[Sur Géoconfluences] L'eau, étude géographique (ENS Lyon 2025). Ressources classées
Image de couverture : Lac d’Annecy au plus bas suite à la canicule de l’été 2018. Cliché : Alice Nikolli, octobre 2018. Extrait de : Alice Nikolli, « Le lac d’Annecy, entre images et réalités : approche géographique d’un espace convoité », Géoconfluences, mars 2022. |
Le texte de cadrage du jury de l’ENS de Lyon, avec liens vers le glossaire de Géoconfluences
L’eau, étude géographique
Expert sollicité par le jury : David Blanchon, professeur en géographie à l’université Paris Nanterre et dans l’International Research Lab iGlobes.
L'eau, ressource nécessaire à la vie et à la santé est au cœur d’un très grand nombre de questionnements géographiques. Le sujet est abordé en classe dans le cadre de l’étude des ressources et des risques, au collège comme au lycée.
Comme pour toute question de géographie thématique, le jury attend des candidates et candidats qu’elles et ils soient capables d’envisager la question à l’échelle mondiale, mais en nourrissant leur réflexion d’exemples pris dans toute la diversité régionale.
L'analyse la plus classique repose sur la contradiction entre l'abondance de l'eau sur Terre et la rareté de la ressource. Cette rareté est liée à la très faible part d'eau douce par rapport à l'eau salée, à la très inégale distribution de la ressource (question de la disponibilité) et à l'ensemble des facteurs sociaux (politiques de l’eau, privatisation) qui restreignent la capacité des populations à s'en procurer (question de l’inégal accès à l'eau). À l'inégale répartition de l’eau sur la Terre s’ajoutent des inégalités dans la capacité à mobiliser cette ressource. À la question de la quantité s’ajoute celle de la qualité de la ressource. Près d'un quart de la population mondiale n'a pas accès à l'eau courante, et près de 10 % (principalement des femmes) doivent encore faire un trajet de plus de 30 minutes aller-retour pour fournir de l'eau à leur famille.
L’étude des masses océaniques et des littoraux n’entre pas dans la question. La question porte donc essentiellement sur les eaux continentales, mais on attend une compréhension générale des cycles de l’eau. Le jury n’attend pas des candidates et candidats des connaissances poussées en hydrologie et climatologie mais des notions élémentaires telles que réseau hydrographique, bassin versant, lit mineur, lit majeur, étiage, crue, débit, nappe phréatique etc. doivent être maîtrisées, de même que les grandes données du cycle de l’eau, de la répartition temporelle et spatiale des précipitations sous leur différentes formes.
De nombreux aménagements hydrauliques (stocker provisoirement des écoulements afin de prévenir les inondations, réguler un débit, produire de l’électricité etc.) laissent leur empreinte dans les paysages et sont parfois à l’origine de tensions et de conflits entre les différents acteurs qui utilisent la ressource. Chaque société élabore sa relation avec l'eau en tenant compte de diverses contraintes, et le changement climatique transforme rapidement les paramètres. Ainsi, la question de l'eau devient un indicateur essentiel pour évaluer les capacités d'adaptation de telle ou telle société aux défis contemporains.
L'eau peut être étudiée sous quatre angles, l’environnemental, l’économique, le social et le politique, en réalité largement liés, et le jury souhaite que cette dimension systémique soit bien prise en compte. D'un point de vue environnemental, l’étude de l’eau se concentre sur les réseaux hydrographiques, depuis la source jusqu'à l’exutoire, incluant la protection des zones humides, la renaturation des cours d'eau, ainsi que la gestion des pollutions et des risques liés à l’eau. Toute approche utilitariste de l'eau a des conséquences sociales et écologiques ; ainsi, aucune étude d'un milieu aquatique ne peut ignorer les conséquences sociales de sa destruction ou de sa protection.
Sur le plan économique, l’eau est une ressource essentielle pour de nombreux secteurs, tels que l'agriculture, l'industrie et la production d'énergie. Elle peut être considérée comme une marchandise, ce qui implique l’étude de son commerce et de son transport. Les biens consommés dans un pays nécessitent de l’eau pour leur production : cette eau peut provenir du pays en question ou d’un autre pays, si le produit a été importé. Ce concept de transfert d’eau virtuelle doit être intégré à l’analyse, ainsi que la distinction entre l’eau bleue, qui fait référence aux ressources en eau douce accessibles, l’eau verte, qui désigne l’eau de pluie utilisée par les plantes, et enfin l’eau grise, qui est l’eau polluée et pose la question de l’épuration et du recyclage. Ces concepts et distinctions sont cruciales pour comprendre les flux économiques de l’eau et leur impact sur les économies et les marchés.
