Géographie des énergies (ENS Paris 2023) : ressources sur Géoconfluences
Image de couverture : Centrale au charbon et immeuble résidentiel à Francfort. Cliché de Manuel Appert, juin 2013. Source : Manuel Appert, « Mixité extrême à Francfort ? Quand charbon et duplex se côtoient », image à la une de septembre 2013. |
Le texte de cadrage du jury de l’ENS de Paris
Géographie des énergies
Le nouveau programme est une question de géographie thématique intitulée « Géographie des énergies ».
Essentielles aux activités humaines, les ressources énergétiques sont omniprésentes dans la vie quotidienne. Selon le mode de vie et le niveau de développement, des matières premières telles que le bois, le charbon, l’eau, les hydrocarbures, le soleil, le vent, ou encore, des sources plus récemment développées telles que l’uranium, l’hydrogène ou le lithium, sont utilisées sur la planète pour s’alimenter, se chauffer, s’éclairer, se déplacer, travailler, produire des biens, produire une autre énergie, etc.
De plus en plus, énergies fossiles et énergies renouvelables coexistent au sein de systèmes de production, de stockage et de consommation qui évoluent selon les technologies, les orientations politiques, les besoins et les impacts pour les territoires. À ce sujet, la raréfaction des ressources fossiles, la transformation des paysages et des écosystèmes (construction de barrages hydro-électriques ou de réseaux d’acheminement tels que les lignes à haute tension, les oléoducs, les gazoducs), les contaminations (marées noires), le stockage des déchets (nucléaires, notamment) engendrent des interrogations quant au coût environnemental des systèmes énergétiques et suscitent même de vifs débats sur le maintien des infrastructures existantes ou l’implantation de nouveaux sites de production. Récemment, la mise en exploitation systématique de nouvelles matières premières, comme le lithium ou les terres rares, connecte à son tour de nouveaux acteurs et de nouvelles régions à de nouveaux flux commerciaux. La notion de transition énergétique est à la croisée de questionnements géographiques, les défis de la protection de l’environnement et du changement climatique nécessitant des transitions multiples liées à la production et à la consommation énergétiques.
La question énergétique a donc une forte dimension spatiale qui suppose de s’interroger sur les sens précis et les définitions données selon les auteurs et les courants de pensée à des termes tels que source, ressource, matière première, énergie, fossile/renouvelable, mais aussi transition ou accessibilité. Le caractère spatial du secteur énergétique invite à étudier les dimensions productives à travers les régions d’exploitation des matières premières permettant de créer un ou plusieurs types d’énergie ; les systèmes d’acteurs en présence ; les régulations, politiques publiques et stratégies des acteurs privés ; les réseaux de transport, unités de stockage et de transformation ; les impacts environnementaux ; les relations géopolitiques entre les États ; les conflits et tensions liés à valorisation d’une ressource, etc. Mais la géographie des énergies concerne aussi les marchés de consommation et la question de l’accès à l’énergie, a fortiori dans un contexte de pénurie et de renchérissement du coût de certaines énergies. Le développement, au sens d’amélioration du bien-être des populations, passe par un meilleur accès à des sources d’énergie, les populations pauvres ne pouvant couvrir leurs besoins aussi bien dans les pays riches que dans les grands pays producteurs ou dans les régions d’extraction de certaines matières premières. Le paradoxe des pays pétroliers, où la majorité des habitants ne bénéficie pas des retombées économiques de la richesse en hydrocarbures, invite ainsi à interroger les liens entre développement et accès à l’énergie. Plus largement, l’omniprésence de l’énergie du point de vue des usages implique de considérer les effets de la situation énergétique sur différents secteurs de la vie quotidienne (transports, logement, industrie, agriculture et alimentation, informatique…).
La géographie des énergies se déploie à différentes échelles. Au niveau mondial, elle recouvre une géographie du pouvoir où la maîtrise des sites d’extraction et de production constitue un levier au service de la puissance économique et politique. Cette géographie évolue aujourd’hui avec le développement de sources d’énergie alternatives qui participent à l’émergence de nouvelles puissances. Du fait de son caractère stratégique, la question énergétique reste particulièrement attachée à l’échelle nationale, à laquelle sont définies les politiques concernant l’approvisionnement en énergie, l’aménagement du territoire et la consommation des ménages. Cependant, la libéralisation croissante des marchés et la montée en puissance de nouveaux acteurs tend à transformer le rôle des États. Enfin, si la question de l’épuisement des sources d’énergie fossile est particulièrement mise en avant sur la scène internationale, au niveau local l’enjeu fondamental reste celui de l’accès de tous à l’énergie. L’inégale capacité des individus à accéder à cette ressource essentielle au quotidien entraîne des situations de précarité énergétique, ce qui peut contribuer à renforcer la vulnérabilité des plus pauvres en les empêchant de se déplacer, de travailler, etc.
