, datées et légendées.

Document 5. Exemples de processus observables et niveaux scolaires associés
Processus Éléments observables Exemples d’espace étudiable

Niveaux scolaires

Étalement urbain, urbanisation
  • réduction de l’espace agricole
  • densification du bâti (habitat, zone d’activité commerciale, industrielle, de loisirs…)
  • construction, densification d’infrastructures de transports (routes, gares…)
  • densification des espaces urbains (projets immobiliers remplaçant les « dents creuses », phénomène du « BIMBY »)
  • Les zones commerciales de périphérie des métropoles : long de la N19, entre Brie-Comte-Robert et Servon (Seine-et-Marne)
  • zone de Stratford (Montfichet road), Londres

4e, 3e, 1re

Gentrification de quartiers urbains
  • mutation des modes de déplacement (développement des mobilités douces…)
  • valorisation des espaces publics (mobilier urbain, voirie, espace laissé aux piétons…)
  • valorisation du bâti (ravalements de façades, place de l’art urbain…)
  • transformation des services (notamment l’offre commerciale)

4e, 3e, 1re

La métropolisation et ses effets
  • uniformisation des services (grandes enseignes)
  • gentrification et inégalités sociaux-spatiales : mutation de certains quartiers à travers les services, les équipements publics
  • verticalisation de la silhouette urbaine
  • construction d’équipements monumentaux emblématiques

4e, 1ère

Réhabilitation d’espaces urbains (requalification, aménagement de friches)
  • requalification : attribution de nouvelles fonctions à du bâti
  • aménagement de friches (construction, transformation, densification…)
  • renaturation : plantation d’arbres, végétalisation, bassins et plans d’eau, zones humides urbaines…
  • New Build gentrification par la transformation d’espaces industriels, logistiques ou portuaires en résidences

3e, 1ère

Mise en tourisme
  • transformation des services (restaurants, cafés, magasins de souvenirs…)
  • modes d’occupation des espaces publics (terrasses, espaces de promenades…)
  • temporalités du tourisme : travail sur les dates des photographies
  • surtourisme et surfréquentation

4e, 2nde

Habiter dans un espace urbain ou périurbain
  • les modes de déplacement
  • les services disponibles
  • les types d’habitat
  • Toute métropole couverte par le service « Street view » de Google maps

6e

Géoconfluences vous encourage à nous envoyer vos propositions. Vérifiez que la comparaison entre deux dates est pertinente, puis trouvez le bouton « partager » (soit en haut à droite, soit dans le bandeau blanc à gauche). Copiez le permalien et transmettez-le nous via le formulaire de contact !

2.2. Premier exemple : artificialisation des sols et urbanisme de « boîtes à chaussures » en Île-de-France

Le cas de la N19, entre Brie-Comte-Robert et Servon (Seine-et-Marne), est à étudier avec carte et photos satellites, permettant d’observer l’emprise au sol actuelle ou des aménagements en cours. Ces documents peuvent être issus de Google maps, par commodité, mais Géoportail fournit des cartes et photographies aériennes de bonne qualité. Pour l’instant, la carte IGN locale (1:10 000e) dans l’édition que propose Géoportail n’intègre pas encore les aménagements de la vaste zone d’activités le long de la N19.

N19 en 2008

N19 en 2025

Document 6. Deux vues d’une portion de la N19/E54, entre Servon et Brie-Comte-Robert, en 2008 et 2024. Captures d’écran Google « Street view » (permalien).

L’analyse comparée des deux photos de paysages permet de mettre en avant les bouleversements causés par la construction de zones d’activités le long de la route nationale (le déplacement du point de vue permet de se rendre compte de l’étendue de cette zone d’activité).

L’axe a été réaménagé par un doublement de la largeur de la voie, par la création d’un terre-plein central. Les champs de part et d’autre ont été remplacés par des bâtiments et les abords de la route ont été aménagés pour des modes de circulations « douces », comme une voie pour vélos et piétons. C’est un exemple concret de l’artificialisation et de l’imperméabilisation des sols : la destruction de sols agricoles, remplacés par le bâti commercial et les parcs de stationnement. On retrouve les grandes marques de l’habillement (Gémo, du groupe Éram) ou de l’industrie agroalimentaire (KFC, les « poulets frits du Kentucky »). Les urbanismes surnomment ce type de bâti « urbanisme de boîtes à chaussures », par analogie avec la forme des hangars, des parallélépipèdes juxtaposés à distance les uns des autres.

