Entreprise transnationale, multinationale, firme transnationale (FTN, FMN...)
Les entreprises transnationales sont les entreprises installées dans plusieurs pays. Les programmes scolaires tendent à imposer l'expression « firmes transnationales » ou le sigle FTN (qu’il convient d’éviter, en dehors de la prise de notes), tandis que le langage commun parle simplement des multinationales. On lit parfois aussi FMN pour « firmes multinationales ». Si ces expressions désignent toutes la même chose, l'expression « transnationales » apporte une nuance : ces entreprises ne se contentent pas d'être présentes dans plusieurs pays, elles passent à travers les frontières pour optimiser les bénéfices de leurs activités, elles passent en quelque sorte « à travers » les États, sans pour autant faire disparaître le rôle de ces derniers dans l'économie. Elle jouent avec les différentiels (économiques, législatifs, normatifs, etc.).
La mondialisation économique et la baisse généralisée des barrières douanières entre les pays, encouragée par le GATT puis l'OMC, ont permis aux entreprises de relocaliser leurs activités dans les pays dotés des meilleurs avantages comparatifs : le siège dans les grandes métropoles riches, les activités de haute technologie dans les espaces attirant la main d'œuvre qualifiée, la production là où la main d'œuvre est la moins chère et les législations moins contraignantes.
Les entreprises transnationales sont, avec les États, les institutions internationales et les organisations non gouvernementales, les principaux acteurs de la mondialisation (l'augmentation des échanges de tous ordres) et de la globalisation (la généralisation mondiale du capitalisme). Elles sont le plus important acteur privé ; en tant qu'actrices géographiques, elles jouent plusieurs rôles dans des domaines différents :
— Dans le domaine économique, elles participent à l'emploi. Les relocalisations entraînent la destruction d'emplois dans un territoire et la création d'emplois dans un autre. Toutes les relocalisations ne sont pas dirigées des « Nords » vers les « Suds ». Les entreprises transnationales contribuent aussi à la richesse nationale des pays où elles sont installées par le biais des impôts, même si elles privilégient la fiscalité la plus avantageuse pour elles, ce qui peut inciter les territoires à réduire les taxes pour les attirer (comme dans le cas des zones franches, par exemple les ZES). Elles contribuent également à la métropolisation en accentuant la concentration dans les plus grandes villes des capitaux et de la main d'œuvre qualifiée.
— Dans le domaine environnemental, les grandes entreprises jouent un rôle majeur dans le prélèvement des ressources, la production de gaz à effet de serre (GES), et la production de déchets. Selon Mickaël Correia (2022), plus de la moitié des émissions de GES d'origine industrielle dans le monde sont imputables à seulement 25 entreprises (dites climatocides ou criminelles climatiques). La fuite en avant extractiviste est l'un des points sur lesquels elles peuvent entrer en conflit avec les ONG environnementalistes qui exigent que les entreprises assument les coûts environnementaux associés à leurs bénéfices économiques. De leur côté, les entreprises cherchent à se prémunir de toute atteinte à leur image en se montrant les plus vertueuses possibles, soit par des actions réelles, soit par un simple verdissement de façade (le greenwashing).
— Dans le domaine culturel, les entreprises transnationales contribuent à diffuser leur culture d'origine dans les pays où elles s'implantent. Historiquement, les échanges d'idées empruntaient les routes commerciales. Les exemples récents les plus évidents sont à puiser dans l'alimentation avec des marques comme McDonald’s ou Coca Cola, mais on peut également penser aux vêtements, aux géants du cinéma, aux entreprises liées à la télévision, aux GAFA ou GAFAM ou aux BATX, mais également à la diffusion des pratiques bancaires, assurancielles, voire de logement : Claire Aragau (2018) donne l'exemple d'un lotissement construit par Bouygues en Pologne sur le modèle pavillonnaire « à la française ». Cette diffusion culturelle n'est donc une américanisation qu'en partie seulement : toutes les multinationales ne sont pas américaines, de plus certains de leurs produits phares viennent d'ailleurs (la pizza pour Pizza Hut...), et elles sont souvent contraintes d'adapter leurs produits aux besoins et aux habitudes des pays dans lesquels elles s'implantent. L'uniformisation est également architecturale et paysagère avec la généralisation de l'architecture internationale pour les tours de bureaux dans les grandes métropoles. Là encore, l'uniformisation n'est que partielle puisque chaque ville tient à se distinguer des autres par l'originalité des projets retenus.
