Espace rural, espaces ruraux
Les espaces ruraux sont des espaces anthropisés, profondément modifiés par les sociétés, sans être pour autant entièrement artificialisés. Ils se distinguent des espaces dits « naturels », peu anthropisés, et des espaces urbains, dont la majorité des sols ont été artificialisés.
Il est difficile de définir les espaces ruraux. Alors que la ville ou la campagne correspondent à des évidences paysagères pour le langage courant (évidences qui ne sont qu’apparentes), les notions d’espaces ruraux et d’espaces urbains témoignent d’une volonté des sciences sociales de s’extraire des intuitions pour définir ces deux catégories d’espace. En réalité, les statistiques ont souvent défini les espaces ruraux en creux, comme le négatif de la ville : sont ruraux tous les espaces qui ne sont pas urbains. Or, la définition de l’urbain étant très variable d’un État à l’autre, il en va nécessairement de même pour la définition en creux de l’espace rural. En outre, les espaces périurbains, selon les approches, sont parfois intégrés aux espaces urbains, parfois considérés comme ruraux, ou bien ils peuvent former une catégorie distincte.En France, cette difficulté à définir le fait rural est visible dans l’évolution de la définition officielle de l’INSEE. Jusqu’en 2021, cet institut considérait comme rurale toute personne vivant dans une commune de moins de 2 000 habitants, c’est-à-dire n’habitant pas dans une unité urbaine. Depuis lors, cette définition, centrée sur l’urbain, a été modifiée pour prendre notamment en compte le critère de la densité de population. En France, les territoires ruraux correspondent aux communes peu denses ou très peu denses d’après la grille communale de densité, soit 88 % des communes en France pour 33 % de la population (Bouba Olga, 2021).
Cependant, si la ville est l’association de la densité et de la diversité, ces deux critères ne sont pas discriminants, car il existe aussi de très fortes densités rurales (en Asie du Sud-Est, dans la région des Grands Lacs africains, dans la plaine indo-gangétique, dans certains espaces périurbains…). Par ailleurs les espaces ruraux sont loin d’être homogènes, ni sur le plan socio-ethnique (par exemple avec la cohabitation, parfois conflictuelle, entre bergers orma, wardei et somali et agriculteurs pokomo dans le delta du Tana au Kenya), ni sur le plan professionnel et social (les agriculteurs n'y sont souvent pas ou plus majoritaires, il y a des espaces ruraux pauvres et d'autres riches), ni sur le plan générationnel.
La définition des espaces ruraux par leur fonction nourricière a pu longtemps être opérationnelle, l’espace rural se caractérisant par la production d’excédent alimentaire, et la ville par sa structure déficitaire. Mais alors que la majorité des ruraux des pays riches travaillent soit en ville, soit dans l’industrie ou les services ruraux, et que beaucoup d’urbains des pays pauvres produisent de la nourriture en ville (jardinage urbain, petit élevage…), cette distinction a perdu du sens. La multifonctionnalité des espaces ruraux, caractéristique ancienne (ils n’ont jamais été uniquement agricoles), ne permet pas non plus de les différencier de la ville.
Plus que des catégories d’espaces, l’urbain et le rural relèvent plutôt aujourd’hui de pratiques spatiales, ce qui pousse des auteurs à parler plutôt d’urbanité ou de ruralité, ces notions désignant des rapports à l’espace différents ou des « modes d’habiter ». Un néorural, dont les pratiques sont urbaines mais qui habite (au sens géographique d’habiter) l’espace rural, peut se définir lui-même comme un rural, de même qu’un périurbain (une personne résident à la campagne mais travaillant en ville) qui pourtant « habite » la ville pendant toutes les heures de travail et une partie de ses déplacements.
(JBB) mai 2019. Dernières modifications : septembre 2020, août 2024.
Références citées
- Olivier Bouba Olga, « Qu’est-ce que le « rural » ? Analyse des zonages de l'Insee en vigueur depuis 2020 », Géoconfluences, mai 2021.
Pour compléter avec Géoconfluences
- [Dossier] Les espaces ruraux et périurbains en France : populations, activités, mobilités
- France : Olivier Vassal, « Réconcilier le vécu avec la statistique : une typologie des communes françaises », Géoconfluences, septembre 2024.
- France : Marie Guilpain, « Aménager des espaces publics favorables à la santé en contexte rural : l’exemple du bourg de la commune d’Augan (Morbihan) », Géoconfluences, décembre 2023.
- Espagne : Yannis Nacef, « Trajectoires des villages désertés des vallées de la Guarga et de la Solana (Haut-Aragon, Espagne) : de l’abandon à l’émergence de communautés villageoises alternatives », Géoconfluences, septembre 2023.
- Éthiopie : Ninon Blond, « Systèmes agricoles dans le Tigray (Éthiopie), entre héritages et recompositions contemporaines », Géoconfluences, mai 2023.
- Colombie : Marion Benassaya, « Paix Territoriale et intégration d’une zone rouge de la violence armée en Colombie par des projets de développement : le cas du barrage d’Ituango », Géoconfluences, novembre 2022.
- Brésil : Hervé Théry, « Rondônia : "anthropisation" d’un État amazonien, 1975-2020 », Géoconfluences, septembre 2022.
- Égypte : Delphine Acloque, « Frontière désertique, front pionnier et territorialisation. Approche à partir du cas égyptien », Géoconfluences, juin 2022.
- France (PACA) : Anne Lascaux, « Carte à la une. La plaine agricole de Berre : essor et déclin d’un espace productif maraîcher français (années 1970-2020) », Géoconfluences, février 2022.
- France (Alsace) : Gilles Muller, « Dynamiques, mutations et recompositions paysagères des territoires ruraux alsaciens », Géoconfluences, mai 2021.
- Vietnam : Jean-Daniel Cesaro, « L’industrialisation de l’élevage au Vietnam, entre marginalisation et spécialisation de la paysannerie », Géoconfluences, novembre 2020.
- Costa Rica : Mathilde Parquet, « Image à la une : L'installation des jeunes agriculteurs dans la petite agriculture familiale au Costa Rica », Géoconfluences, décembre 2018.
- Kirghizistan : Irène Mestre, « Image à la une : les pâturages du Kirghizistan, entre marges et réseaux », Géoconfluences, avril 2014.