[Sur Géoconfluences] L’Union européenne : puissance, territoires et sociétés (ENS Lyon 2024). Ressources classées

Pourtant centrale dans les programmes du Secondaire, l’Union européenne n’a pas été donnée depuis longtemps à la BEL. Il y a donc une lacune à combler au vu des évolutions récentes de l’Union et de ses enjeux géographiques. La formulation de la question invite clairement à un questionnement territorial très spécifique. Il s’agit d’étudier un espace construit politiquement en privilégiant l’approche institutionnelle et leurs problématiques spatiales qui ont une existence désignée dans les politiques de l’UE. Pour autant, sans les traiter de manière exhaustive et systématique comme le font les géographes lorsqu’un groupe de pays est au programme, on ne pourra pas ignorer les réalités des territoires des États constituants de l’Union européenne.

La question de la puissance

Contrairement aux autres puissances, l'Union européenne n'est pas un État, mais plutôt, selon les mots de Jacques Delors, une « fédération d'États-nations » où les gouvernements conservent leur rôle de décideurs principaux, tout en partageant certaines compétences. Parmi celles-ci, on compte les fonds structurels et des politiques à forte portée géographique (politique de cohésion, politique agricole, politique de l'asile etc.), les négociations commerciales internationales, l'euro et la Banque centrale européenne ainsi que, plus récemment, le fonds européen de défense et la coordination des achats de vaccins. Laïdi Zaki (La norme sans la force) montre que la puissance européenne passe par l'imposition de normes au monde entier, du moins pour les pays qui veulent accéder au plus gros marché mondial.

Michel Foucher a défini la construction européenne ainsi : « organisation d’une coexistence pacifiée entre des nations européennes volontaires, disposées à nouer des compromis politiques et à exercer ensemble certaines compétences souveraines (...), sous protection de l’allié américain ». Le retour de la guerre sur le continent européen en 2022 invite, de fait, à interroger le projet politique initial, abandonné en 1954, de la CED.

Se pose aussi la question de l’ouverture de l’Union sur le monde : elle révèle à la fois les forces et les faiblesses de sa puissance. À travers les accords commerciaux internationaux, largement critiqués et remis en cause par certains, l’UE cherche à conserver une place de puissance économique mondiale dans une économie globalisée. Il s’agira d’étudier les effets de ces accords sur les territoires à toutes les échelles mais aussi de comprendre comment ils peuvent faire apparaître certaines fragilités de l’UE du fait des contestations. Il s’agira aussi d’étudier la dépendance, mise en lumière par la pandémie de Covid et par la guerre en Ukraine, de l’Union européenne aux pays émergents et, plus largement, au reste du monde, dans les secteurs énergétiques mais aussi industriels, notamment.

Enfin, il s’agira aussi de considérer les concurrences existantes entre les pays membres pour assurer leur influence sur l’ensemble de l’Union et/ou pour représenter l’Union à l’étranger. Si l’Allemagne a longtemps fait figure de moteur de l’UE, sa puissance est aujourd’hui remise en cause en raison de ses choix énergétiques, militaires ou encore démographiques. Néanmoins, le recentrage de l’UE vers l’Est renforce la puissance allemande. D’autres puissances, comme la France, cherche à prendre, ou reprendre, une place centrale dans l’Union afin de renforcer leur puissance à toutes les échelles.

La question des territoires

Il ne saurait s’agir d’étudier pour eux-mêmes les 27 pays membres de l’Union européenne au 1^er janvier de l’année du concours, ni même d’étudier le continent européen dans son entier. Cela dit, la construction de l’entente régionale qu’est l’Union européenne ne saurait faire abstraction ni des spécificités géographiques et sociales de chaque État, notamment de ses territoires situés hors du continent européen, ni des débats sur les limites de l’Europe, puisque tout pays européen peut introduire une demande d'adhésion s’il respecte les valeurs démocratiques de l’Union et s’engage à les promouvoir.