— Dans le domaine politique enfin, les entreprises transnationales peuvent agir pour infléchir les législations nationales à leur avantage par lobbying, par exemple en empêchant l'interdiction d'un produit, en finançant des études censées prouver l'efficacité ou l'innocuité de leurs produits et de leurs pratiques, en particulier dans les domaines de l'agroalimentaire, de la chimie, de l’énergie ou encore de la pharmacie. D'une manière plus générale, elles diffusent un ensemble de valeurs qui leurs sont propres dans l'ensemble de la société, notamment grâce à une présence marquée dans l'espace public à travers la publicité. Les territoires, dans une recherche de compétitivité visant à attirer les entreprises et créer des emplois, peuvent être amenés à devancer leurs demandes, et donc à infléchir leur propre politique en direction d'actions que les dirigeants politiques estiment être attractives pour les entreprises. Certaines entreprises en jouent et mettent les territoires en concurrence sans s'en cacher, comme Amazon qui a lancé un appel à candidature entre les villes états-uniennes pour accueillir un nouveau site et plusieurs milliers d'emplois.
(JBB) juin 2018. Dernières modifications : décembre 2018, mai 2024.
Références citées
- Claire Aragau, « Le périurbain : un concept à l’épreuve des pratiques », Géoconfluences, avril 2018.
- Correia Mickaël, Criminels climatiques, enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète. Éditions La Découverte, 2022.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Simon Renoir, « Cinéma et production audiovisuelle : la France dans la mondialisation culturelle », Géoconfluences, octobre 2024.
- Benjamin Claverie, « Le port sec de Xi’an : un aménagement logistique entre développement local et insertion de la Chine dans la mondialisation », Géoconfluences, septembre 2024.
- Benjamin Claverie, « La rangée portuaire chinoise et ses arrière-pays, connecter la Chine au Monde », Géoconfluences, avril 2024.
- Jean-Benoît Bouron, « Carte à la une. Les 500 entreprises les plus riches des États-Unis : une clé d’analyse de la puissance économique », Géoconfluences, mai 2023.
- Laurent Carroué, « Le boom des hydrocarbures non conventionnels dans le Bassin permien (Texas et Nouveau-Mexique, États-Unis) », Géoconfluences, juin 2022.
- Laurent Carroué, « Swift : le réseau international de messagerie au cœur de la mondialisation financière face à la crise ukrainienne », Géoconfluences, mars 2022.
- Fabrice Clerfeuille, « Le conflit autour du projet minier « Montagne d’or » en Guyane au prisme de la géopolitique locale », Géoconfluences, mars 2022.
- Khac Minh TRAN, « La métropolisation de la région de Hô Chi Minh Ville : industrialisation globalisée, urbanisme de projet et concurrence intra-régionale », Géoconfluences, octobre 2021.
- Victor Piganiol et Vincent Aulnay, « La France d'AirBnB », Carte à la une de Géoconfluences, mai 2021.
- Cynthia Ghorra-Gobin, « Mondialisation et globalisation », notion à la une de Géoconfluences, décembre 2017.
- Judicaëlle Dietrich, « Politiques de l’eau et lutte contre la pauvreté à Jakarta, un rendez-vous manqué », 2020. À Jakarta, la gestion de l'eau est en partie confiée à des entreprises multinationales et à des ONG.
- Le concentré de tomate, un produit agro-industriel mondialisé, brève de juillet 2017 sous forme de carte.
- L'accès à internet en Afrique, un défi pour les entreprises transnationales, brève de septembre 2016.
- Nestlé : documents sur une firme transnationale, brève d'avril 2014.