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Image à la une : une marge urbaine, la gare de la rue d'Avron à Paris

Publié le 28/06/2017
Auteur(s) : Éloïse Libourel, docteure en transports, agrégée de géographie, chercheuse associée au LVMT, professeure en CPGE - lycée Marcelin-Berthelot, Saint-Maur-des-Fossés

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Ouverte progressivement au milieu du XIXe siècle, la ligne de chemin de fer de Petite Ceinture de Paris est d’abord destinée au transport de marchandises, puis ouverte aux voyageurs. Aujourd’hui inexploitée, la ligne et ses gares offrent un espace interstitiel qui fait l’objet de différents types de réappropriations.

Citer cet article

gare d'avron petite ceinture france des marges

Gare de la rue d’Avron, sur la Petite Ceinture (Paris, XXème arrondissement)
Date de la prise de vue

Décembre 2016

Autrice de l'image

Éloïse Libourel

Localisation

carte localisation gare d'Avron et petite ceinture ferroviaire

La gare de la rue d’Avron se situe sur le chemin de fer de Petite Ceinture, dans le XXème arrondissement de Paris, juste au nord de la rue qui lui donne son nom, au niveau de la Porte de Montreuil. 48° 51' 12" nord, 2° 24' 27" est

La gare est située dans un des quartiers les plus densément peuplés de la capitale : de part et d'autre du périphérique, certains secteurs atteignent 30 000 habitants par km². Cependant, la bande située entre le boulevard des Maréchaux et le Boulevard périphérique a longtemps été un espace marginal : aux fortifications ont succédé la « Zone », territoire informel des « Apaches », puis les équipements sportifs consommateurs d'espace. La présence du siège de la CGT à Montreuil rappelle le passé ouvrier de la « banlieue rouge ».

Le regard de la géographe

La gare de la rue d’Avron est une gare de voyageurs désaffectée, située sur l’ancienne ligne ferroviaire de la Petite Ceinture à Paris. Cette voie desservait certaines usines et reliait les gares parisiennes entre elles. Ouverte en 1895, la gare est fermée en 1934. Le quai et la partie du bâtiment située au niveau des voies sont devenus aujourd’hui un spot pour les graffeurs.

La gare de la rue d’Avron, un haut-lieu du graffiti ?

À l’arrêt du trafic de voyageurs sur la Petite Ceinture en 1934, la gare de la rue d’Avron est fermée au public et, comme les autres équipements destinés aux voyageurs, elle n’est pas réutilisée.

La gare de la rue d’Avron est constituée de deux espaces. Tout d’abord, le bâtiment de la gare proprement dite, accessible par la rue Gambon, a été ravalé et est occupé depuis les années 1990 par un collectif d’artistes, « Les Ateliers d’Avron », qui entretient le site et qui souhaite en faire un lieu d’exposition. Ensuite, la plate-forme d’accès au quai, à hauteur des voies, est quant à elle fermée et entièrement recouverte de graffitis.

La gare de la Rue d’Avron est ainsi devenue l’un des hauts-lieux du graffiti du XXème arrondissement de Paris et de la Petite Ceinture. En effet, si les graffitis sont présents sur une grande partie des équipements de l’ancienne emprise ferroviaire, ils sont particulièrement nombreux sur ce bâtiment. Ils sont aussi bien le fait de street artists renommés que de graffeurs anonymes. De ce fait, la gare est devenue en elle-même une œuvre d’art évolutive.

Cette gare est située sur un tronçon de la Petite Ceinture dont le statut est ambigu. Non aménagé en promenade plantée, il n’est pas officiellement ouvert au public. Toutefois, il est devenu un lieu de promenade et de fête assez fréquenté, d’abord de manière informelle. Face à cette fréquentation, des accès ont été ménagés à plusieurs endroits, si bien que les voies sont en réalité ouvertes.

ancien accès à la gare de la rue d'Avron cliché E Libourel 2016

Ancien accès à la gare de la rue d’Avron. Cliché : Éloïse Libourel, 2016.

La Petite Ceinture, une friche ferroviaire entre requalification et réappropriations

Depuis la fermeture totale de la Petite Ceinture à la circulation des trains de marchandises dans les années 1990, plusieurs projets de remise en service, puis de transformation ont vu le jour.

