[Sur Géoconfluences] Les territoires de la décroissance (ENS de Paris 2026). Ressources classées
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Image de couverture : L’enfrichement des villages de Campol et Sasé dans la vallée de la Solana, Haut-Aragon, Espagne. Cliché de Yannis Nacef, novembre 2022, extrait de Yannis Nacef, « Trajectoires des villages désertés des vallées de la Guarga et de la Solana (Haut-Aragon, Espagne) : de l’abandon à l’émergence de communautés villageoises alternatives », Géoconfluences, septembre 2023. |
Le texte de cadrage du jury de l’ENS de Paris, avec liens vers le glossaire de Géoconfluences
Concours A/L et B/L 2026
Les territoires de la décroissance
Le nouveau programme est une question de géographie thématique intitulée « Les territoires de la décroissance ». Les territoires de la décroissance désignent les espaces affectés par des processus de déclin démographique et/ou économique. Dans la littérature scientifique qui lui est consacrée, le terme de décroissance est plutôt associé aux espaces urbains (shrinking cities, schrumpfende städte, villes rétrécissantes) et sert en général à caractériser le « déclin » des grandes villes industrielles européennes et nord-américaines. Toutefois, le programme porte, plus largement, sur les espaces urbains dans le monde qui ne connaissent pas des trajectoires de développement linéaires, de même que sur les espaces ruraux qui sont eux-aussi marqués par des phénomènes de déprise (agricole, industrielle, démographique, etc.).
L’intitulé du programme invite à croiser les approches et les échelles géographiques. Les territoires dont il est ici question désignent aussi bien la maille statistique que l’espace vécu des populations et le cadre d’intervention des politiques publiques. On n’abordera ainsi pas seulement la décroissance à travers ses manifestations dans une perspective alliant géographie économique et géographie de la population, mais on s’intéressera également aux pratiques et représentations des populations qui habitent les territoires considérés, ainsi qu’aux politiques qui visent à accompagner ou contrer la décroissance. D’autre part, les candidats et candidates sont incités à étudier les phénomènes de décroissance depuis les échelles micro-locales jusqu'à l'échelle mondiale où s'observent les phénomènes macro-démographiques et macro-économiques.
Un enjeu essentiel du programme sera évidemment la définition de la décroissance. Si le programme ne définit pas de seuil universel de la décroissance, celle-ci est quantifiable et de nombreux indicateurs sont mobilisés par la littérature scientifique et les acteurs pour la caractériser : le programme incite à en faire une lecture critique. En effet, le choix de ces indicateurs, du pas de temps et du périmètre considérés, ainsi que de l’échelle d’observation influence l’analyse de la décroissance dans ses diverses manifestations. Le jury incite donc les candidats et candidates à faire varier ces paramètres pour qualifier finement les différentes situations de décroissance et ainsi comprendre comment, pourquoi et par qui certains territoires sont qualifiés de décroissants.
Ensuite, la décroissance est toujours pensée par rapport à un état antérieur et/ou aux évolutions économiques et démographiques que connaissent d’autres territoires. La décroissance se déploie selon des temporalités variées, connaît souvent des phases de ralentissement ou d’accélération, des cycles et des tendances, et peut s’avérer réversible. Décroissance démographique et économique peuvent par ailleurs être synchrones ou asynchrones. De même, les candidats et candidates devront prêter attention aux espaces de croissance dans la mesure où les deux processus sont souvent liés. Que l’on pense à la métropolisation, à l’exode rural, aux délocalisations industrielles ou à la périurbanisation, l’attractivité d’un territoire se fait souvent au détriment d’autres qui connaissent alors des crises économique et/ou démographiques plus ou moins durables.
On pourra alors s’interroger sur les facteurs de la décroissance. La décroissance démographique (faible natalité et/ou forte mortalité et/ou solde migratoire négatif) peut être liée à des phénomènes structurels tels que la transition démographique ou l’urbanisation mais aussi à des phénomènes plus conjoncturels (comme les épidémies). Les conflits peuvent générer des formes de décroissance plus ou moins temporaires par les déplacements de population ou les destructions qu’elles génèrent. La décroissance économique pourra être rattachée à la crise du modèle fordiste, au (néo)libéralisme et aux évolutions technologiques mais aussi à l’épuisement des ressources naturelles et aux stratégies des acteurs sans négliger de prendre en compte les facteurs qui tiennent à la position relative des lieux (éloignement, enclavement, position frontalière, etc.). Les candidats et candidates pourront d’ailleurs être amenés à se demander dans quelle mesure décroissance démographique et décroissance économique s’alimentent mutuellement. Enfin, il faudra se pencher sur le rôle spécifique de la puissance publique qui par ses politiques en matière d’aménagement, de transport, de fiscalité ou encore de services publics peut participer à produire des phénomènes de décroissance démographique et économique.