2.3. Deuxième exemple : la gentrification de quartiers urbains centraux

Le quartier du Panier, dans le IIe arrondissement de Marseille, a longtemps été un territoire très populaire, sur lequel était projeté un imaginaire plutôt péjoratif (saleté, trafics, insécurité, réputation reposant sur plusieurs affaires ayant défrayé les chroniques médiatique et judiciaire comme celle du « Combinatie » dans les années 1950). Le quartier proche du Vieux Port est cependant marqué par un fort mouvement de gentrification reposant à la fois sur des aménagements concertés (Mucem, Euroméditerranée) et sur des transformations plus spontanées, s’associant à une éviction des catégories populaires au profit de populations plus aisées. L’image du quartier a été considérablement améliorée par la série « Plus belle la vie » dont le quartier fictif du Mistral est directement inspiré du Panier, même si les tournages ont été réalisés sur des plateaux à la Belle de Mai, hors de Marseille. Cette série a participé à introduire le Panier dans la culture populaire en lui associant une image d’espace de territoire populaire et chaleureux.

On peut prendre en exemple la rue Sainte-Françoise qui aboutit à la Place des 13 Cantons (lien Google Maps). De cette place débutent une impasse (l’Impasse Sainte-Françoise) et deux rues dont la rue du Petit Puits.

La comparaison des photographies de paysage datant de 2008 avec celles récentes de 2023 permet de réaliser une étude des mutations de cet espace urbain touché par la gentrification. Il faut ensuite compléter avec d’autres sources pour mesurer les évolutions antérieures à 2008, et pour changer d’échelle et dépasser la simple observation locale contextuelle.

Eléments d’analyse :

  • Les équipements de l’espace public urbain témoignent d’une mise en conformité du quartier avec les critères urbains contemporains : un développement de la piétonnisation des voies à travers l’apparition de poteaux anti-stationnement, l’élargissement de l’espace piétonnier et l’étalement de l’espace occupé par les terrasses de cafés et restaurants.
  • Les façades ont connu des réhabilitations qui sont autant de revalorisations esthétiques : de nombreuses façades ont été ravalées, l’art urbain s’est multiplié (graffiti, tableaux accrochés dans rue, document 7), on note également une progression de la végétalisation des façades (plantes grimpantes sur les murs, pots de fleurs accrochés).
  • On remarque plusieurs changements de fonction de locaux commerciaux qui donnent lieu à une apparition d’ateliers et de galeries d’artistes, des cafés.
  • Ces réorientations fonctionnelles correspondent à un développement du tourisme dans le quartier. La mise en tourisme est visible à travers l’apparition de boutiques de souvenirs, de locations de meublés (« Gîtes à louer » sur la Place des 13 Cantons (document 8) et la création d’un musée de la pétanque utilisant une image « pittoresque », liée à une projection d’imaginaire, de la ville de Marseille. Les noms (« Mistral ») et les couleurs (bleu ciel) des commerces jouent également sur une image attendue et reconstruite.

rue Sainte Françoise 2023

rue Sainte Françoise 2008

Document 7. Le 34 rue Sainte-Françoise à Marseille, captures d’écran Google « Street view », photographies de février 2023 et juin 2008.

13 cantons 2023

13 cantons 2008

Document 8. La place des 13 Cantons à Marseille, captures d’écran Google « Street view », photographies de février 2023 et juin 2008.

Ce travail, s’il est conduit en classe, peut mener les élèves jusqu’à une démarche d’enquête de terrain pour analyser de façon précise les activités économiques du quartier. En effet, outre les photographies de paysage, Google maps permet d’accéder de façon simple à la fiche Google des commerces présents, donnant ainsi le nom, des photos de l’intérieur des locaux, des commentaires de « e-réputation » et même les prix pratiqués pour les restaurants, cafés ou boutiques.

L’accès à des prix indicatifs pour des magasins ou des restaurants peut permettre de faire des hypothèses sur le type de clientèle visée par ces établissements, et donc de toucher du doigt la question du renouvellement social et des formes de valorisation économique et symboliques du quartier propre à la gentrification (document 9).

fiche établissement

Document 10. Exemple de fiche établissement accessible en cliquant sur l’icône restaurant.

3. Intérêts et limites de l’outil

3.1. Les intérêts

  • L’outil permet le travail sur la comparaison de paysages à plusieurs dates de façon assez simple et ludique, sans changer de fenêtre internet
  • Dans un cadre scolaire, les élèves peuvent se déplacer à l’intérieur d’un espace dans le mode « Street view », ce qui permet une étude complète, se rapprochant de la démarche d’étude de terrain
  • L’outil permet d’accéder à des espaces très éloignés de façon immersive, pour peu que l’espace recherché soit bien quadrillé par les images de l’entreprise Google, comme c’est globalement le cas des principales métropoles mondiales.
  • L’outil permet également de questionner la temporalité de l’occupation de l’espace : l’analyse des dates précises des prises de vue peut s’intégrer dans une réflexion sur la saisonnalité du tourisme par exemple. Cette saisonnalité est visible dans le cas de l’étude sur le quartier du Panier à Marseille par exemple. À l’inverse, on pourra constater la présence permanente des touristes en grand nombre à Venise, quelle que soit le mois de la prise de vue dans l’année. Interroger le paratexte, ici les métadonnées, des photos de paysages permet de travailler l’esprit critique des élèves.