Des projets avortés de remise en service

La ligne de Petite Ceinture a fait l’objet de nombreux projets successifs. Dès l’annonce de sa fermeture, des projets de réouverture à la circulation ont vu le jour, d’abord dans le cadre des grands événements prévus dans la capitale (un métro automatique pour l’Exposition universelle de 1989 ou pour les jeux olympiques de 2000 auxquels la ville était candidate), puis dans celui de la mise en place d’un tramway autour de Paris. Si au début des années 2000 de nombreux experts ont recommandé de le faire circuler sur les voies existantes de la Petite Ceinture, le choix politique s’est néanmoins porté sur une implantation du tram sur la voierie, sur les boulevards des Maréchaux. Ce choix s’est appuyé sur l’argument d’une meilleure accessibilité et d’une meilleure connexion aux autres réseaux, mais il revêt aussi une portée symbolique, le tram étant ainsi plus visible dans le paysage urbain et participant d’une logique de requalification des Maréchaux.

Des projets de transformation en coulée verte

La plupart des projets de requalification impliquent l’abandon progressif de la vocation ferroviaire de la Petite Ceinture pour en faire un anneau de promenade. Le premier projet, qui date de 2006, est la transformation en coulée verte, sur le modèle de la coulée René Dumont sur l’ancienne ligne de Bastille. En 2013, un premier tronçon est ouvert dans le XVème arrondissement, entre la place Balard et la rue Olivier de Serres. Un second tronçon est ouvert au niveau de l’ancienne gare de la place de Rungis, dans le XIIIe arrondissement, en 2016. Toutefois, la transformation en promenade plantée de l’intégralité de la ligne, outre son coût, pose le problème de l’aménagement des tronçons en tunnel comme celui qui passe sous les Buttes Chaumont. Par ailleurs, un projet de piste cyclable existe également, en parallèle de la promenade plantée, l’idée étant de permettre le contournement de Paris par les cyclistes à l’abri de la circulation automobile. Dans tous les cas, la Mairie de Paris et la SNCF, propriétaire des voies, ont la volonté de garantir la réversibilité des aménagements, afin de ne pas empêcher une éventuelle remise en service ferroviaire.

café de la flèche d'or et accès à la petite ceinture cliché E Libourel 2016

Le café de la Flèche d’Or dans le XXème arrondissement dispose d’un accès aux voies de la Petite Ceinture. Cliché : Éloïse Libourel, 2016.

Des formes diverses de réappropriation

Dans le même temps, la Petite Ceinture fait l’objet de diverses réappropriations par les habitants. La première remonte à la fin des années 1990, avec la création des « Jardins du Ruisseau » au niveau de la Porte de Clignancourt, le long des voies. Quoique l’initiative de ces jardins revienne aux habitants, ils ont été institutionnalisés et des actions de la Mairie de Paris comme le festival « Clignancourt danse sur les rails » attirent de nombreux visiteurs. Ce modèle a essaimé et donné lieu à la création d’autres jardins, notamment dans les XIIème et XIVème arrondissements.

Conclusion : un interstice urbain

La gare de la rue d’Avron est un lieu symbolique de la réappropriation des friches ferroviaires dans Paris. Elle met en évidence plusieurs formes de marginalité. Celle d’un espace théoriquement interdit au public, d’abord, mais dont les accès sont en pratique aménagés. Celle d’un lieu doublement réapproprié, ensuite, tant par l’institutionnalisation d’un lieu d’accueil des artistes dans l’ancienne gare que par le support offert par la plateforme aux street artists reconnus ou non. Celle d’un lieu de rencontre, enfin, pour les jeunes du quartier et pour les familles le week-end.

La Petite Ceinture peut donc être considérée comme un interstice de l’espace urbain, caché des regards de la ville, mais aussi comme un territoire des possibles pour des pratiques artistiques marginales, tout comme pour des pratiques de promenade urbaine alternatives.

 

Pour compléter

 

 

 

Éloïse Libourel
ATER en géographie à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, Laboratoire Ville Mobilité Transport (UMR-T 9403)

Mise en web : Jean-Benoît Bouron

 

Pour citer cet article :

Éloïse Libourel, « Une marge urbaine, la gare de la rue d'Avron à Paris », image à la une de Géoconfluences, juin 2017.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/image-a-la-une/libourel-gare-avron

 

Pour citer cet article :  

Éloïse Libourel, « Image à la une : une marge urbaine, la gare de la rue d'Avron à Paris », Géoconfluences, juin 2017.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/image-a-la-une/libourel-gare-avron

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