L’expérience du Brexit montre à l’inverse que tout pays membre peut quitter l’Union. Mais l’UE est davantage que la somme des pays qui la compose ; c’est une puissance économique et un acteur géopolitique de premier plan. Il est sans doute encore trop tôt pour mesurer cependant toutes les conséquences du Brexit sur la géographie de l’UE mais il renouvelle la question du couple élargissement/approfondissement et celle des espaces à géométrie variable au sein et au-delà de l’UE (Zone euro, Espace Schengen, AELE, EEE, ALECE, Conseil de l’Europe, etc. et la dernière-née : la communauté politique européenne).

L’Union Européenne n’a pas de réelle compétence juridique en matière d’aménagement des territoires. En revanche, elle agit bel et bien sur la transformation de ces derniers via la mise en œuvre de ses politiques sectorielles par les États et les collectivités (transports, industrie, agriculture, environnement, etc.). Elle co-finance également de nombreux projets d’aménagement portés par les acteurs territoriaux, en particulier lorsque ces derniers correspondent à ses objectifs en matière d’intégration régionale. Cette dimension pourra faire l’objet d’études de cas par les candidats, car la puissance de l’UE se décline à toutes les échelles.

L'Europe politique est un continent en constante évolution. Les années 1990 et 2000 ont été marquées par l'éclatement de plusieurs États en de nouvelles entités indépendantes, qu'elles soient reconnues ou non, ce qui a complexifié la structure politique du continent. Parallèlement, l'élargissement de l'Union européenne et le renforcement de son intégration ont modifié la perception et le fonctionnement de ses frontières. Les frontières internes, bien qu'elles n'aient pas été supprimées, ont perdu certaines de leurs fonctions, tandis que les frontières externes, repoussées à plusieurs reprises, ont vu leurs fonctions de contrôle renforcées. Certaines frontières ont vocation à être dépassées lors de futurs élargissements, tandis que d'autres sont perçues comme définitives et revêtent parfois une symbolique forte. Les frontières sont profondément enracinées dans les territoires qu'elles bornent ou qu’elles mettent en contact, influençant leur fonctionnement et leurs représentations.

Enfin, à une échelle plus fine, il conviendra d’étudier les dynamiques transfrontalières et la création de territoires transfrontaliers grâce aux politiques européennes et aux différents acteurs impliqués dans ces coopérations. Ces dynamiques doivent s’étudier au prisme des politiques d’aménagement mais aussi au prisme de la géographie sociale et culturelle en interrogeant les pratiques d’habiter et les représentations de ces territoires par leurs habitants.

La question des sociétés : « unie dans la diversité »

La devise de l'Union européenne, « Unie dans la diversité », a été utilisée pour la première fois en 2000, au moment où les négociations pour le 5^e élargissement arrivaient à leur terme. Les identités et sociétés européennes sont profondément diverses et complexes, reflétant les multiples héritages historiques, culturels et linguistiques qui composent le continent. L'Europe est le berceau de nombreuses civilisations anciennes et a été façonnée par des échanges culturels et des migrations tout au long de son histoire. Aujourd'hui, l'Union européenne rassemble des peuples aux identités nationales distinctes, tout en promouvant une identité européenne commune basée sur des valeurs partagées telles que la démocratie et les droits de l'homme. Toutefois, il conviendra d’étudier aussi les fragilités de cette union des sociétés notamment à travers les divisions au sujet des politiques migratoires ou encore des politiques de défense. Enfin, la montée des nationalismes ces dernières années dans plusieurs pays de l’Union questionne la volonté des citoyens européens de poursuivre le projet européen tel qu’il a été conçu originellement. Il n’est pas possible de penser la puissance de l’UE sans tenir compte de la diversité de ses sociétés.

L'objectif fondamental de favoriser la cohésion économique et sociale demeure au cœur du projet européen. L'idée sous-jacente est que seule une union librement choisie entre des pays distincts peut être durable et viable si les disparités de développement s'estompent. Ainsi, en complément de la Politique agricole commune (PAC), les Fonds structurels et le Fonds de cohésion s'inscrivent dans une politique globale visant à réduire les écarts entre les régions et les États membres de l'Union européenne. Les candidats sont invités à questionner les résultats obtenus grâce à ces politiques structurelles et sur les perspectives qui en découlent pour l’Europe des régions. Les candidats sont aussi invités à interroger les stratégies des États membres pour percevoir ces aides de l’UE et ainsi les inégalités dans la répartition de ces fonds.

Source : lettre de cadrage du jury.