D'un point de vue social, l’accès à l’eau est marqué par des inégalités et des rapports de domination. L’accaparement des terres s’accompagne souvent d’un phénomène de « water grabbing » ou accaparement de l’eau : les cultures destinées à l’exportation sont souvent irriguées pour maximiser leur rendement, ce qui amène les États pratiquant l’accaparement foncier à exercer une pression sur les ressources en eau des pays concernés, tout en préservant leurs propres réserves. Les modes d’habiter autour des étendues et cours d'eau diffèrent selon les pratiques des individus et des sociétés dans l'espace et engendrent des enjeux multiples et complexes. Ces zones sont souvent prisées pour le tourisme et les loisirs, ce qui peut générer des bénéfices économiques importants tout en mettant une pression considérable sur les ressources en eau. L'usage récréatif de l'eau, qu'il soit privé ou collectif, nécessite une gestion rigoureuse pour maintenir la qualité de l'eau et la biodiversité. Une mauvaise gestion peut compromettre à la fois la santé des écosystèmes et des populations locales.
L'assainissement est crucial pour prévenir les maladies liées à l'eau, qui restent un problème majeur dans de nombreuses régions du monde. Ces questions posent des défis de gouvernance essentiels pour garantir un développement durable et la santé publique. La privatisation des services d’eau et d’assainissement qui progresse à l’échelle mondiale, les droits des générations futures mais aussi les droits juridiques naissants accordés à la nature sont autant d’enjeux majeurs de justice sociale.
Enfin, comme toute ressource naturelle, l’eau peut faire l’objet d’une analyse géopolitique à toutes les échelles. Cela inclut les conflits d’usages entre individus, comme entre le propriétaire d'une piscine et l’agriculteur qui a besoin d’irriguer, entre groupes sociaux, tels que les agriculteurs et les éleveurs en zones semi-arides, et entre États. Même si la notion de « guerre pour l’eau » est controversée, l’eau demeure une dimension importante dans de nombreux conflits internationaux, notamment en raison des enjeux d’accaparement en amont et de pollution en aval. Dans de trop rares cas, l’eau peut aussi être un vecteur de coopération internationale pour une gestion durable.
Orientations bibliographiques
- Frédéric Durand-Dastès, « À propos de la géographie de l’eau : temporalités et échelles spatiales », L’Information Géographique, 69-3, 2005.
- « La pénurie d'eau : donnée naturelle ou question sociale ? », numéro de Géocarrefour, vol. 80/4, 2005 et notamment « Le commerce de l’eau virtuelle : du concept à la politique », de Lysiane Roch et Corinne Gendron
- David Blanchon, « L’eau, une ressource menacée ? », La Documentation photographique, n° 8078, décembre 2010
- David Blanchon, Géopolitique de l’eau, entre conflits et coopérations, Le Cavalier Bleu, 2019.
- David Blanchon, Atlas mondial de l’eau, Autrement, 2022
- « L’eau : les tensions d’une ressource » - La Vie des idées.
Outils de travail
- Bibliographie indicative
- Banque d’images (avec le mot-clé : eau) | glossaire | carte interactive
- Dossier : Les systèmes socio-écologiques face aux changements globaux
- Dossier : Risques et sociétés
- Dans le glossaire, voir notamment : Aridité, sécheresse, pénurie d'eau | bassin versant | conflit d'acteurs et conflit d'usages | corvée d'eau | crue décennale, centennale... | eau | eau (accès, potabilité) | écosystème | guerre verte | hydrosphère | hydrosystème fluvial | inondation | irrigation | mégabassines | ressource | risque | zone humide.
- NB. Du 1er juillet au 31 décembre 2024, le site Géoimage ne sera plus disponible. Les usagers sont invités à télécharger les ressources nécessaires avant la fermeture. Géoconfluences n'est pas concerné.
1. L’eau ressource
Eau et alimentation
- Alexandra Pech, « Quand notre environnement nous rend obèses : comment l’environnement influence-t-il nos pratiques alimentaires ? », 2021.
Accès à l’eau et gestion de l’eau
- Clara Loïzzo, « Crise de l’eau à Mayotte : une question démographique plus que climatique », 2024.
- Judicaëlle Dietrich, « Politiques de l’eau et lutte contre la pauvreté à Jakarta, un rendez-vous manqué », 2020.
- Yvan Bertin, « La nécessaire gestion durable de l'eau en Martinique », 2019.
- Émilie Lavie, « Le sabīl : marquer l’islam dans la ville par des points d’eau », 2016.
- Florence Richard-Schott, « La "gestion durable des ressources en eau" dans le bassin du Rhône, de la théorie à la pratique », 2011.
- Lise Desvallées, Anne Rivière-Honegger et Sylviane Tabarly, Quelles équités pour l'approvisionnement en eau des populations au Maroc ? L'exemple des fontaines à Marrakech, 2011
Manque d’eau
- Henri Girard, « Image à la une. Le bocage, une réponse à la désertification du Sahel ? », 2024.
- Martin Charlet, « Le bassin de la Muga, illustration très locale de la pénurie d'eau en Catalogne », 2024.
- Léa Billen, Image à la une : jardins féminins aux portes du Sahel, 2016
Usages de l’eau et conflits
- Anne-Lise Boyer et Marine Bobin, « (P)réserver l’environnement aux États-Unis, géohistoire du rapport ambigu d’une société à son territoire », 2024.