Le jury souligne que la dimension géopolitique de la question énergétique est particulièrement sensible, et importante à étudier. La guerre en Ukraine révèle actuellement les interdépendances des économies et les enjeux géopolitiques des relations commerciales en matière d’approvisionnement énergétique, ainsi que l’aspect matériel et logistique du transport des ressources énergétiques échangées, et le repositionnement rapide des acteurs. Dans certains territoires dans les pays des Suds, l’activité extractive suscite des controverses, les populations locales attribuant une valeur patrimoniale et symbolique aux ressources de leurs territoires, plutôt qu’une valeur utilitariste et marchande, d’où des mouvements de protestation contre les acteurs extra-locaux venus les valoriser selon une vision capitaliste. Le lien entre activités extractives et justice socio-environnementale pourra donc être un angle d’approche particulièrement intéressant.
Les différents courants de la géographie sont concernés et seront mobilisés par les candidats : géographie économique, politique, environnementale, sociale, culturelle ; géopolitique et géoéconomie. Des entrées thématiques, diverses et complémentaires, pourront être privilégiées :
1. Les territoires de l’énergie : une force certes immatérielle mais qui se matérialise à travers des territoires extractifs, des infrastructures de production, des réseaux d’acheminement, des systèmes de stockage, et qui a donc un impact sur les populations qui habitent ces territoires (retombées économiques, risques, etc.)
2. La géopolitique des énergies : un objet stratégique qui cristallise tensions et conflits, tant pour la sécurisation des zones de production et de transport que par l’appropriation foncière et l’impact paysager et environnemental qu’il implique.
3. Énergies et inégalités : parce que la géographie de l’accès aux ressources ne recouvre pas celle de leur disponibilité, les inégalités d’approvisionnement en énergie à différentes échelles posent la question d’un droit à l’énergie et donc des modalités de sa marchandisation/privatisation.
4. Les acteurs des énergies : au-delà des États, des acteurs très divers interviennent dans la production, le transport et la consommation d’énergie ainsi que dans l’appropriation des ressources et la contestation de certains modèles de développement (entreprises privées, populations locales, acteurs politiques, ONG, etc.)
5. Transition énergétique et défi environnemental : la recherche de sources alternatives d’énergie et de nouveaux modes de production, voire de gestion collective des énergies, entraîne des recompositions politiques et fait émerger de nouveaux territoires.
Il est attendu des candidats qu’ils couvrent un panorama large de réalités géographiques, à différentes échelles, et d’entrées thématiques. Les cas étudiés et les exemples seront pris un peu partout sur la planète, dans les pays des Nords comme dans les pays des Suds, mais aussi dans les espaces ruraux, périurbains et urbains. Les analyses à différentes échelles, du lieu de consommation et/ou de production au marché mondial des ressources énergétiques, sont vivement encouragées. Les sujets de géographie régionale sont exclus. Les prises de position et les points de vue militants sont à éviter. Le jury sera particulièrement sensible aux productions graphiques pertinentes et de qualité.
Source : lettre de cadrage du jury.
>>> Voir aussi la bibliographie indicative : Géographie des énergies (ENS Paris 2023) : indications bibliographiques
1. Un dossier
Géographie critique des ressources : énergies, matières, foncier | introduction
2. Glossaire
Brent et autres cours du pétrole | brut (pétrole) | changement climatique | Conduite, pipeline (gazoduc, oléoduc) | conflit environnemental | Conventionnels et non conventionnels (hydrocarbures) ; pétrole et gaz de schiste | GIEC | GNL | énergie | énergies marines renouvelables (EMR) | extractivisme | firmes transnationales | mégaprojet | mix énergétique | OPEP | précarité énergétique, pauvreté énergétique | protocole de Kyoto | réseaux intelligents (smart grids) | ressources | risque technologique et industriel | statistiques énergétiques | Seveso | terres rares, métaux stratégiques | transition | transition énergétique.
3. Articles scientifiques par thème
Les territoires de l’énergie
- Marion Benassaya, « Paix Territoriale et intégration d’une zone rouge de la violence armée en Colombie par des projets de développement : le cas du barrage d’Ituango », 2022.
- Teva Meyer, « Le nucléaire et le territoire : regards sur l’intégration spatiale des centrales en France », 2017.
- Cristina D'Alessandro, « Géographies accélérées du pétrole et du gaz en Afrique orientale », 2017.
- Jacques Guillaume, « Le système productif d'énergie de la Basse-Loire », 2014.
- Manuel Appert, « Image à la une : mixité extrême à Francfort ? Quand charbon et duplex se côtoient », image la une, septembre 2013.
Géopolitique des énergies
- Laurent Carroué, « La révolution du gaz et du pétrole de schiste aux États-Unis : enjeux technologiques, territoriaux et géostratégiques », 2022.
- Pascal Orcier, « Guerre en Ukraine : quelques clés sur un conflit en cours », 2022.
Production énergétique et controverses environnementales
- Laurent Carroué, « Le boom des hydrocarbures non conventionnels dans le Bassin permien (Texas et Nouveau-Mexique, États-Unis) », 2022.