3.2. Les limites géographiques et pédagogiques de l’outil

  • L’inégalité de la couverture de « Street view » sur l’espace mondial : à toutes les échelles, la majorité des espaces ne bénéficie pas de photographies anciennes. Les espaces ruraux sont beaucoup moins bien couverts par « Street view », entre espaces absents et ne disposant que d’un unique cliché de paysage. Au sein d’espaces urbains de grandes métropoles, la disparité est également forte.
  • Pour l’enseignant, il est essentiel d’encadrer très précisément la recherche et l’itinéraire réalisé ensuite par les élèves, afin d’éviter de perdre certains sur d’autres itinéraires et de ne pas diluer les observations sur des détails ayant un faible intérêt pour l’étude menée.
  • L’une des limites sur le plan scientifique a trait à la démarche elle-même, l’entrée par le paysage. Le paysage étant l’étendue qui se présente devant l’observateur, il se limite donc à ce que le sujet voit, il est totalement dépendant et délimité par le point de vue. L’outil « Street view » ne permet donc pas à lui-seul une étude spatiale et en particulier ne permet aucune réflexion multiscalaire. Les vues paysagères doivent donc être associées à des documents complémentaires, en particulier des textes et des cartes ou des images satellites. Sur ce thème, je ne saurai que trop conseiller l’outil de l’IGN « Remonter le temps ».

Ici, il s’agit bien d’observer, donc d’appréhender des phénomènes par le regard, en ayant conscience des limites de cette démarche.

3.3. Limites éthiques et précautions

L’usage d’un outil émis par une FTN, un géant du net relevant du droit états-unien en particulier, doit toujours s’accompagner de précautions.

  • Comme tout outil numérique, il convient de respecter scrupuleusement le cadre de la RGPD. En cela, Google maps ne pose pas de problème majeur puisqu’il n’est à aucun moment besoin de se connecter. Il n’y a donc pas de risque quant à la diffusion de données personnelles des élèves.
  • En ce qui concerne le droit d’utilisation des images, par exemple dans des documents projetés ou distribués aux élèves, la politique de Google est relativement ouverte : en l’absence de but commercial, il est possible d’utiliser les images à condition de ne pas retirer les crédits visibles sur les captures d’écran (y compris ceux de pourvoyeurs d’image tiers comme Airbus sur les images satellite par exemple).
  • Sur le plan éthique, on peut considérer que la mise en activité des élèves devant un outil non institutionnel intégrant une logique commerciale est discutable, en particulier pour les niveaux les plus jeunes en collège. En effet, la recherche sur Google maps renvoie également à une géolocalisation des commerces et en particulier la mise en avant des grandes enseignes internationales (logos des marques Starbucks, Zara visibles dès la couche carte ou photo satellite de Google…). Les établissements qui s’affichent en premier ont parfois payé pour cette visibilité et il existe donc une forme d’exposition à la publicité en utilisant Google Maps. Google est aussi perméable aux demandes des États et du pouvoir politique, et l’entreprise a ainsi accepté de faire figurer la mention « Golfe d’Amérique » à côté de celle de « Golfe du Mexique », obéissant ainsi à une impulsion de Donald Trump. Il en va donc de la responsabilité de l’enseignant qui organise ces séances d’informer les élèves de la dimension commerciale et non neutre des services proposés par le géant californien.

Conclusion

Le mode photographies plus anciennes de l’outil « Street view » de Google maps est un outil intéressant pour entrer dans l’étude des espaces par les paysages. Cette entrée par les paysages est une clé recommandée par les programmes scolaires. Si l’inégale couverture proposée par « Street view », est encore une limite importante, l’outil demeure pertinent pour les aires urbaines. Les espaces manquants sont d’ailleurs voués à se réduire avec le temps, la couverture étant censée s’étendre et s’épaissir au fil des passages des véhicules Google sur tous les axes routiers. Le manque de profondeur temporelle s’atténuera mécaniquement avec les années qui nous séparent de la mise en route en 2008. Il reste simplement à espérer que l’entreprise Google ne supprimera pas les photographies les plus anciennes archivées, une hypothèse possible pour des raisons économiques de stockage des données.


Bibliographie

Sur le paysage
Des articles scientifiques et des documents pour travailler sur des vues diachroniques avec Géoconfluences
D'autres ressources sur les balades urbaines

Mots-clés

Retrouvez les mots-clés de cet article dans le glossaire : artificialisation | balade virtuelle | gentrification | paysage.

 

Laurent PECH

Enseignant agrégé d’histoire-géographie, interlocuteur académique au numérique (IAN) de l’académie de Créteil.

 

Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron

Pour citer cet article :  

Laurent Pech, « Utiliser "Street view" de Google maps pour étudier des paysages actuels et passés », Géoconfluences, décembre 2025.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/de-villes-en-metropoles/savoir-faire/utiliser-street-view-pour-etudier-des-paysages-actuels-et-passes