- Alice Nikolli, « Le lac d’Annecy, entre images et réalités : approche géographique d’un espace convoité », 2022.
- Delphine Acloque, « Frontière désertique, front pionnier et territorialisation. Approche à partir du cas égyptien », 2022.
- Raymond Woessner, « Le projet de canal à grand gabarit entre le Rhône et le Rhin : un conflit sans fin entre ses promoteurs et ses opposants ? », 2019.
Barrages et nexus eau-énergie
- Marion Benassaya, « Paix Territoriale et intégration d’une zone rouge de la violence armée en Colombie par des projets de développement : le cas du barrage d’Ituango », 2022.
- Silvia Flaminio, « L'eau en Australie : de l'exploitation des ressources à la gestion des milieux ? L'exemple du bassin versant du Gordon en Tasmanie », 2017.
- Lionel Laslaz, « Image à la une : Kárahnjúkar, le diable dans l’éden. Hydroélectricité et espaces protégés en Islande », 2016.
Réhabilitation des fronts d’eau fluviaux
- Antonin Girardin, « De la désindustrialisation à la vitrine métropolitaine : un quartier du Havre à l'heure néolibérale », 2022.
- Matthieu Adam, « Confluence, vitrine et arrière-boutique de la métropolisation lyonnaise », 2020.
- Fabien Jeannier, « Culture et régénération urbaine, le cas de Glasgow », 2008, avec mise à jour en mai 2018.
Fleuves-frontières
- Franck Ollivon et Florence Nussbaum, « Image à la une : États-Unis – Mexique, une frontière sanctuarisée, traversée, surveillée », 2019.
- Patrick Blancodini, « La frontière Suriname – Guyane française : géopolitique d’un tracé qui reste à fixer », 2019.
2. L’eau composante des milieux
Paysages de l’eau
- Romain Monassier, Anne Rivière-Honegger et Nadine Guigard, « Carte à la une. Des textes aux images : raconter autrement le fleuve Rhône », Géoconfluences, mai 2022.
- Marylise Cottet, « Notion en débat : paysage », 2019.
- Jacques Bethemont, Anne Honegger-Rivière et Yves-François Le Lay, « Les paysages des eaux douces », 2007.
Risques liés à l’eau
- Clara Loïzzo et Alex Prados Linde, « Inondations dévastatrices à Valence : le révélateur d’une forte vulnérabilité en contexte méditerranéen », 2024.
- Christine Cabasset, « Aménager les zones côtières à la hauteur des risques et des enjeux environnementaux : le cas du Timor oriental », 2021.
- Françoise Pagney Bénito-Espinal, « Construire une culture du risque efficiente ? Le cas de la Guadeloupe et de la Martinique », 2019.
- Édouard de Bélizal, « Le volcan Merapi (Indonésie) : espaces et temporalités du risque sur un volcan indonésien singulier », 2019 (le risque lahars est lié aux forte pluies tropicales).
- Martin Luther Djatcheu, « Fabriquer la ville avec les moyens du bord : L’habitat précaire à Yaoundé (Cameroun) », 2018.
- Servane Gueben-Venière, « De l’équipement à la gestion du littoral, ou comment vivre avec les aléas météo-marins aux Pays-Bas ? », 2015.
- Emmanuel Eliot, Eric Daude et Emmanuel Bonnet, « Interpréter les épidémies du passé : l'exemple de l'épidémie du choléra-morbus en Normandie en 1832 », 2012.
Pollution de l’eau
- Yves Duchère, « La pollution de la rivière To Lich à Hanoï », 2018.
- Perrine Vincent, « Image à la une : eau pure, eau polluée, le Gange à Varanasi (Inde) », 2015.
Renaturation, restauration
- Céline Clauzel, « Les réseaux écologiques, une stratégie de conservation pour concilier fonctionnalités écologiques et aménagement du territoire », 2022.
- Fanny Arnaud et Laurent Schmitt, « Carte à la une : reconstituer le Rhin disparu », 2018.
Zones humides
- Léa Paly, « Zones humides du littoral atlantique français, des patrimoines hybrides à la lumière de la démarche géohistorique », 2024.
- Lionel Laslaz, Johan Milian et Anne Cadoret, « Dans la jungle des espaces protégés. Multitude, imbrication et superposition des dispositifs de protection en France », 2023.
- Lisa Ernoul, Camille Roumieux et Alain Sandoz, « Perception et adaptation au changement climatique dans les deltas méditerranéens », 2020.
- Bertrand Sajaloli, « Génies de l’eau et protection des zones humides en pays dogon (Mali) », 2016.
Pour citer cet article :
Jean-Benoît Bouron, « [Sur Géoconfluences] L'eau, étude géographique (ENS Lyon 2025). Ressources classées », Géoconfluences, mai 2024.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/programmes/concours/eau-ens-lyon-2025-ressources