Au-delà de la caractérisation de ces phénomènes de décroissance, il s’agira d’identifier leurs conséquences pour les territoires. Le déclin démographique et la crise des systèmes productifs sont à l’origine de formes paysagères spécifiques : friches industrielles ou agricoles, logements vacants, dents creuses… Ces espaces délaissés peuvent alors attirer des activités informelles – squats, trafics, occupation illégale mais aussi urbex et pratiques artistiques – et constituent des enjeux pour les pouvoirs publics en termes de prévention des risques (incendie, pollution des sols, effondrement des infrastructures…). Ce sont également des traces mémorielles qui peuvent faire l’objet d’une patrimonialisation, parfois conflictuelle et sélective, qui entretient le lien avec la période précédant la décroissance. Ces espaces peuvent également faire l’objet d’une réhabilitation et de requalification qui peuvent participer alors d’un phénomène de gentrification et encourager la spéculation de la part d’investisseurs. La décroissance a enfin des effets sociaux sur les populations qui y vivent : la pauvreté, le chômage et la dépendance à l’aide sociale y sont généralement plus marqués qu’ailleurs. Des initiatives locales se font alors jour dans ces territoires qui constituent autant de façons de contrer par le bas la décroissance et ses effets.
Enfin, ces espaces font l’objet de politiques publiques qui visent spécifiquement les formes de la décroissance. Il peut s’agir de politiques qui visent à renforcer l’attractivité et la compétitivité des territoires pour attirer des investissements et des populations, dans un cadre où le modèle dominant de l’aménagement est fondé sur le paradigme de croissance. Il peut s’agir de politiques sociales de lutte contre les inégalités dans des territoires fortement marqués par la précarité. Il peut s’agir encore de politiques de conversion des espaces dans un contexte de changements globaux et d’adaptation des territoires. A l’inverse, dans certains territoires, les acteurs érigent au rang de principe la décroissance en restreignant certaines activités économiques comme le tourisme par exemple ou en empêchant la construction de nouveaux logements pour limiter l’arrivée de nouvelles populations.
Etant donné l’objet d’étude, le jury formule une dernière mise en garde : le rôle des candidats et candidates n’est pas de proposer des solutions ou d’évaluer les aspects positifs et négatifs de la décroissance. Si le sujet les y invite, les candidats et candidates pourront rendre compte des politiques publiques à destination de ces territoires, de leurs objectifs, de leurs conceptions de la décroissance, mais en veillant toujours à garder une expression analytique et pas prescriptive.
Outils de travail
- Bibliographie indicative
- Voir le glossaire, et notamment les principaux mots-clés de la lettre de cadrage : décroissance | déprise | territoires | trajectoires | villes rétrécissantes.
- La banque d'images de Géoconfluences, notamment avec le mot-clé "évolution, chronologie, temporalités", pour saisir des trajectoires.
Décroissance ou décroissance démographique
- Olivier Vassal, « Réconcilier le vécu avec la statistique : une typologie des communes françaises », septembre 2024.
- Jean-Benoît Bouron, « Carte à la une. Des projections de la population française qui parlent surtout des tendances démographiques actuelles », janvier 2023.
- Yoann Doignon, « Les transitions démographiques des pays méditerranéens depuis 1950 », décembre 2020.
- Cecilia Fortunato, Elena Ambrosetti et Traduction : Malou Fournier, « La population italienne depuis 1861, histoire d’un renversement démographique », février 2020.
- Gérard-François Dumont, « Japon : le dépeuplement et ses conséquences », octobre 2017.
- Carlo Salone e Fabio Amato, "Shrinking Italy? I sistemi urbani italiani ai tempi della crisi", 2017.
Villes rétrécissantes
- Quentin Brouard-Sala, « Dévitalisation et revitalisation des villes petites et moyennes en Normandie », mars 2023.
- Tomoko Kubo, Michihiro Mashita, Megumi Ishizaka, Kazuki Kawamura, Tsukasa Hata, Taiyo Yagasaki et Traduit de l'anglais par Raphaël Languillon-Aussel, « L'accroissement de la vacance résidentielle dans les villes japonaises : le cas de la périphérie urbaine de Tokyo », octobre 2017.
- Daniel Florentin, « Notion en débat : shrinking city », novembre 2016
- Florence Nussbaum, « Quartiers fantômes et propriétaires invisibles. Les propriétés abandonnées, symptômes de la crise des villes américaines. », juillet 2015.
Déprise rurale
- Patrick Blancodini, « Agriculture et milieux littoraux en Guyane : l’expérience de la riziculture dans la région de Mana », Géoconfluences, mai 2025.
- Maie Gérardot, Pierric Calenge et Marie-Françoise Fleury, « L'asturcón : quand les chevaux témoignent des mutations des espaces ruraux asturiens (Espagne) », février 2025.
- Yannis Nacef, « Trajectoires des villages désertés des vallées de la Guarga et de la Solana (Haut-Aragon, Espagne) : de l’abandon à l’émergence de communautés villageoises alternatives », septembre 2023.
- Anne Lascaux, « Carte à la une. La plaine agricole de Berre : essor et déclin d’un espace productif maraîcher français (années 1970-2020) », février 2022.