- Stéphane Héritier, « Protéger un animal pour protéger un territoire : l'ours kermode, animal phare de la protection de l’environnement en Colombie britannique », 2019. Quand la protection d’une espèce met un terme à des projets d’infrastructures pétrolières.
- Annaig Oiry, « Développer les énergies marines renouvelables sur la façade atlantique française : entre contestation et planification », 2018.
- Marine Duc, « L’extractivisme sans extraction ? Au Groenland, des politiques de développement territorial entre volontarisme minier et dépossessions », 2017.
- Silvia Flaminio, « L'eau en Australie : de l'exploitation des ressources à la gestion des milieux ? L'exemple du bassin versant du Gordon en Tasmanie », 2017.
- Lionel Laslaz, « Kárahnjúkar, le diable dans l’éden. Hydroélectricité et espaces protégés en Islande », Image à la une, septembre 2016.
Dépendance aux énergies fossiles
- Jacques Guillaume, « Sous pression de la géopolitique de l’énergie, la Norvège, tiraillée entre ses intérêts et ses convictions », Géoconfluences, mai 2024.
- Emmanuelle Santoire, « Edmonton, Alberta (Canada). Un réveil non-conventionnel », image à la une de octobre 2020.
- Lucie Morère, « Les mosaïques d’aires protégées au Brésil, entre protection et développement », 2018. Avec des photos de plantations d’eucalyptus destinés à produire du charbon de bois
- Bernadette Mérenne-Schoumaker, « Afrique du Sud, les défis énergétiques et miniers d'un pays émergent », 2018.
Transports
- Eugênia Viana Cerqueira, « Se déplacer dans une métropole presque dépourvue de transports en commun. L'exemple de Belo Horizonte », 2019.
- Colette Ranély Vergé-Dépré, « Insularité, transports et mobilités. L'exemple de la Martinique », 2019.
- Laurent Guihéry et Marie-Léa Rousseau, « Les traversées transalpines pour le transport de marchandises en Europe : le transport ferroviaire pourra-t-il s’imposer ? », 2019.
Changement climatique et changements globaux
- Magali Reghezza-Zitt, « Sociétés humaines et territoires dans un climat qui change. Du réchauffement climatique global aux politiques climatiques », 2023.
- Étienne Cossart, « Le changement global : un champ scientifique fécond pour le géographe », 2018.
- Julie Le Gall, Olivier Hamant, Jean-Benoît Bouron, « Anthropocène », 2017.
Transition énergétique
- Teva Meyer, « Quelle transition énergétique en Polynésie française ? », 2021.
- Bernadette Mérenne-Schoumaker, « La Scandinavie, un modèle de transition énergétique ? », 2019.
- Jacques Guillaume, « Le potentiel énergétique de l'océan mondial entre contraintes d'exploitation et enjeux de territorialisation » 2014.
Énergie et risques
- Cécile Asanuma-Brice, « Huit ans après Fukushima, où en est le Japon avec l’énergie nucléaire ? », brève de mars 2019.
- Rémi Scoccimarro, « La reconstruction du Tôhoku (nord-est du Japon) après les catastrophes du 11 mars 2011 », 2017.
- Cécile Asanuma-Brice, « Les migrants du nucléaire », 2017.
Pauvreté et précarité énergétique
- Lise Desvallées, « La pauvreté énergétique en Espagne : d’un problème social national à une construction politique locale à Barcelone », 2022.
4. Dans la veille d’actualité
- Matières premières, énergies et transitions énergétiques sur le site Culture Sciences Physique, 2021
- Un atlas mondial des émissions de CO2, décembre 2020
- La gratuité des transports en commun : ressources pour alimenter le débat, mars 2020
- Une étude et des infographies pour comprendre la notion de limites planétaires, septembre 2019
- Après Lubrizol, travailler sur les risques industriels en France, septembre 2019.
- « Le monde construit par la Chine » (New York Times), décembre 2018
- Un important gisement de terres rares découvert dans la ZEE japonaise, 2018
- L'énergie solaire dans le monde : actualité et débats, 2018
- Enseigner les enjeux énergétiques en transdisciplinarité, 2017
- Transport aérien et mondialisation, 2016
- Observer les déplacements en ville : Paris, Lyon, Marseille, 2016
- Des ressources récentes sur la géographie des transports, 2016
- L’énergie électrique en France en 2015 : la transition énergétique, 2016
- La pollution atmosphérique (monde, UE, France, Île-de-France) : de fortes inégalités, 2016
- La mer Noire : enjeux stratégiques, économiques et écologiques, 2015
- Les énergies dans le monde : cartes et statistiques récentes, 2014
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Pour citer cet article :
« Géographie des énergies (ENS Paris 2023) : ressources sur Géoconfluences », Géoconfluences, juin 2022.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/programmes/concours/anciens-prog-concours/energies-ens-ulm-2023-ressources