- Samuel Depraz, « Habiter les espaces de faible densité : impensés et richesse des "vides" », mars 2020.
- Anne Lascaux, « La recomposition d’un système agricole méditerranéen au prisme des migrations, l’exemple des cultivateurs marocains dans le Comtat », février 2019.
- Thekla Boven, « Vieillissement et déclin rural : redynamiser les campagnes japonaises par les festivals d’art contemporain », octobre 2017.
Friches et paysages du déclin
- Aude Le Gallou, « Explorer les lieux abandonnés à Détroit et à Berlin : tourisme de l’abandon et trajectoires patrimoniales », juin 2021.
- Sylvie Guichard-Anguis, « Sites sacrés et chemins de pèlerinage dans la région montagneuse de Kii (Japon) », octobre 2016.
- Stéphanie Baffico, « De « Charm City » à « Farm City » : la reconquête des espaces en déshérence par l’agriculture urbaine à Baltimore », avril 2016.
Territoires post-industriels
- Nicolas Marichez, « Le cinéma, vecteur de patrimonialisation du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais », mars 2020.
- Simon Edelblutte, « Reconversion industrielle ou redéveloppement territorial ? L'exemple de Thaon-les-Vosges, ancienne ville-usine textile lorraine », novembre 2014.
Territoires post-catastrophe
- Cécile Asanuma-Brice, « Namie (Fukushima), une commune rurale projetée en modèle mondial de résilience post-accident nucléaire », avril 2024.
- Teva Meyer, « Image à la une. Fukushima, paysages d’un territoire en recomposition », avril 2020.
- Elsa Peinturier, « Risques littoraux et aménagement en Louisiane : les défis d’un territoire insoutenable ? », décembre 2015.
Décroissance revendiquée, territoires de l’alternative à la croissance
- Axelle Egon et Lionel Laslaz, « Résister face à Center Parcs. Les espaces de la ZAD de Roybon », septembre 2020.
- Christophe Imbert, Julie Chapon et Madeleine Mialocq, « L’habitat informel dans l’ouest de l’Ariège : marginalité ou alternative à la norme ? », avril 2018.
- Jean Renard et Cécile Rialland-Juin, « Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : les rebonds d’un aménagement conflictuel », février 2013.
Décroissance et écologie
- Anne-Lise Boyer et Marine Bobin, « (P)réserver l’environnement aux États-Unis, géohistoire du rapport ambigu d’une société à son territoire », juin 2024.
- Laurent Carroué, « Mondialisation et démondialisation au prisme de la pandémie de Covid-19. Le grand retour de l’espace, des territoires et du fait politique », mai 2020.
- Bertrand Sajaloli et Étienne Grésillon, « L’Église catholique, l’écologie et la protection de l’environnement : chronique d’une conversion théologique et politique », octobre 2016.
Territoires de l’informel
- Joseph Samba Gomis, « Quand la débrouille des habitants pallie une politique urbaine défaillante : l’extension de l’habitat informel dans l’agglomération de Ziguinchor (Sénégal) », septembre 2021.
- Martin Luther Djatcheu, « Fabriquer la ville avec les moyens du bord : L’habitat précaire à Yaoundé (Cameroun) », septembre 2018.
- Marie Morelle, « Notion à la une : marginalité », juillet 2016.
- Karine Bennafla, « Notion à la une : informalité », avril 2015.
- Marie-Noëlle Carré, « Buenos Aires, ou les territoires de la récupér-action », novembre 2008.
Politiques publiques de lutte contre la décroissance
- Marie Guilpain, « Aménager des espaces publics favorables à la santé en contexte rural : l’exemple du bourg de la commune d’Augan (Morbihan) », décembre 2023.
- Lise Desvallées, « La pauvreté énergétique en Espagne : d’un problème social national à une construction politique locale à Barcelone », février 2022.
- Bernard Bret, « Notion à la une : justice spatiale », septembre 2015.
- David Giband, « La fin des ghettos noirs ? Politiques de peuplement et recompositions socio-ethniques des métropoles américaines », juillet 2015.
Quelques exemples de trajectoires territoriales
- Ninon Briot, « Image à la une. Vues de Bruxelles, sur les traces de la bruxellisation », septembre 2023.
- Yvette Vaguet, « Où commence le nord ? Mise à l’épreuve d'un concept par le cas d’une ville « post-arctique » : Noïabrsk en Russie », octobre 2019.
- Renaud Le Goix, « Du manteau d’Arlequin au Rubik’s cube : analyser les multiples dimensions de trente années d’évolutions socio-économiques des quartiers en Californie du Sud », janvier 2016.
- Jacques Imbernon, « Des populations réfugiées frontalières et leurs impacts, l'exemple de la Guinée forestière », mars 2008.
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Pour citer cet article :
Jean-Benoît Bouron, « [Sur Géoconfluences] Les territoires de la décroissance (ENS de Paris 2026). Ressources classées », Géoconfluences, mai 2025.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/programmes/concours/decroissance-ens-ulm-2026-ressources